25. LA FEMME DE JAMES

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J'attends James un verre à la main, en robe de soirée, assise confortablement sur un fauteuil du salon, le tissu vermillon retombant jusqu'au sol, ondulant en drapé sur mes jambes croisées. Je le regarde se préparer dans la salle de bain, dans l'embrasure de la porte restée ouverte.


Je détourne les yeux faisant mine de vérifier la bride de mes chaussures, lorsque je sens le regard de sa femme posé sur moi. Il doit avoir senti un changement subtil dans l'atmosphère car il se retourne, nous lançant un bref coup d'oeil énigmatique, auquel je ne peux m'empêcher de répondre instantanément, dans un réflexe, pendant qu'elle continue à me fixer d'un air songeur.


Elle est splendide dans son pantalon fluide et soyeux qui souligne la finesse de ses hanches, le vert brillant du tissu contraste joliment avec ses cheveux blonds. Je me lève, me dirigeant vers le bar sur lequel trône la bouteille de Gin, pour me donner une contenance. Je leur propose un verre pour effacer le malaise qu'elle fait naître en moi. Il décline mon offre en se retournant vers son image dans le miroir, finissant de nouer son noeud papillon. Elle accepte gracieusement.


Je sens ses yeux collés à moi, remonter lentement de bas en haut pour se figer sur ma nuque et la brûler de toutes ses questions sans réponse, comme autant de petites flèches affûtées qu'elle suspend dans le silence, en attendant le parfait moment pour les lancer droit dans ma peau blanche et me voir saigner.


Le rouge de ma robe se répand sur mes joues et l'excitation intense mêlée de passion, que je ressens incompréhensiblement pour son mari, et que j'ai peur de ne plus pouvoir réussir à cacher, se meut en une peur qui me tord le ventre.


Je prends une grande respiration pour apaiser mon être ébranlé, et concentre toute mon attention sur la belle bouteille bleue Bombay Saphire que je saisis en essayant de ne pas trembler, écoute le bruit du liquide qui remplit le verre carré, ajoute le Tonic, un soupçon de citron, et me retourne en ayant rassemblé tout mon courage.


Je la regarde d'un sourire franc, droit dans les yeux, en lui tendant son verre. Je réussis à me reprendre. Elle ne sait rien, ne te trahis pas.


Nous trinquons et buvons ensemble en partageant des ragots sur des connaissances communes. James nous rejoint, si élégant dans son costume gris irisé, parfaitement détendu, d'humeur joyeuse.


Nous ouvrons la porte fenêtre pour allumer nos cigarettes sur la terrasse dans l'air frais de la nuit qui vient de tomber. Nous rions, buvons, fumons. Je les vois échanger des regards complices et je me trouve bête d'avoir eu peur quelques dizaines de minutes plus tôt.


Sur le point de nous laisser seuls un instant pour aller chercher son sac à main laissé dans sa chambre, elle écrase sa cigarette dans le cendrier en se penchant entre nous, puis fait mine de partir, mais revient sur ses pas juste avant de passer la porte de la véranda.


Elle se plante devant moi, une étrange lueur brillant dans ses yeux, et sans que je ne puisse le prévoir, m'embrasse sur la bouche en emprisonnant mon visage entre ses deux mains, sans violence, mais avec détermination, et presque une certaine tendresse.


Il ne réagit pas. Mes yeux sont fermés mais rien ne bouge autour de nous, je ne sens que la douceur de sa langue sur la mienne, puis très vite, nos corps s'écartent. Je la regarde, interloquée. Elle a l'air satisfait. Je ne sais pas ce qui me sidère le plus, son geste, ou le fait que je me sois laissée embrasser, presque avec plaisir. Quelque chose de malsain qui me repousse et m'excite.


Lui est comme hypnotisé, il ne dit rien, regarde la scène fasciné, préfère ne pas attirer l'attention sur lui peut-être. Mais elle l'ignore, et toujours les yeux ancrés dans les miens, comme pour sonder mon âme en profondeur, elle me dit le plus calmement du monde : " Je voulais juste savoir ce que ça lui fait de t'embrasser. " Puis elle quitte la véranda et disparaît dans la maison, d'un pas si léger que je me demande si je n'ai pas rêvé.


Philippe arrive à ce moment-là, nous empêchant James et moi d'échanger sur ce qui vient de se passer autrement que par un regard interrogateur, qui reste en suspend dans l'air, comme une menace.

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