Pour une confrontation tant redoutée (1)

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Oui il était totalement injuste avec Allan. Oui il était de la plus grande mauvaise foi qui soit et oui il se comportait comme un véritable crétin avec lui. Mais que pouvait-il faire à part tenter de s'éloigner petit à petit ? Il n'avait pas le coeur de couper les ponts brusquement et définitivement, mais il ne pouvait plus continuer à faire comme si tout allait bien.

Alors il tentait la technique du "déteste-moi et oublie-moi". Sauf qu'Allan était le garçon le plus têtu qu'il connaissait et il ferait tout pour savoir ce qui se passait réellement et pour quelles raisons son meilleur ami avait changé si subitement d'attitude. Il y avait donc très peu de chance pour que cette technique fonctionne avec lui. Néanmoins il tentait quand même la chose. Des fois que.

Il était prêt à parier que son "je te lâche la grappe" ne serait mit en application que durant quelques heures, jusqu'à ce qu'il tente une nouvelle fois de le faire parler. Jusqu'à présent il s'en était plutôt bien sorti mais plus le temps passait, plus il sentait que la confrontation était inévitable.

Mais ce n'était pas le moment d'y penser. Il avait encore une journée de travail à terminer et de nombreux patients à examiner. Et il était hors de question qu'il néglige leurs soins sous prétexte qu'il avait la tête ailleurs. Il relègua donc ces sombres pensées dans un coin de son cerveau et les y enferma pour le reste de l'après-midi.

Alors qu'il sortait de la salle de repos, une des infirmières de l'étage l'interpella. Un nouveau patient venait d'arriver et ils avaient besoin de lui rapidement pour le prendre en charge. Un jeune homme d'une vingtaine d'années qui s'était battue en duel semblait-il.

Lorsqu'il pénétra dans la salle de soin, il se retrouva face à un jeune garçon blond cendré, un nez de la taille d'une poire au milieu du visage et des tentacules à la place des doigts. Un duel, vraiment ? Il aurait plutôt parié sur une métamorphose ratée.

Peu importe, le plus important était de le débarrasser de ces extrémités qui n'avaient rien à faire sur le corps d'un être humain. Même s'il n'était pas le dernier dans la maîtrise des sorts de métamorphose, il n'était pas non plus le meilleur. Il dû s'y reprendre à trois fois avant de parvenir à lui rendre son apparence normale.

Les métamorphoses, c'était la spécialité d'Allan. S'il s'était trouvé dans les parages c'est très certainement lui qu'on aurait appelé pour s'occuper de ce cas. Il aurait soigné le jeune homme en seulement quelques minutes.

Mais Allan n'était pas là, il était de repos pour la journée. Et de toute façon, Frank n'aurait pas pu admirer sa dextérité en la matière, puisqu'il avait développé un nouveau hobby, qui consistait à se tenir le plus éloigné possible de lui, pour éviter d'avoir à lui parler ou à même simplement le voir.

A 20h00 la relève pour la nuit vint prendre le relais et Frank se rendit dans les vestiaires pour se changer et récupérer ses affaires. Il prit grand soin de mettre le plus de temps possible mais se retrouva vingt minutes plus tard prêt à rentrer.

Il pouvait peut-être passer faire un tour au supermarché, histoire de gagner un peu de temps. Avec un peu de chance, Allan serait dans sa chambre lorsqu'il rentrerait ou mieux, serait sorti et il n'aurait qu'à faire semblant de dormir lorsqu'il reviendrait.

Sauf qu'il avait déjà usé de cette technique la veille et qu'ils ne manquaient de rien pour la maison, au contraire. Il se résigna donc à rentrer directement, priant Merlin pour qu'Allan ne soit pas à l'appartement.

Quelques minutes plus tard, il s'arrêta devant la porte et tendit l'oreille avant d'insérer la clé dans la serrure. Un bruit de chaise que l'on tire lui indiqua qu'Allan était bien là. Frank s'apprêtait à faire demi-tour quand la porte s'ouvrit. Allan l'invita à entrer et il n'eut donc d'autre choix que de s'exécuter.

« Salut Allan.

- Salut Frank. »

Son ton était froid et teinté de colère, leur conversation par message encore fraîche dans son esprit. Son meilleur ami referma la porte derrière lui et Frank esquissa un pas en direction de sa chambre, avant de sentir une main se poser sur son épaule.

« On peut parler deux minutes ? »

C'était exactement la situation qu'il redoutait depuis des jours. Une confrontation directe à laquelle il ne pourrait pas échapper. Son cerveau ne trouvant aucune excuse valable pour fuir la conversation, il se résigna à s'asseoir sur la canapé du salon, priant pour que la discussion se termine rapidement.

Allan prit place à côté de lui. Trop près de lui. Il commençait déjà à perdre ses moyens alors qu'il n'était là que depuis quelques secondes. La suite de la conversation promettait. S'il parvenait à lui répondre quelque chose de compréhensible et cohérent ce serait un vrai miracle.

« Vas-y je t'écoute. »

Allan le fixa pendant quelques secondes, comme s'il tentait de sonder le fond de son esprit. Etait-il en train de tenter l'occlumencie ? Il espérait vraiment qu'il n'était pas prêt à en arriver à de telles extrémités. S'il voulait garder ses problèmes pour lui seul, c'était son droit. Allan n'avait pas le droit de lui prendre des réponses en forçant son esprit.

Mais il connaissait suffisamment le jeune homme pour savoir qu'il ne s'abaisserait jamais à ça. Du moins il espérait suffisamment bien le connaître. D'un côté, s'il finissait par pénétrer son esprit et lui soutirait des informations de force, il était fort probable que les sentiments de Frank pour son meilleur ami disparaissent aussi soudainement qu'ils étaient apparus. Une très forte déception envers une personne avait généralement ce genre de pouvoir. Mais dans ce cas, leur amitié disparaîtrait également et ce n'était vraiment pas ce qu'il souhaitait.

« Explique-moi ce qui se passe. Je t'écoute. »

Court, simple, concis. D'un pragmatisme sans égal. Du Allan tout craché. Et comme tout cela paraissait facile, prononcé avec cette douce autorité qui suffirait à mettre n'importe qui en confiance, et à lui faire tout déballer, tout ce qu'il avait sur le coeur, confronté à la plus attentive des oreilles.

Sauf qu'il ne pouvait pas lui parler. Parce que s'il le faisait, cette oreille attentive se volatiliserait la seconde d'après ou pire, se transformerait en bouche incendiaire et insultante. Il ne voyait aucune autre réaction possible face à la révélation de ses sentiments.

Frank restait mutique, alors que la patience d'Allan s'effilocher au fil des secondes. Il le voyait à son regard qui s'assombrissait, ses sourcils qui se fronçaient, ses lèvres qui se pinçaient. Encore quelques instants et ils étaient partis pour la phase deux de l'attaque.

« Tu veux pas me parler ? Très bien. Alors je vais te dire des phrases jusqu'à ce que tu finisses par réagir. Ça voudra dire que j'ai touché dans le mille. »

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