Le Règne des Ombres

Chapitre 18 : Maison...

Niall fixait le démon, attendant sa réponse. Sa mine épuisée, abattue, le faisait paraître encore plus fragile sur la table du vieux manitou. Il ne comprenait pas. Il s'était endormi dans cette grotte, avec des lames de part et d'autre de son corps, et il se réveillait dans ce qu'on pourrait appeler l'antre du guérisseur, le métis en train de nettoyer ses plumes avec une certaine satisfaction visible. C'en était bien trop pour lui, qui, le regard aussi perdu que désorienté, essaya de se redresser sans y parvenir. Il s'attira un feulement de protestation de la part de Zayn, qui prenait à coeur son rôle de "bonniche" juste pour prouver au soigneur qu'il n'était pas si têtu et arrogant que ça, ainsi que du soigneur qui lui hurlait au visage de ne pas bouger avec une voix si forte que ses oreilles tintèrent et son cerveau se brouilla à nouveau.

-Zayn, vraiment, qu'est ce que tu fous...?

C'est la première question qui franchit ses lèvres, prononcée d'une voix tremblante et brisée. Le démon planta son regard dans le sien, tandis que l'ange le scrutait avec inquiétude.

-J'obéis à monsieur le plus grand manitou casse pieds de la planète. Railla-t-il, agacé.

Puis, avisant l'air effrayé de l'ange, qui regardait fébrilement autour de lui avec la hantise de voir ressurgir l'ennemie, il ajouta avec un semblant de douceur:

-On t'as récupéré dans la grotte, l'Orphelin... T'as eu de la chance, un peu plus et tu perdais tes ailes...

Niall déglutit avec horreur, tremblant. C'était un pur cauchemar encore frais dans son esprit et s'il n'était pas si épuisé il ferait sans doute une crise d'hystérie ou de panique. Il sentit une de ses plumes se faire tirer à nouveau, constatant ainsi que le métis recommençait son travail avec application. Bien malgré lui, le petit blond lâcha un sanglot. À la fois de soulagement en se sachant sain et sauf, mais également de peur. Ils reviendraient. Ils l'avaient dit. Il se recroquevilla à grand peine sur la table, sous le regard impassible et courroucé du soigneur qui ne supportait pas que l'on conteste ses ordres. Zayn hausse un sourcil en le voyant faire, puis comprit plus ou moins la situation en voyant les tremblements qui agitaient l'ange. Ce qu'il ne comprit pas, par contre, ce fut par quel miracle du sort il se retrouva à enlacer le petit corps frais contre lui, avec une douceur qu'il ne pensait même pas existante. Niall poussa un hoquet de surprise et se débattit instinctivement avec le peu de forces qu'il lui restait, avant de se laisser aller contre cette chaleur rassurante. Il essayait de se souvenir. Vaguement dans son esprit, il entendait la voie du démon, puis une douleur atroce. Il tenta de bouger ses ailes, mais elles restèrent inerte. Son corps était épuisé, même si les miraculeux remèdes du soigneur insufflaient peu à peu de l'énergie dans ses muscles à sec. Il sentit finalement, après un temps où il se força à oublier qu'un diable le toucher, que Zayn le lâchait sagement et reprenait sa tâche avec calme. Niall resta silencieux, un long, très long moment, un peu apaisé, contemplant son aile qui redevenait peu à peu blanche, immaculée. Il réitéra son expérience et parvint cette fois ci à décaler son aile d'un cran, sentant les fourmis le gagner douloureusement. Il était engourdi. Zayn lacha un juron en sentant les plumes glisser entre ses doigts, les rattrapant bien vite.

-Bouge pas, c'est déjà assez dur comme ça... Marmonna-t-il, sans parvenir à être sévère devant les grandes prunelles craintives posées sur lui.

Niall resta sage un moment encore, au grand plaisir du démon. Puis finalement, la crainte de se faire tuer s'il bougeait fut remplacée, lentement, par la curiosité et l'amusement. L'ange souleva encore une fois son aile, l'arrachant sans prévenir aux mains du métis qui lui lança un regard agacé. Le blond esquissa un fin sourire qui eut le mérite de calmer un peu Zayn, qui fut presque attendri sur le coup. Attendrissement qui ne dura pas lorsque, après avoir tenté de rattraper son aile, il la sentit à nouveau glisser sous le sifflement moqueur du soigneur. Il s'apprêtait à crier, impulsif comme sa nature le demandait, avant qu'un rire léger et timide n'échappe au petit ange. Il sourit à son tour, bien malgré lui, rattrapant l'aile fuyante qui s'empressa de s'élever pour le forcer à en faire de même.