MOLOCH

CHAPITRE SEIZE : LA TERRE PROMISE

Voici le chapitre 16 de Moloch. Au programme des retrouvailles, de nouveaux complots, de la tension et un gros TW dépression pour le POV de Hyacinthe/Louis. J'espère que ça vous plaira. N'hésitez pas à commenter et partager c'est toujours super et ça donne du moteur pour continuer. Des keur sur vous et bonne lecture /o/

Nour, 7h00, Dimanche

Nour aime aller courir le dimanche. Ça lui permet de se vider la tête et l'esprit, elle qui entend les pensées de tout le monde. Un goût acide dans sa bouche la perturbe. Il commence à pleuvoir. Mais Nour s'en fiche, elle continue de courir, la pluie fouette son visage et ses jambes nues, mais peu importe, le but, c'est de surtout continuer à courir. Il faut courir pour ne surtout pas faner. Nour est un roseau. Il peut rompre mais ne pliera jamais. Elle prépare et regarde le monde comme s'il venait d'y naitre pour qu'à chaque occasion elle redessine le traité moral qu'elle a fait pour elle-même et à la raison, au savoir humain. C'est sans doute cette idéologie très moraliste qui l'avait rapprochée de Louis, à la base. Esra dort encore dans leur appartement. Nour ne se sent pas à l'abri : elle vit dans une atmosphère incertaine qui ne la rend pas sereine du tout. Ce n'est pas juste à propos de Raven. Elle sent que c'est autre chose. Qui ne concerne pas seulement cette famille qui n'est pas la sienne, mais tout un pan du passé dont elle fait partie, par hasard, inadvertance ou conviction profonde. Elle accélère sa course. Il ne faut surtout pas y penser. Essoufflée, elle finit par s'arrêter dans une rue vide du centre, un poster de la chanteuse Maggie Carraway à moitié déchirée sur un mur humide et un petit salon de thé ouvert comme par miracle. Nour dévisage le portrait de Maggie. C'est une partie de la famille de Louis qu'elle ne connait pas vraiment. Elle a l'impression de sentir une ombre derrière elle depuis un moment. Mais quand elle se retourne, il n'y a jamais personne d'autre que sa propre ombre. Elle observe le café, un instant. Nour peut y voir un homme, de dos, la chevelure emprisonnée par un chapeau melon noir. Même de loin, on peut voir qu'il se tient droit, que son buste a une position sévère mais raffinée. Même de de loin, même de dos, Nour reconnaitrait cet homme entre mille. Parce qu'elle le connait, parce qu'elle le reconnaît, parce qu'il n'est pas quelqu'un d'ordinaire. Elle s'avance, entre dans le café. Les yeux sur l'affiche de Maggie semblent la suivre comme pour la prévenir d'un piège éventuel dans lequel elle pourrait tomber. Un carillon à la porte avertit de sa présence. L'homme ne se retourne pas. Il attend qu'elle vienne à lui, qu'elle pose sa main sur son épaule et qu'elle prononce timidement, mais paradoxalement d'une manière assez féroce dans ses intentions, le son de son prénom.

« Ange.

—Bonjour, Nour. C'est un temps froid pour courir.

—Et ce n'est pas un jour où ce genre d'endroit est ouvert. Surtout à cette heure. »

Ange ne se retourne toujours pas. Mais Nour connait ses mimiques par cœur. Elle se doute qu'il est en train de sourire, un rictus en dent de scie sur ses joues surpuissantes d'orgueil. Elle tente de ne pas utiliser son psyché. Ça la trahirait quelque part. Elle ne peut pas se laisser avoir par Ange Rightway ou c'est la fin de son existence. Nour pense à Esra. Il n'y a plus rien d'autre qui compte. Elle sait que Louis n'a pas à se protéger de cet homme cruel, abusif et charismatique. Mais elle oui. Et elle se refuse à dépendre de Louis pour sa propre protection. Nour aussi est forte, capable de se défendre. Si elle a survécu à Raven elle-même, elle peut survivre à n'importe qui de cette famille. L'impact de la balle lui imprime encore violemment sa marque mémorielle dans sa cage thoracique. Mais tout va bien. Elle croise Ange par hasard. Du hasard, voilà tout.

« C'est gentil de ta part d'être venue me saluer.

—Tu pourrais avoir, en retour, la politesse de te retourner.

—Tu n'as qu'à t'assoir en face de moi. Mon chauffeur te fera ce que tu voudras en terme de boisson. Il est particulièrement doué pour le thé à la menthe. »