Pour avoir voulu éviter des questions trop insistantes (4)

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A mesure qu'il lui parlait, Allan avait légèrement rapproché son visage, si bien que Frank sentait son souffle caresser le sien. Il ne comprenait qu'à moitié ce que lui disait Allan, trop occupé à lutter contre lui-même pour ne pas avancer sa tête et franchir les derniers centimètres qui le séparaient de ses lèvres.

Il ne voyait plus rien d'autre que ces lèvres qui remuaient et semblaient l'ensorceler, l'appeler pour qu'il les recouvre des siennes. Sa conscience lui hurlait qu'il ne devait surtout pas bouger d'un millimètre. Son désir lui murmurait que ce qu'il souhait plus que tout au monde se trouvait à un mouvement de tête.

Sans comprendre par quel miracle, la bouche d'Allan se retrouva si près de la sienne qu'il pouvait presque la frôler. Il se rendit soudain compte qu'Allan s'était arrêté de parler et qu'il semblait attendre. Attendre quoi ? Il n'en avait aucune idée. Il se recula soudainement, pris de panique à l'idée qu'il se soit rendu compte de quoi que ce soit.

« T'es vraiment sur que tout va bien Frank ? T'es quand même vachement bizarre je trouve... ».

Leur soudaine proximité ne semblait pas avoir perturbé Allan outre mesure. Est-ce qu'il était en train de divaguer et qu'en réalité rien de tout ça n'était réel ? Il en doutait grandement. S'il s'était retrouvé dans un rêve ou une hallucination, il ne serait pas en train de regarder Allan avec deux yeux ronds mais serait plutôt en train de l'allonger sur une quelconque surface et...

Et rien du tout. Il avait décidé de bannir toutes ces pensées fantasmagoriques et lubriques. Cependant, plus le temps passait et plus elles semblaient surgir dans son esprit sans crier gare. Et les images étaient vraiment de pire en pire dans la catégorie de la luxure...

« Je vois pas de quoi tu parles, c'est plutôt à toi que je devrais dire ça, qu'est-ce que tu faisais aussi près ? »

La question sembla prendre Allan au dépourvu. Avait-il dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

« T-t'es quand même pas en train de t'imaginer des trucs rassures moi Kinours ? »

Deux sensations contradictoires l'assaillirent en même temps. D'un côté il était soulagé qu'Allan n'ait rien remarqué, de l'autre son coeur se fendilla légèrement à l'entente de ses paroles. Si justement, il était en train de s'imaginer des choses. Beaucoup trop pour que son pauvre esprit puisse le supporter encore longtemps.

« Si j'étais aussi près c'est parce que t'étais encore une fois partie dans une autre galaxie. J'ai été obligé de pratiquement coller mes yeux aux tiens pour te faire réagir. Que tu veuilles pas me parler ok, pourquoi pas. Mais parles-en au moins à quelqu'un parce que je pense pas que ce qui te travaille ne soit "rien du tout" comme tu me l'as dit tout à l'heure. »

Frank resta silencieux, ne sachant que répondre. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas lui parler, il ne pouvait tout simplement pas. C'était impossible, sauf à vouloir faire voler sa vie en éclat et perdre tout ce qu'il avait, surtout la chose la plus importante qui en faisait partie.

C'était peut-être de la lâcheté au fond, mais il ne se sentait pas le courage de prendre le moindre risque. Il préférait encore souffrir en silence et profiter de ces petits moments auprès d'Allan, plutôt que de souffrir encore d'avantage et de le perdre en prime.

La peine qui passa dans les yeux d'Allan lui brisa le coeur mais il ne dit rien, se contentant de l'observer reprendre sa place face à lui et terminer son plat. Frank n'avait plus faim mais se força à terminer son assiette, avant de tout envoyer dans le lave-vaisselle d'un coup de baguette.

Un lourd silence s'abattit sur eux, aucun des deux ne sachant que dire. Allan sûrement enfermé dans sa frustration face aux mutisme de son meilleur ami, et Frank plongé dans un profond sentiment de culpabilité dont il ne parvenait pas à se défaire. Le jeune homme brun finit par se lever, lançant un dernier regard à Frank avant de se diriger vers sa chambre.

« Allan attends ! Je... »

Allan se stoppa au milieu de la pièce et se tourna vers lui. Il quoi exactement ? Qu'allait-il lui dire pour expliquer son comportement ? Rien ne pourrait justifier son attitude, et s'il lui mentait, Allan s'en rendrait très certainement compte.

« Je suis vraiment désolé... je te promets de régler ça le plus rapidement possible je... je... »

Allan se rapprocha de lui, le visage toujours peiné et à présent teinté de colère.

« Tes excuses Frank, j'en veux pas. Je suis quand même ton meilleur ami et t'es même pas foutu de me dire ce qui va pas. De quoi t'as peur ? Que je te juge et que je te rejette comme certains peuvent le faire ? Peu importe ton problème, tu sais parfaitement que je saurais l'entendre et l'accepter. C'est ce qu'on a toujours fait l'un pour l'autre. A moins que tu n'ai plus confiance en moi ? Dans ce cas, dis-le moi clairement, ça ira plus vite. »

Allan se rapprocha encore, le surplombant de toute sa hauteur alors que Frank était toujours assis sur son siège.

« Je veux juste t'aider Frank. Être là pour toi. Te soutenir. Mais j'ai l'impression que t'en veux pas de mon aide... »

Une colère sourde l'étraignie brusquement, irraisonnée et incontrôlable. Allait-il finir par comprendre qu'il ne pouvait pas lui parler, qu'il ne pouvait rien lui expliquer. Etait-il capable de comprendre qu'il ne voulait pas de son aide, de son oreille attentive ou de quoi que ce soit d'autre ? Que tout ce qu'il voulait c'était lui ? Lui dans ses bras, lui contre lui, lui dans son lit. Juste lui et rien d'autre.

Etait-il capable de comprendre qu'il ne voulait plus de son amitié et qu'il attendait désormais autre chose de lui ? Frank était prêt à parier sa baguette magique que non. Il se leva en reculant doucement sa chaise, planta son regard dans celui d'Allan et lui répondit d'une voix remplie d'amertume.

« L'aide que j'attends de toi Allan, tu ne seras jamais en mesure de me l'offrir... »

Et sans attendre une réaction de la part de celui qu'il aimait, il se dirigea tout droit dans sa chambre avant de s'y enfermer pour le reste de la soirée, se maudissant intérieurement pour ce qu'il venait de lui dire.

Maintenant il pouvait être sûr qu'Allan ferait tout ce qui était en son pouvoir pour savoir de quoi il retournait. Il ne lui restait qu'une solution, faire comme si tout allait bien tout en se tenant le plus loin possible de lui, afin d'éviter la confrontation et prendre le risque de tout perdre.

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