17. RETROUVER SA TRACE

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Je ne tiens que rarement mes promesses, je change tout le temps d'avis. Non, je n'ai pas lâché prise, c'est même encore pire maintenant, car il était à cette fameuse soirée.


Pile quand je n'y croyais plus, quand j'avais abandonné tout espoir, quand je ne voulais surtout plus que ça arrive.


Son indifférence et sa froideur me glace le sang. Il m'évite clairement, comme si nous ne nous étions jamais connus ; donc je n'insiste pas, mais qu'importe, il est là. Je sais où le trouver maintenant, dans cet élégant appartement haussmannien à la hauteur de plafond vertigineuse ; moulures et boiseries se mêlant dans un intérieur bohème chic où sont posés pêle mêle, sur de grandes tables, guéridons, ou à même le sol, de nombreux livres, sculptures et tableaux.


Un bric à brac artistique dans lequel seule la maîtresse des lieux se retrouve. Agnès, une quadragénaire androgyne aux cheveux déjà grisonnants qu'elle laisse tomber en une natte qui vient se lover dans son cou. Pas de maquillage, mais une peau bronzée éclatante et une allure folle, magnifiée par un style ethnique minimaliste. Je ne l'ai jamais vu porter que du blanc, certainement pour faire ressortir les couleurs des fortes personnalités qui gravitent autour d'elle. C'est un esprit libre, je l'aime beaucoup. James travaille pour elle.


Tout ce que je veux c'est être près de lui, et glaner tout ce que je peux de sa présence, sans rien n'attendre en retour. Parce que malgré ses mots je continue de l'aimer. Tout mon être se sent irrésistiblement vibrer en sa présence et ça ne changera jamais. Je sais que ça ne fait aucun sens et que je me contredis en permanence à son sujet, mais je n'arrive pas à lutter, à faire ce que je devrais faire. Alors je trouve tous les prétextes pour me faire inviter à ses soirées déjantées du jeudi soir qui se terminent généralement tard dans la nuit, ou au petit matin. L'extravagance est de mise. On chante, on danse, on parle de sujets abracadabrants en buvant les meilleures bouteilles de l'impressionnante cave d'Agnès.


On ne sait jamais où la soirée va nous mener, qui l'on va rencontrer, à part le petit cercle d'habitués qui est toujours le même, dont James et sa femme font partie. Elle est souvent là, je passe la nuit à l'observer, à essayer de réfléchir à une approche, mais je laisse toujours tomber. Elle est blonde, très douce, fine et musclée. Elle a un port de tête impeccable. Tous ses gestes sont empreints de la grâce que l'on attend d'une danseuse.  D'ailleurs, c'est son prénom, elle s'appelle Grace.


Philippe m'accompagne la plupart du temps. J'insiste sur le fait que je veux  m'inspirer de cet univers inspirant pour créer, écrire un roman ou un recueil de poèmes, et commencer à prendre des contacts de-ci de-là pour un jour, espérer me faire publier.


Un soir en rentrant, dans la voiture, Philippe me dit " Tu devrais y aller sans moi dorénavant chérie, je pense que tu n'as plus besoin de moi. " Serait-il au courant ? Je ne savais pas quoi répondre, j'ai dû balbutier quelque chose de banal d'un air fatigué pour ne pas me trahir. Rien ne peut se passer de toute façon... Il peut dormir tranquille.


Il est tellement compréhensif, amoureux et gentil, que si je lui en parlais il serait capable d'essayer de me comprendre. Mais je ne pourrais jamais supporter l'air de tristesse dans ses yeux. Alors je garde tout serré en moi. Tant qu'il ne se passe rien, je ne fais rien de mal.

Infidèl(e)sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant