Hey, bonjour, bonsoir, bienvenue dans ce nouveau chapitre de Moloch que je poste avec trois tonnes de retard, je suis vraiment désolé. Au programme, des discussions avec un robot, le premier POV de Flower, des secrets de famille bien gardés. J'espère que vous passerez une bonne lecture /o/
Raven, 16h, Jeudi
Solweig est debout, statique, à côté du canapé. Raven l'observe avec minutie et attention. Elle essaye de trouver dans cette contemplation quelque chose de divertissant. Mais l'ennui s'infiltre dans ses narines, ses artères jusqu'à ronger ses os. Elle observe ce robot en pensant à l'incroyable travail plein de finesse et d'élégance de Louis et Ange. Solweig, amas de ferrailles, semble bien plus humaine qu'elle. Raven ne peut s'empêcher de la regarder, de l'analyser sous toutes les coutures, d'essayer de faire en sorte qu'elle se dévoile pour enfin mettre de la lumière sur les plans de Louis et d'Ange. Elle se demande qui d'elle ou de Solweig est la plus monstrueuse dans sa forme comme dans son but dans l'existence. Raven l'écoute parler, parfois, comme un manuel, comme sa défaite absolue sur l'ensemble de ses plans. Puis, Raven se ravise et se dit que ce n'est qu'un robot après tout, il suffit de trouver la faille dans son système et elle pourra s'enfuir de sa prison dorée. Ce n'est qu'un robot, tout son organisme comme ses pensées sont artificiels. En pensant à la destruction de Solweig, Raven songe à ce qu'elle ferait, une fois dehors, à qui elle s'en prendrait en premier, à son frère, à Louis, à Flower? Elle, qui est la déesse de leurs plus horribles cauchemars, comment va-t-elle leur faire payer leur insolence, leur violence, leur désobéissance ? La bouilloire fulmine dans la cuisine. Solweig a préparé du thé. Une odeur de jasmin se répand dans tout l'appartement. Raven n'aime pas particulièrement le thé mais cette fonction d'en préparer a été imputée à Solweig lors de sa création, sans doute pour Louis qui adore ça tant qu'il n'est pas à la menthe. Dans ces moments en particulier, Raven se sent abandonnée par le monde, esseulée ordinaire au milieu d'une foule océanique qui ne lui laisse plus aucune identité. Au sein de sa tête et de sa mémoire, tout hurle. Comme si, d'un coup, elle ne se souvenait plus de ce qui l'a poussée à tuer ses parents, que cette action n'est que violence vide de sens. Une fragilité inconnue d'elle jusqu'alors vient se loger dans son cœur. Solweig a servi le thé. La fragilité fugitive se remplace aussi tôt par de la colère. Un néon clignote en boucle dans son cerveau, ses nerfs sont en épilepsie. D'un mouvement de la main, elle renverse les tasses et les petits gâteaux servis en accompagnement, s'empare d'un couteau et le porte à la jugulaire de Solweig qui n'a pas bougé d'un millimètre. Raven essaye de la planter, là, tout de suite, pour s'en aller, elle n'en peut plus d'être ici, juste toucher le dehors, sentir l'air frais rien qu'une fois, s'emparer du vent et des embruns de pollution. Elle essaye de toute ses forces, mais la lame en métal ne parvient pas à rentrer dans la cuirasse du robot. Elle essaye encore et encore, jusqu'à ce que la lame de son couteau se brise. Après plus de huit années en prison, Raven n'a pas cessé de réfléchir : pourquoi les a-t-elle tué ? Elle ne se souvient même plus de la raison. Raven pleure sans s'en rendre compte. Face à autant d'absurdité, de colère et de rancoeur, pour la première fois de sa vie, Raven s'écrase.
Solweig se penche vers elle, la regarde droit dans les yeux, en silence, pendant quelques minutes. Les pleurs de Raven ne sont pas prévus dans son algorithme qui a enregistré une personne apathique et sociopathe. Mais les années de prison plus cette tour dorée qui l'enferme une nouvelle fois ont eu raison d'une partie du courage et de la ténacité de Raven. Solweig ne prononce toujours pas un mot. Elle n'est pas programmée pour consoler quelqu'un, enfin, pas quelqu'un comme Raven. Alors, elle continue de l'observer en silence. Quand elle sent la tête de cette jeune femme, torturée par sa famille autant que par la société, sur sa poitrine dure comme du plexiglas, quand elle entend ses cris mélangés à ces larmes, il y a en elle un écho qui lui fait penser à Louis qu'elle affectionne un peu trop pour un robot. Raven pourrait se servir de ça, mais Solweig a la sensation qu'elle est sincère dans sa détresse actuelle. Actuellement, Raven semble être une poupée fragile qui s'avoue à elle-même ses défaites, qui les écoute même d'une voix longtemps silencieuse dans sa petite tête qui semble commencer à avoir des regrets, des remords, des interrogations sur le comment du pourquoi de ses actions, comme si elle commençait à devenir un être éthique et moral d'un seul coup après presque une décennie sous les barreaux. Les larmes de la jeune femme, teintées de haine, de colère et de tristesse absurde rendent Solweig perplexe ; ce n'était pas prévu dans sa conception de voir Raven autrement que comme une ennemie à abattre et à ne surtout pas sous estimer. Peut-être même que tout ceci est un spectacle pour l'attendrir, pour qu'elle se méfie moins d'elle. Raven ne sait même pas si elle joue la comédie ou si elle se sent sincère avec ses émotions. Elle sait juste qu'elle se sent dépassée par la situation dans laquelle elle se trouve. Raven ignore si elle pleure de rage ou de réelle tristesse. Elle ne sait pas différencier les deux, elle qui ne ressent rien en temps normal se heurte à beaucoup trop d'émotions imprévisibles pour elle. Assises en face à face, la femme et le robot continuent de se dévisager en silence. Solweig passe une main dans les longs cheveux noirs de Raven et rabat une mèche derrière son oreille. Elle suppose que c'est un geste tendre et affectueux.
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MOLOCH
Misteri / ThrillerQuand Hyacinthe Rightway, à 16 ans se ramène avec un bébé, du nom de Flower, dont il affirme être le père, il est exclu du domicile familial et il embarque alors son jumeau, Louis, dans ses galères. Maintenant, ils ont 25 ans. Flo est un gamin anxie...