Raphaël était debout devant la porte de sa maison depuis une bonne demi-heure. À vrai dire, il avait cogité durant tout son trajet dans le train, se remettant en question, hésitant à le quitter à un arrêt au hasard et en prendre un autre qui le mènerait ailleurs.
Mais non, il était resté le cul vissé sur son siège, faisant semblant de dormir pour ne pas être déranger. Maltus s'était tenu tranquille tout le temps lui aussi, se faisant aussi discret... Eh bien, aussi discret qu'une souris.
À présent, il dansait sur un pied, alternant avec l'autre. Il avait très froid et en même temps ses mains étaient moites. Sentant son anxiété, Maltus pointa le bout de son museau hors de l'écharpe dans laquelle il s'était caché, et puis couina pour tenter de le rassurer.
« Non Maltus, je n'ai pas peur de rentrer. C'est juste que... Bah j'ai plus les clés, quoi.
Maltus couina à nouveau.
— Il est de question que j'entre par effraction, c'est chez moi !
Un nouveau couinement, plus succinct, fit comprendre à Raphaël que Maltus sortait de son écharpe pour se dégourdir les pattes.
— Ouais, si je rentre je t'ouvrirai la porte, t'inquiète. Et non, ne va pas manger dans le potager de ma mère, elle va te chasser à coups de balai. Déjà qu'elle a une sainte horreur des rats... »
Maltus se sauva en disparaissant dans l'herbe. Il souffla.
« Aller Raphaël, c'est qu'une porte. Tu sonnes, tu frappes dessus, on s'en fiche. Aller, un petit effort. Un tout petit... »
« Monsieur ?! C'est une propriété privée, ici ! cria une voix derrière lui.
Le cœur de Raphaël fit un bond dans sa poitrine. Il sursauta et il se retourna, pour faire face à une femme qui portait deux gros sacs de course dans ses mains.
Sacs qu'elle lâcha lorsqu'elle se rendit compte de la personne qui se trouvait devant elle. Raphaël marcha vers elle et il se pencha pour l'aider à ramasser ses courses.
— Bonjour maman... marmonna-t-il en se recroquevillant.
Il joua avec ses doigts, ne sachant pas trop où se mettre. Il n'eut pas à réfléchir très longtemps avant que sa mère ne lui administre la gifle de sa vie avant de le prendre dans ses bras. Elle enfouit son visage dans le cou de son fils, et elle se mit à pleurer silencieusement. Puis elle laissa échapper de bruyants sanglots et Raphaël se sentit soudainement extrêmement coupable.
Il referma timidement ses bras autour des épaules de sa mère.
— Je suis désolé, maman...
Alerté par le bruit, certains voisins commençaient à écarter leurs rideaux. La mère de Raphaël se reprit, ils ramassèrent les courses rapidement et ils rentrèrent dans la maison familiale. Ils verrouillèrent la porte derrière eux. Sa mère le traina jusqu'à la cuisine et le força à s'assoir sur une chaise. Elle lui sortit un verre et une tasse qu'elle remplit respectivement de jus d'orange et de lait.
— Maman, j'ai déjà mangé, ne t'inquiète pas pour moi...
— Comment est-ce que je pourrais ne pas m'inquiéter ?! cria-t-elle.
Raphaël se tassa sur lui-même, buvant une gorgée de jus d'orange.
— Ça fait trois mois ! Trois mois que personne ne t'a vu, trois mois que tout le monde te cherche, trois mois que des battues sont organisées dans cette clairière pour te retrouver ! Qu'est-ce qu'il s'est passé, Raphaël ?!
— Excuse-moi, maman. Mais il y avait un type bizarre dans la forêt et je me suis enfuit. Je n'avais pas d'argent pour rentrer à la maison et je ne savais pas s'il y en avait d'autre, alors je me suis caché.
Sa mère le regarda, les mains jointes.
— Comment tu as fait pour revenir jusqu'à la maison ? Et comment tu as fait pour survire ?
— J'ai beaucoup marché, et j'ai retrouvé Julian. Il m'a payé le billet et il m'a acheté des vêtements.
— Julian ? Julian comme Julian Leroy ? Le petit blond qui courrait partout ?
— Oui, maman, c'est bien lui.
Sa mère soupira.
— Bon, il faut que j'appelle la police pour leur dire d'arrêter de te chercher. Et ton père aussi, même s'il est bientôt rentré. Tu veux aller dormir un peu ?
— Est-ce que je peux t'aider à faire à manger ? S'il te plait...
Sa mère acquiesça avec un petit sourire. Raphaël se releva et il serra sa mère dans ses bras.
— Je suis désolé de vous avoir inquiété comme ça. Est-ce que je vais aller en prison ?
— Non mon poussin, tu n'iras pas en prison.
— Maman... Ils m'accusent de meurtre, tu sais ?
— Tu n'as rien fait, mon poussin. Julian a dit au tribunal que tu l'avait défendu. Tu n'iras pas en prison pour avoir sauvé la vie d'une personne. Tu restes avec nous.
— J'ai raté ma rentrée à l'université.
— C'est pas grave. On va faire un gratin de pommes de terre. Lave-toi les mains, je vais juste appeler la police pour leur dire d'arrêter les recherches. On passera au poste demain matin à la première heure. »
Raphaël et sa mère se lâchèrent.
Lorsque le père de Raphaël rentra, il lâcha sa mallette dans l'entrée en voyant son fils. Il ne pleura pas, mais Raphaël avait bien vu ses yeux briller d'émotions. De puis la disparition de son fils, il restait devant le poste de télévision, les yeux braqués sur la chaine d'information.
Ce soir-là, il sortit trois bières du réfrigérateur, en donna une à sa femme et une à son fils et ils trinquèrent à son retour. Le gratin de pomme de terre fut légèrement trop doré, ayant passé un peu trop de temps dans le four, mais Raphaël jura de ne jamais avoir autant apprécié un repas préparé par sa mère.
Le lendemain, la famille Lelièvre se rendit au poste de police dès que ce dernier ouvrait ses portes.
Si, depuis trois mois, les médias avaient trouvés d'autres histoires à vendre au public, la police, quant à elle, n'avait jamais oublié cette histoire sordide qui avait fait le tour du pays.
Malgré la crainte de la famille de se retrouver une nouvelle fois sous les appareils des journalistes, la police fit de son mieux pour étouffer l'affaire au plus de monde possible. Car, malgré le fait que Raphaël soit encore mineur, tout portait à croire qu'il avait noyé un homme (ils n'avaient jamais raconté aux médias que l'homme en question avait été retrouvé sans ses membres), et il devait être jugé pour cela.
Raphaël découvrit que la famille Leroy avait tenue à aider les Lelièvre en leur payant le meilleur avocat qu'il ait pu trouver. Raphaël savait qu'au fond de lui, c'était plus pour ne pas mêler Julian à cette affaire, mais cela ôtait grandement une épine du pied de ses parents ; jamais ils n'auraient eu les moyen de s'offrir un tel privilège.
Julian avait été présent, lors de son procès. Il avait témoigné en sa faveur, ce qui avait grandement aidé sa peine, qui au final ne s'était résumée qu'à un an de service municipal, le temps que l'affaire se tasse. De ce qu'ils savaient, le faux maitre n'avait pas de famille, mais pas non plus de papiers, ni quoi que ce soit qui puisse permettre aux autorités de l'identifier.
Au final, toute cette histoire était restée un mystère, et elle finit par ne plus faire parler d'elle. Personne n'évoqua le grand retour de Raphaël Lelièvre, ni comme il avait pu survivre. De même, Julian et Raphaël ne parlèrent à personne de ce qu'il s'était passé durant la nuit qu'ils avaient partagé.
Maintenant, ils n'espéraient qu'une seule chose : pouvoir se retrouver après que toute cette histoire soit terminée.
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Le Roi des Rats [MxM]
Horror"Vacances dans la Clairière Enchantée" Pour ses dernières vacances d'adolescent, les parents de Raphaël décident de l'envoyer dans un camp de vacances loin de la ville, afin qu'il y passe un dernier été avant de rentrer à l'université. Loin de tous...