La magie de la technologie

Pour une histoire de retrouvailles (4)

Les rues du chemin de traverse étaient vides de monde à cette heure-ci, à l'exception d'un lieu animé un peu plus loin. Ils se dirigèrent vers le bar d'où s'élevait des notes de musique étouffées ainsi que des éclats de rire.

Le Joyeux Niffleur était un bar musical tenu par deux amis, un sorcier et un gobelin. Une association des plus improbables qui laissait rêveur. Jusqu'à présent, il n'avait jamais entendu parler d'une telle amitié. Les relations entre les deux races étaient généralement assez tendues.

Le bar était majoritairement fréquenté par des sorciers de 17 à 35 ans et par toutes sortes de créatures humanoïdes. Le bar avait ouvert ses portes lorsqu'ils étaient encore étudiants en médecine, juste après leur sortie de Poudlard. Ils y avaient passé de nombreuses soirées durant leurs études et même après.

Lorsqu'ils avaient envie de se défouler, de tout oublier, de se laisser aller, ils se rendaient ici et passaient généralement la soirée à boire et à danser. Outre le fait qu'il était essentiellement composé de personnes de leur âge, le Joyeux Niffleur était surtout rempli de sorciers et qui dit sorciers, dit également magie.

Les soirées à thèmes auxquelles ils avaient participé à l'époque étaient absolument mémorables. Comme la soirée Licornéenne où, avant de rentrer dans le bar, chaque sorcier devait faire pousser, à l'aide d'un sortilège, une magnifique corne sur son front. Le détenteur de la plus belle corne avait remporté une licorne miniature animée.

Il se rappelait également d'une soirée halloween où chaque groupe devait venir accompagné d'une créature humanoïde ou d'un spectre. Allan avait réussi, par il ne savait toujours pas quel miracle, à convaincre un gobelin de se joindre à eux. Il n'avait jamais voulu lui dire comment il avait persuadé la créature de venir avec eux.

Les responsables du bar possédaient une certaine aisance en matière de magie dans tous les domaines. D'un côté, associer la magie d'un gobelin et celle d'un sorcier devait donner un spectre de possibilités beaucoup plus large en matière de sorts.

La piste de danse, tout comme les locaux eux-même, était magiquement agrandie. La piste avait la particularité de s'adapter au nombre de danseurs et, suivant les thématiques de la soirée, possédait des aptitudes particulières.

Par exemple, selon le thème de la soirée, les danseurs pouvaient se retrouver ralentis, comme s'ils étaient coincés dans une faille temporelle, ou bien la gravité beaucoup moins forte permettaient aux danseurs de quitter momentanément le sol et de planer littéralement sur la piste.

Il ne parlait pas des cocktails tous plus fous les uns que les autres qu'ils pouvaient trouver dans ce bar, ni de la nourriture parfois inconnue au bataillon, qui devait être inspirée des spécialités gobelines et d'autres créatures.

Arrivés devant l'entrée, ils présentèrent leurs baguettes au sorcier vigile qui filtrait les allées et venues. Assurance de la part des propriétaires pour être certains de ne pas être infiltrés par des moldus et de se retrouver avec la brigade magique sur le dos pour avoir enfreint le Code International du Secret Magique.

A priori pas de thème particulier ce soir. Ce qui n'allait pas les empêcher de s'amuser et de profiter de la soirée. Le bar était déjà bien rempli et ils eurent toutes les peines du monde à trouver un endroit où s'asseoir.

« Qu'est-ce que tu veux boire Kinours ? C'est moi qui offre ! »

Frank réfléchit quelques secondes avant de commander un hydromel. Allan revint quelques minutes plus tard, un verre dans chaque main et un sourire jusqu'aux oreilles.

« Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ?

- Rien de particulier pourquoi ?

- Je sais pas, tu souris comme si tu venais de voir le père noël. »

Allan but une petite gorgée avant de poser son verre. Il eut soudain l'air un peu gêné. Quelque chose n'allait pas ?

« Bah... je suis juste super content que tu sois là avec moi. Je te l'ai déjà dit tout à l'heure mais... j'ai vraiment cru que ces moments-là, on ne les revivrait plus jamais... alors je suis vraiment plus qu'heureux que tu sois là, avec moi et que les choses soient redevenues comme avant. »

Il leva son verre suivi rapidement par Frank. Même si "comme avant" n'était pas vraiment les termes qu'il aurait lui-même utilisés. L'image des lèvres d'Allan contre les siennes surgit sans crier gare et il dû faire tous les efforts du monde pour ne pas dévier le regard.

Malgré tous ses efforts, ces quelques minutes - les plus belles de son existences mais également les plus tristes - ne cessaient de le hanter. Comme ce soir, il lui arrivait régulièrement de revoir par flash ces moments qu'il chérissait mais qu'il aimerait ne jamais avoir vécu.

Malgré la sensation de bonheur qu'il avait ressentie au moment où Allan l'avait embrassé, il s'en voulait terriblement. Parce qu'Allan n'était pas dans son état normal et que lui avait laissé la situation dégénérer, au point qu'ils avaient frôlé la catastrophe.

« A notre ami- relation plus forte que les aléas de la vie ! »

Frank ne put retenir un sourire face à la presque-bourde d'Allan. Effectivement, ils ne pouvaient plus vraiment qualifier les rapports qu'ils entretenaient d'amitié. Toutefois, il ne voyait pas quel mot ils pouvaient utiliser à présent pour parler de leur duo.

Allan but son verre d'une traite et Frank finit par faire de même. S'ils démarraient la soirée comme ça, il ne pariait pas sur l'état dans lequel ils se retrouveraient dans quelques heures. Mais c'était une soirée de retrouvaille, alors il n'allait pas faire le rabas joie.

La soirée défilait à toute vitesse. Du moins c'était l'impression qu'il avait. Il en était à son quatrième verre, ou peut-être sixième ? Ou huit ? Il ne savait plus. Ce qu'il savait en revanche, c'était que sa sobriété en avait pris un sacré coup depuis qu'ils avaient entamé leur premier verre.

Et Allan ne semblait pas dans un meilleur état que lui. C'était peut-être même pire. Lui au moins arrivait encore à marcher à peu près droit et à aligner trois mots sans bafouiller et exploser de rire. Ce n'était plus le cas d'Allan qui passait presque plus de temps à rire qu'à s'exprimer.

Ca lui rappelait leurs années en fac de médecine et Frank eut l'impression de repartir presque dix ans en arrière. Un bras se posa soudain sur son épaule et le sortit de ses rêveries.

« Kinours vient danser, elle est trop bien cette musique ! »

Et son "meilleur ami" l'embarqua sur la piste de danse sans lui laisser le temps de protester. Lorsqu'ils pénétrèrent sur la piste, celle-ci s'agrandit légèrement, leur laissant suffisamment de place pour mouvoir leurs corps sans avoir besoin de faire attention aux personnes qui se trouvaient autours d'eux.

L'euphorie du moment, l'alcool et la chaleur environnante lui embrumaient le cerveau, si bien qu'il ne savait plus s'il était en train de rêver ou si ce qu'il vivait était bien réel. Et voir Allan si près de lui, en train de danser comme si sa vie en dépendait, des gouttes de transpirations dégoulinants le long de sa nuque et de son cou n'arrangeait pas ses difficultés à garder les idées claires.

Allan semblait s'amuser comme un ado alors que lui devait lutter de toutes ses forces pour ne pas se jeter sur lui, là, tout de suite et l'embrasser passionnément. Les images de leur petite interaction interdite refirent leur apparition. Frank secoua imperceptiblement la tête pour les effacer.

Le corps d'Allan frôla le sien par inadvertance et celui de Frank réagit au quart de tour. Une bouffée de chaleur, un coeur qui s'affole, une folle envie de le prendre dans ses bras... et une gifle mentale pour se remettre les idées en place.

Il n'aurait jamais dû boire autant. Même s'il ne pensait pas avoir de telles réactions, il savait qu'il ne serait pas capable de rester indifférent face à Allan avec un esprit un peu embrouillé. Il fallait qu'il quitte la piste de danse le plus rapidement possible.

Sans donner la moindre explication, il se dirigea rapidement aux toilettes avant de s'enfermer dans une cabine. Frank s'adossa contre la porte et se passa les mains sur le visage. Il fallait qu'il se reprenne avant de gâcher leur soirée de retrouvaille.