31. ECRIRE NOTRE HISTOIRE

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Ce soir-là je ne peux pas dormir, je regarde Philippe dans le lit, et je ne me suis jamais sentie aussi loin de lui, sans rapport, comme si j'étais entrée par effraction chez des étrangers. Je tourne un peu en rond, me fais une tisane, me poste à la fenêtre, regarde la lune. Puis comme si ça ne venait pas de moi, je sens mon corps en mode automatique, aller jusqu'à l'ordinateur.


J'ouvre un nouveau fichier texte et commence à écrire, tout ce qui me vient en tête, je le vide sur la feuille comme on vomit le contenu malade de son ventre après une indigestion. Je vais me coucher vers quatre heures du matin, sans m'être rendue compte du temps qui était passé, morte de fatigue.


Je décide de taire le départ de James devant Philippe. Je ne veux pas lui faire ce plaisir-là, d'avoir perdu son rival aussi facilement. Et puis son départ ne change rien. Je ne veux plus vivre comme avant. Je veux la passion, des sensations fortes, et tant pis si ça m'entraine dans le lit d'un autre. Je veux être libre si l'occasion de vivre des choses intenses se présente à nouveau.


J'aime le sexe. Je veux de la nouveauté, pas dans les gestes, les positions, les clubs à partouze, l'échangisme, les gadgets, ou je ne sais quoi encore, mais dans les partenaires. C'est ça qui m'excite, changer de corps. Je veux une vie d'artiste, libre et passionnée, et saisir tout ce qui passe, ne rien laisser passer des maigres plaisirs que la vie a à offrir. La question c'est : Suis-je prête à perdre le père de mon enfant pour ça ? Je ne sais pas...


En attendant, je passe chaque moment de libre à écrire notre histoire. Moi qui n'avais jamais d'inspiration, mais toujours eu l'envie d'écrire un roman, je m'épate. Le sujet était là depuis toujours, devant mes yeux. " Sers-toi de ce qu'il y a en toi, me disait mon professeur de théâtre quand j'étais petite, tu as un trou de mémoire, sers-t-en dans ton jeu, tout est matière à rebondir, il n'y a rien à inventer, prends ce qui est à ta portée, déjà disponible. "


Je suis son conseil. Et j'écris, j'écris, j'écris. Comme pour me signifier que je suis sur la bonne piste, je sens l'univers me souffler dans le dos et m'accompagner à chaque phrase, comme si j'étais dans un torrent qui m'entraînait à bonne allure. Tout coule et s'enchaîne, sans que je n'ai jamais à ramer.


Je fais acte de présence, tous les jours devant l'ordinateur, en pleine nuit, pendant les siestes de Noah, en me levant plus tôt. Bref, en prenant chaque instant disponible pour travailler, pour le retrouver au détour de mes mots, pour supporter son absence.

Infidèl(e)sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant