Pour une confrontation tant redoutée (2)

23 5 4
                                    

Allan se pencha vers lui et plongea son regard dans celui de Frank qui se sentit perdre pied, tandis que son cerveau menaçait d'exploser sous la pression. Pourquoi est-ce qu'il ne le laissait pas simplement tranquille ? Pourquoi voulait-il tant savoir ce qui n'allait pas ?

Il ne voulait pas lui en parler, il ne voulait pas affronter la situation. Il voulait simplement arrêter d'y penser, coincer tout ça dans un coin de sa tête et faire comme si tout ceci n'était qu'un mauvais rêve d'où il allait bientôt se réveiller et revenir à la réalité.

Cette réalité où Allan était toujours son meilleur ami. Simplement et uniquement son meilleur ami et rien d'autre. Il existait des potions pour créer un sentiment d'attirance pour une personne, il devait bien en exister qui permettait de faire disparaître ces mêmes sentiments, non ?

Si cela existait, il donnerait tout ce qu'il avait pour en prendre et que tout redevienne comme avant. Pour qu'il oublie cette sensation de désir mêlé de désespoir qui l'étreignait constamment depuis des semaines. Pour ne plus ressentir ces palpitations à chaque sourire d'Allan et cette brûlure dans la poitrine à chaque prise de conscience qu'ils ne signifiaient rien de ce qu'il souhaitait.

« J'ai fais quelque chose de mal. »

Frank ne bougea pas, ne cilla pas, n'eut pas la moindre réaction. Il n'y avait pas lieu d'en avoir, puisqu'Allan n'avait rien fait.

« C'est quelque chose qui me concerne de près ou de loin. »

Très légère déviation du regard. Et merde...

« Donc j'avais raison, c'est de ma faute d'une manière ou d'une autre. »

Une colère sourde lui vrilla soudain les tympans. Quand est-ce qu'il allait comprendre qu'il n'était pas responsable de la situation, que c'était lui et seulement lui le coupable. Lui et seulement lui qui était en train de tout gâcher, de détruire tout ce qu'ils avaient construit ensemble pendant toutes ces années ?

« C'est bon t'as terminé l'interrogatoire je peux y aller ?

- Pour terminer un interrogatoire il faut que la personne interrogée réponde aux questions qu'on lui pose il me semble. Là t'as répondu à aucune question ou affirmation.

- J'ai pas envie de jouer à ton jeu Allan. Je suis fatigué, la journée a été longue, j'ai besoin d'aller me coucher.

- T'as surtout besoin d'aller te planquer dans ta chambre. Ben non, je te laisserais pas partir. Et s'il le faut j'irais taper à ta porte toute la soirée jusqu'à ce que tu me dises enfin ce qui se passe. J'en ai marre de cette situation à laquelle je comprends rien du tout. J'ai pas envie de perdre mon meilleur ami pour des conneries. Alors explique-moi pourquoi tu veux plus me parler Frank... »

Il le faisait exprès n'est-ce pas ? Pourquoi ne voulait-il pas comprendre qu'il ne.voulait.pas. lui parler ? C'était pourtant clair. Il préférait peut-être l'entendre de vive voix ? Et bien soit, si c'était ce qu'il voulait vraiment. La colère brouillait ses idées et l'empêcher de réfléchir correctement.

« Ok tu veux que je t'explique ce qui va pas ? Ce qui va pas, c'est que j'ai envie que tu me laisse tranquille et toi t'es pas foutu de le comprendre. T'es sans arrêt en train de me poser des questions, d'essayer de me faire parler. Mais j'ai pas envie de te parler Allan. Je veux juste que tu me foutes la paix. »

Il se détestait de tout son être, de toute son âme pour avoir lui avoir dit tout ce qu'il venait de lui dire. Mais si ça pouvait faire en sorte qu'il le laisse enfin tranquille, alors tant pis. Allan baissa les yeux, sûrement pour encaisser ce qu'il venait d'entendre, avant de relever la tête.

Et dans son regard, il put lire tout le contraire de ce qu'il pensait y trouver. Une détermination farouche brillait dans ses prunelles, qui semblaient clairement lui dire que s'il pensait être enfin tranquille, il se mettait la baguette profondément dans l'oeil. Il se permit même un sourire ironique avant de répondre.

« Sérieusement Frank ? C'est ça ton argumentation pour me dissuader de trouver ce qui te tracasse à ce point ? C'est tout ce que représente notre amitié pour toi ? Un simple "fout moi la paix" et tu penses vraiment que je vais te laisser tranquille ? On se connaît depuis plus de quinze ans et tu penses que je vais regarder notre amitié disparaître comme ça sans rien dire ? »

"Notre amitié", "notre amitié". Il n'avait que ce mot-là à la bouche. Il ne pouvait pas changer de disque cinq minutes ? La patience de Frank était arrivé à sa limite, il ne voulait plus discuter avec lui, il voulait juste quitter cette pièce et la personne qui s'y trouvait. Surtout la personne qui s'y trouvait.

« Tu comprends vraiment rien... laisse-moi partir s'il te plaît j'ai plus envie de discuter avec toi Allan.

- Discuter ? Parce que tu appelles ça une discussion toi ? Moi j'appelle ça une conversation à sens unique. Mais si tu tiens tant à partir vas-y, je te retiens pas. Je te pensais juste pas aussi lâche. Je pensais que tout ce qu'on vécut valait plus que ça à tes yeux. Je pensais que je valais plus que ça... »

Sa voix se brisa légèrement à la fin de sa phrase en même temps que le coeur de Frank. Mais c'était aussi la phrase de trop, celle qui venait de faire déborder le chaudron et, alors que tout son être lui hurlait de se taire, qu'il devait garder son calme et son silence, sa colère, telle une tornade, détruisit toutes ses barrières et déversa ce qu'il avait sur le coeur.

« Très bien Allan, tu veux vraiment savoir ce qui se passe ? Tu veux vraiment que je t'explique pour quelles raisons je t'évites depuis tout ce temps ? Pourquoi je n'arrive pas à te parler ? Parce que j'essaie justement de la protéger notre foutu amitié !

- De la protéger ? Mais pourquoi ? ça n'a aucun sens ton histoire ! Si t'essayais vraiment de la protéger, tu serais pas en train de la détruire.

- Mais quoi que je fasse, je vais la détruire notre amitié ! »

Le ton montait de plus en plus et son douloureux désespoir avec.

« Commence déjà par me dire ce qui va pas ! Tu me crois pas capable d'entendre ce que t'as à me dire, c'est ça ? Frank je te l'ai déjà dit, tu peux tout me dire, vraiment tout.

- Non ça je peux pas... tu ne comprendras pas. Personne ne pourrait comprendre ça... »

Le visage d'Allan se radoucit subitement et il prit la main de Frank dans la sienne.

« Frank parle-moi je t'en supplie...

- Je peux pas Allan, je peux pas... »

Sa vision devint flou et il sentit des striées de larmes couler le long de ses joues.

« Mais pourquoi tu peux pas ? Même si tu me disais que tu avais tué quelqu'un je serais capable de l'entendre.

- Mais parce que c'est pire que ça Allan... bien pire.

- Alors dis-moi.

- Non.

- Dis-moi.

- Je veux pas prendre le risque de te perdre définitivement Allan. Je pourrais pas le supporter.

- Et moi je supporte pas de te sentir si loin de moi alors dis-moi. Je te promets que quoi que tu me dises, je ne partirais pas. Je serais toujours là pour toi Frank, toujours à tes côtés.

- Tu me le promets ?

- Oui »

Frank le scruta à travers ses larmes. Il était tout ce qu'il y avait de plus sincère. Allan n'était pas du genre à dire ce genre de choses à la légère. Alors Frank décida de lui faire confiance. Il décida qu'il pouvait lui parler. Après tout, il lui avait promis qu'il ne partirait pas. Et Frank avait besoin de s'accrocher à cette promesse, parce qu'il en avait besoin, parce que sa vie en dépendait.

« Je t'aime Allan. »

La magie de la technologieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant