Chapitre 26 : Désolation

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Le Règne des Ombres s'installa, peu à peu. Il prenait place dans la vie elle même, brisait chaque espoir, ne laissait que le chaos autour de lui. Chaque ange, chaque démon, confiné à l'intérieur de sa cité, se devait de respecter des mesures strictes et sévères pour assurer la survie de tous. Au dehors des murs protecteurs, à l'endroit exact où se trouvait alors le champ de bataille qui opposait anges et démons, se dressait désormais un palais que les survivants de la bataille appelaient le Château des Malheurs. Un étrange lieu que nul n'osait approcher si ce n'est de rares téméraires, souvent des diables entêtés et désespéré. Car celui qui se donnait le nom de Maitre du Jeu ne se contentait pas de siéger et faire naître le noir et la désolation. Souvent, ses troupes de créatures monstrueuses sortaient, la nuit venue, et pillaient impitoyablement les cités. Lorsque le soir tombait, chaque être habitant la contrée se sentait tressaillir de terreur. Le jour se levait ensuite sur les lamentations des familles en deuils, penchées sur des cadavres mutilés. Bien sur, des patrouilles avaient tenté de percer les défenses des sombres murailles entourant la demeure de l'être maudit, mais les rares survivants en revenaient perturbés et effrayés. Ils racontaient alors des horreurs dignes des cauchemars. Les arbres se refermaient autour d'eux, noirs, tordus, les hyènes du diable riaient sur les corps de leurs compagnons morts. Bientôt, aucun des deux camps n'osait plus attaquer son voisin. Les anges analysaient la situation au calme, tentant de ne pas céder face à la menace, tandis que les démons vadrouillaient en éliminant au mieux les créatures qu'ils rencontraient. Deux ou trois étaient nécessaires pour vaincre l'une d'elle, et ces efforts coûtaient leur lot d'énergie. La cité démoniaque se retrouva rapidement à cour d'effectif, les diables ayant combattu devant se reposer durant parfois plusieurs jours avant de pouvoir reprendre du service. Les terres aux alentours des maisons étaient brûlées, défigurées, aussi souffrantes que les malheureux assaillis. Les animaux avaient déserté les lieux. Plus de oiseaux, plus de daims, même les loups avaient préféré s'enfuir tant qu'ils le pouvaient encore. Au dessus des cités, présages de mort, se dressaient deux immenses écrans de fumée noire. Tous avaient tenté de les détruire mais rien ne paraissait en ébranler la surface constamment en mouvement. Se projetaient dessus des images que nul ne souhaitait voir. Lorsqu'un malheureux se retrouvait prit au piège, son exécution se produisait en direct et alors anges comme démons fermaient les yeux en espérant que sa mort serait la plus rapide possible. Jamais aucun visage n'était identifiable, seule la voix de la douce femme se faisait parfois entendre, cruelle et froide, tranchante comme un rasoir.

Dans l'obscurité qui se manifestait toujours un peu plus, Niall s'obstinait tout de même. S'il tremblait toujours la nuit, quand il était seul, malgré la présence de Louis dans l'autre chambre, il n'avait jamais cessé de rejoindre son démon à l'orée de la forêt. Si parfois ce dernier venait jusque chez lui, ces événements devenaient rares vu la situation. L'ange voyait au fil des jours son compagnon s'épuiser, son regard se ternir. Les tours de garde le fatiguaient à une vitesse inquiétante, et si Niall s'épuisait également, ce ne serait jamais autant que Zayn. Pourtant, jamais ce dernier ne faillit à sa promesse, revenant chaque jours ou presque histoire de rassurer son ange blond. Les nouvelles s'échangeaient, aussi déprimantes les une que les autres, et ils restaient ensembles jusqu'au soir, où ils s'empressaient de rentrer chacun dans sa cité respective. Ils étaient certes amoureux, mais pas fous pour autant. Leur amour passait par leur survie, qui elle même ne dépendait que du couvre feu. De son côté, Louis se remettait lentement de son bras brisé. Les guérisseurs avaient pu le réparer sans trop de mal, mais l'immense hématome qui ornait sa peau ne se résorbait pas aussi facilement qu'il l'aurait voulu, et son coude le lançait encore par moment. Sa haine était légèrement retombée depuis qu'il ne voyait plus le fruit de sa colère, bien qu'elle soit désormais dirigée vers leur bourreau. Il laissait Niall s'en aller sans le dénoncer ni même chercher à le retenir. Il espérait juste, à chaque fois qu'il le regardait s'envoler, qu'il lui reviendrait entier.

Le Règne des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant