CHAPITRE HUIT : SOUFFLE LE VENT DU NORD

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Hey, bonsoir, bonjour, hello, voici le chapitre 8 de Moloch. On repart dans le cerveau de Ange, Louis et Hobbes. Ça se pécho un peu, enfin, ça se torture, ça hésite. Je mets un TW inceste, ce chapitre, notamment le POV d'Ange peut choquer si vous êtes sensibles à ces thématiques, à toute l'immoralité que peut susciter ce POV. Sinon, y a de l'amour très gay aussi. Et la tristesse de Louis, aussi, pas mal. Hésitez pas à donner votre avis. Bonne lecture o/ 


***


Ange, 10h00, Dimanche

Les yeux d'Ange se figent au dessus du lavabo. Il lave ses mains frénétiquement depuis bientôt plus d'une demie heure. Raven l'observe en silence, allongée dans la baignoire. Elle ne s'est pas changée. Elle contemple Ange dans son uniforme encore couvert de sang. Il a une mine penseuse. Une flaque rouge s'est formée dans le lavabo. Ange a des rêves en plastique, figés et mornes. Sauf quand il s'agit de Louis. Louis est sa fissure. Sa faiblesse. Froid et cruel, brillant et solitaire, Ange est un être dont on respecte l'autorité naturelle. C'est instinctif. Devant ce lavabo, il cherche une méthode pour se débarrasser de Raven. Dans le seul but de protéger Louis et de se libérer lui-même d'une prison éternelle. Il effleure les paumes de ses mains sans les voir, mais en imaginant celles de Louis à la place des siennes, si longues, si douces, si belles, si rassurantes. Porte moi, Ange. Je veux voir les bourgeons dans les arbres. Ange est certain que cette phrase prononcée il y a des années par Louis sera le dernier son qu'il entendra quand il va mourir. Il prie pour voir son sourire avant son dernier souffle. Il lui arrive des jours où il a envie de se saisir de Louis, de s'emparer du moindre de ses soupirs, de sa plus petite respiration, de voir la lueur de son dernier sourire pour que cela n'appartienne qu'à lui seul. Ses mains se serrent au fond du lavabo. Louis le frustre. C'est une douleur qui devient de plus en plus insoutenable. Ange était persuadé que cela disparaitrait avec le temps. Qu'il ne ressentait ça que pour une durée limitée, le temps qu'il s'habitue à cette distribution d'affection qu'il n'avait jamais eu. Mais le sentiment est resté. Encore plus intensément qu'avant. Il ferme le robinet. La voix de Louis entame sans arrêt une valse dans sa tête, elle tourbillonne, parcourt chaque recoin même les plus cachés de son cerveau, réchauffe son cœur et ce bouleversement cinglant infecte tous ses nerfs, paralyse tous ses autres sens et sentiments. Toute sa vie tourne autour de son cousin. Le moindre de ses combats, les plus petites conceptions morales, la plus belle vision d'un aspect sublime, tout est rythmé par l'existence de Louis. J'espère que quand je serai grand, je serai aussi beau que toi. Ange l'aime. D'un amour qu'il ne devrait pas avoir, qu'il ne devrait pas ressentir. Mais d'un amour inestimable et presque sacré. Un amour que peu de gens expérimentent au cours de leur vie. Un amour qu'il n'a pas le droit de ressentir, ce qui le rend encore plus intense. Ange désire l'indésirable. Et ça le torture. Et de toutes les personnes du monde, il a fallu que celle qui découvre ce secret terrible soit Raven. Il effleure son col de chemise. La chaleur du sang s'infiltre au bout de ses doigts écorchés à force d'être trop souvent lavés intensément. Qu'est-ce qu'il est beau, Ange. Il est difficile de croiser quelqu'un de plus beau sur Terre. Et cet être qui pourrait voir le monde s'agenouiller à ses pieds voit ses plans compromis depuis qu'il a fait la rencontre d'un petit garçon, il y a bientôt vingt ans. Il ne s'attendait pas à ce que ce gamin grandisse et devienne aussi brillant, charismatique, sensuel. L'aura de Louis à ses quinze ans l'avait foudroyé. Il a su, à cet instant, qu'il n'aurait jamais le monde. Louis, oui, mais pas lui. La conquête du monde n'est pas faite pour ceux qui tombent amoureux de leur cousin.

Quand il déboutonne sa chemise, Ange pense souvent que ce sont les doigts de Louis qui commettent l'action, tremblants et hésitants, et pourtant avec une aura sereine, une confiance en lui particulière. Il frissonne. Ange est incapable de s'empêcher d'y penser. Même devant Raven. C'est une pensée qu'il ne maitrise pas. Il imagine la chaleur de la peau de Louis contre la sienne, sa voix plaintive qui murmure son nom, le contact de ses lèvres. On peut lire dans ses yeux un tissage de pensées vénéneuses et tentaculaires qui tissent son propre linceul. Louis tord son cœur, Louis le détruit. Mais Ange adore ça. Il se laisse faire docilement. Il se laisse autant caresser que torturer. Ce désir s'installe dans ses entrailles, au plus profond de ses tripes. Louis est le péché ultime d'Ange. Sa plus immonde perversion. Ça infeste ses os, ronge sa peau. Jour après jour, cet amour le dévore et le consume de l'intérieur. À chaque bouton qu'il défait, le fantasme tordu qu'il se fait dans son cinéma cérébral s'enfonce dans sa chair comme un clou dans une main, un pieu dans la cage thoracique. Dans le reflet du miroir, il voit parfaitement Louis descendre au creux de ses reins, plus bas, toujours plus bas, le corps tremblant et extatique. Ange imagine ses grands yeux bleus le transpercer, ses mains danser dans son dos, soulevant sa chemise, griffant sa peau, une beauté animale entre l'horreur et le sublime sacré. Ange se plonge dans cette extase chimérique aux allures de parterre de ronces. Mais tout va bien. Tout est emprisonné dans le miroir. Il tuerait pour Louis. Il pourrait mourir pour lui. Sa vie n'a aucun sens si Louis n'est pas là, à s'y blottir. Il n'existe vraiment que lorsque Louis le regarde. Louis est son éternité, son salut autant que sa plus grande punition. Il aime sa voix, ses poignets, ses cheveux taillés dans l'or, la longueur de ses cils, sa façon de marcher, ses phalanges, ses ongles, ses cicatrices, sa pudeur, sa force, sa bienveillance, son sourire, ses larmes, son rire. Le désirer lui donne envie de vomir, en réalité. Il imagine parfois dans ses rêves les plus tordus et improbables qu'il couche avec Louis, qu'il s'en empare vraiment. Et ça l'excite autant que ça le répugne. Imaginer son désir inonder Louis, imaginer son corps se courber, se tordre avec sa voix dans un spasme langoureux. Quel massacre. Une boucherie. Une souillure immense et irréparable. Ange a envie de hurler, de se débarrasser de ce sentiment infernal. Lui qui était aussi inébranlable et beau qu'une cathédrale, le voilà réduit à l'amoureux transi qui finira mal. Comme tous les héros tragiques incestueux. Louis a disparu dans le miroir. Ange retire sa chemise. Il ressent le besoin incontrôlable de se laver les mains à nouveau. Il se dégoûte. Il espère qu'un jour, Louis lui ouvrira le cœur, sciera son torse, que toutes ses viscères tombent au sol, qu'il en vomisse ses tripes, qu'il abrègera enfin ses souffrances dans un tableau bestial immoral et qu'il l'observera mourir pataugeant dans ses intestins et ses organes. Louis est son désir, son amour, son obsession, son alter ego, sa transcendance, son illumination, son langage effervescent, sa luminescence. Il est le monde entier d'Ange. Et Raven ne peut pas briser ça. Ange ne peut pas prendre ce risque.

MOLOCHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant