MOLOCH

PROLOGUE

Hey, bienvenue dans Moloch! Petit disclaimer avant de commencer : vous allez lire une histoire un peu trash. Je vais essayer de mettre les TW nécessaires au début de chaque chapitre.  Si je gère, je posterai un chapitre chaque semaine ou toutes les deux semaines. Le prologue est court, mais les chapitres sont assez longs en général, donc longs à écrire aussi.  N'hésitez pas à commenter, à réagir, à me faire part de tous types d'impression. Bonne lecture /o/

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La vie de Hyacinthe ressemble à une ouverture de bal. N'est-ce pas ? Ou c'était juste pour faire joli. Pour que cette phrase ne soit pas trop laide, qu'elle inspire une belle image. Il fait nuit. Hyacinthe ne dort pas. Il se demande si tout le monde ira au paradis, à la fin de la grande histoire de l'humanité. Puis, il se dit que si c'était vrai, il n'y aurait aucune utilité à l'enfer, au mal et au péché, et que le monde serait sans doute plus juste. On ne ferait pas étalage de la nécessité du mal. On se dévisagerait à peine. Et on pourrait croire que des dieux veillent de nouveau sur le monde. Dans sa tête, Hyacinthe allume des réverbères comme une mère une veilleuse pour son enfant apeuré par l'obscurité. Le matin, rien n'est pareil. Cela peut sembler comme une évidence. Mais Hyacinthe a la conviction que ce sont là les deux moments les plus distincts de la journée. Il y voit une différence inexorable et inexplicable, presque tacite et indicible que le genre humain ne saurait élucider. Hyacinthe adore émettre des théories qui ne servent à rien. Il a hâte de voir si tout le monde a raison, que ça le mènera juste à persévérer sur le chemin de la médiocrité et de la futilité et il s'en amuse faussement, ses propres sentiments sont badigeonnés d'un cynisme doctrinal qu'il s'est imposé à lui-même, comme pour échapper à la dictature monstrueuse de ses souvenirs. Il a appris à percevoir les sons comme équivalents à ceux d'une boite à musique. Et son monde oscille entre une valse éphémère et un tintement d'acier. Hyacinthe est beau, mais pas trop non plus, il est abordable, il a toujours l'air un peu paniqué par la vie, ses yeux bleus semblent ralentir la gravité, il est beau, Hyacinthe, mais seulement quand il porte une veste en jean et qu'il a un peu bu. Beau, triste et un peu fané. Une décharge esthétique. Hyacinthe est une œuvre d'art. Ses os sont composés de notes de musique. Hyacinthe a un parfum d'orange. De cannelle. De cerisier. Tous les jours, dans sa grosse veste à carreaux et ses bottines bordeaux, il descend les sept étages de sa pension pour étudiants fauchés même si, en soi, les études, ça ne l'avait jamais vraiment passionné, Hyacinthe, pour aller travailler entre un bar restaurant des quartiers ouest, un voisinage dont la fréquentation effraie les médias, et un club aux lumières épileptiques qui détruisent les rétines, les voix, les corps et la dignité crade qu'on retrouvait éclatée sur le sol immonde à côté du vomis et du désespoir.

Il a envie de réveiller son frère jumeau, Louis, qui dort dans le lit d'en face. Louis qui n'a jamais envie de rien, le visage froid et austère, qui semble pourtant cacher dans son cœur tout l'amour du monde, ce qui l'angoisse terriblement. Louis qui dort à côté du fils de Hyacinthe, Flower, l'imprévu, l'erreur de jeunesse, qui se retrouve dans les bras rigides d'un scientifique sans âme, ni morale, ni conscience, une beauté scalpée par ses grosses lunettes rondes et ses cheveux coiffés au millimètre près, même quand il dort. Louis est un génie. Un génie capable de guérir le cancer, de recréer internet, de fabriquer des consciences pour des intelligences artificielles. Et pourtant, il est là, lui aussi, aux côtés de Hyacinthe, inexorablement, dans cette décharge à cerveaux.

« Eh, Louis, tu dors ? »

Dans le noir complet, Hyacinthe arrive toute fois à remarquer que Louis grimace.

« Je dormais, oui.

-Mais tu ne dors plus.

-Non, je ne dors plus. Réveille pas Flo. »