32. LE MESSAGE

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Pendant quelques semaines, avec Philippe, tout revient à la normale, du moins en apparence. Je sens que nous avons encore du mal à assumer les conséquences de la vérité. Lui comme moi avons besoin de faire comme si rien ne s'était passé, comme si notre couple était toujours récupérable.


Un beau jour cependant, Philippe remet James sur le tapis. Je finis par lui raconter son départ pour l'Afghanistan. Je suis tellement dans mon livre en ce moment, tournée toute entière vers la création, que j'en oublie un peu mes envies de luxure, et je décide d'abandonner mes grands discours, je n'ai pas assez de force pour lutter sur tous les plans. Je ne veux qu'une chose, finir ce livre.


J'adopte un air contrit de femme docile et obéissante, désirant plus que tout se racheter pour en finir au plus vite, et pouvoir me concentrer sur mon roman. Je sens qu'il veut lui aussi mettre cette histoire derrière lui et tout oublier, comme si ce n'était pas là le symptôme d'un mal beaucoup plus profond qui s'était répandu en moi. Peu importe, il veut y croire, et égoïstement, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour l'y aider.


" N'en parlons plus. Je ne veux plus jamais que tu prononces son nom. Et ne t'attends pas à ce que tout redevienne comme avant, je ne pourrais plus jamais te voir de la même façon. Je t'aime, je t'aimerais toujours, mais tu as brisé quelque chose et je ne sais pas si cela pourra un jour être réparé. Il va me falloir du temps pour te refaire confiance. "


Je n'ose pas dire un mot, mes joues me brûlent, comme après une forte claque. Je me revois petite fille, pendant les colères de mon père, cet horrible sentiment de l'avoir déçue, d'avoir failli, d'être mauvaise, irrémédiablement, de devoir me racheter, sans cesse, de n'avoir jamais réussi à engendrer autour de moi autre chose que du chaos.


Je baisse les yeux, soumise, et me lève pour poser sur la table un plat que j'ai mis la soirée à préparer, pendant que Noah jouait gentiment avec ses cubes et des anciennes casseroles à mes pieds. Je prends une grosse cuillère et le sert généreusement comme une épouse des années cinquante. Un peu de sauce atterrit par inadvertance sur sa cravate. Il a un mouvement de recule, une rage contenu en un long soupir agacé.


" Elle est sale maintenant.

_ Je suis désolée chéri. Donne, je vais la laver. "


Il défait le noeud de sa cravate, la passe au dessus de sa tête et me la tend, sans se départir de son air froid qu'il me réserve depuis le jour où je lui ai tout avoué. La route sera longue.


Je me dirige vers la salle de bain, la cravate à la main, et je me hisse sur la pointe des pieds pour attrapper le détachant, faisant tomber par la même occasion un petit flacon de lessive en poudre. Je me penche pour le ramasser et j'aperçois, enfoncé sous le meuble, dépassant à peine du rideau qui masque le panier à linge, un petit bout de papier blanc.


Je tire dessus péniblement pour l'extirper de là-dessous. C'est une photo. Je la dépoussière du revers de la main. Une photo de moi, nue sur le canapé de l'atelier de James, le jour où je lui avais dit de se remettre au dessin. Le jour aussi, où sans le savoir, j'avais insinué en lui l'idée de repartir. Les larmes me montent aux yeux. Elle avait dû glisser quand j'ai jeté l'enveloppe. Je la retourne machinalement. Au dos, écrit à la hâte,  un mot de James qui m'était destiné :


" Je repars ce soir, là où j'ai toujours su que je devais retourner, et c'est grâce à toi. Tu m'as rappelé qui j'étais et ce que je voulais vraiment accomplir dans cette vie. Tu m'as toujours montré qu'il ne fallait jamais rien lâcher, être fidèle à soi-même envers et contre tout. Je crois en toi et en ton talent Liz. J'emporte tes mots avec moi là où je vais, je sais qu'ils sauront me guider sur le chemin du retour quand le moment sera venu. Je n'ai jamais su te dire au revoir et j'espère que tu me pardonneras. Je t'aime. Je sais qu'on se reverra.


PS : Tu te souviens du coach littéraire que tu avais détesté ? Il t'a trouvé un éditeur, je lui ai montré tes poèmes et il a été très emballé. Appelle-le."


C'était suivi de son nom et de son numéro de téléphone.


PS 2 : Je te fais passer mes dessins si tu veux toujours de mon humble contribution pour ton recueil. J'espère qu'ils te plairont, sinon redonne le tout à Grace, elle saura quoi en faire. 


PS 3 : Cette photo irait bien en préambule de l'exposition sur tes fesses, non ? :p Un jour peut-être... Je n'ai pas abandonné l'idée. "

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