☁ Trou de mémoire ☁

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Ses petites paumes se serraient, enfonçant peu à peu ses ongles dans sa chair. La petite fille, à bout de souffle, titubait, courait de temps à autre, lorsque son corps le lui permettait mais rien à faire, elle avait l'effroyable impression que la présence persistait à la suivre, comme un zombie affamé. L'obscurité était tombée d'un coup, engloutissant avec appétit les alentours et les arbres gigantesques. Ne percevant seulement qu'une fumée blanchâtre s'échapper de sa propre bouche, la petite fille n'avait aucune idée d'où elle se progressait comme ça, elle suivait une direction à l'aveuglette, par instinct. Des perles de sueur dégoulinaient de son front, rentraient dans yeux, se noyant avec ses propres larmes. Ça faisait mal, ça lui brûlait. La gorge en feu, elle tenta désespérément un ultime appel : 



« Pap... Papa ! Maman !! »



C'était peut être la pire chose à faire, l'autre allait l'entendre, assurément. Un coup d'œil en arrière lui suffit à confirmer avec effroi ce qu'elle craignait : derrière elle, les feuilles s'agitaient, le bruit des bruissements se rapprochait dangereusement. 



C'en était finit, elle allait mourir ici. Sans papa, sans maman à ses côtés pour lui murmurer des mots doux à l'oreille. Elle allait suivre des yeux, la lame si aiguisée de l'autre se planter dans son thorax et sentir le liquide rouge - comme les sirops que maman prépare - jaillir pour lui éclabousser le visage. Peut être allait-elle, comme l'autre fille, hurler fort, très fort pour s'éteindre doucement. Cette pensée suffit à provoquer en elle des tremblements incontrôlés et elle sanglota de plus belle, ses mains pleines d'égratignures. 



A l'aide... S'il vous plaît, à l'aide... Elle pria en son for intérieur, de toutes ses forces. Dans les films, l'héroïne se faisait toujours sauver quand elle était en danger. Mais pour la petite fille, personne ne vint. C'était normal, elle était perdue alors personne ne saura jamais où elle se trouvait. Son corps pourrirait dans les fougères et des promeneurs finiraient par la retrouver par le plus grand des hasards, comme dans les faits divers que papa lit dans le journal. C'était bouleversant à concevoir. 



Un cri inhumain résonna à travers tout le bois, un rugissement de souffrance déchirant qui enclencha chez la petite fille une réaction quasi-immédiate. Ses jambes croulèrent sous son poids et elle s'effondra dans la terre boueuse, sa joue cognant durement le sol. Dans une dernière force qui relevait presque de l'exploit, elle ramena ses genoux contre elle, dans une position fœtale. Roulée en boule, seule au milieu de nul part, elle parvint à sentir l'odeur du bois mouillé qui, en un instant, avait empli les environs. Elle mit un temps à comprendre que la pluie venait de tomber. Celle-ci était différente de celle dont elle avait l'habitude. Il y flottait une puanteur morbide. Celle du sang. 



Ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en sortit. Impuissante, elle laissa le voile de ses paupières se baisser définitivement. Une pointe de soulagement la submergea néanmoins, au moins, si elle avait à être tuée cette nuit, elle n'aurait pas à assister à sa propre mort. Car elle se sentait défaillir pour de bon, les profondeurs du sommeil l'arrachaient progressivement à la terre humide, elle ne savait déjà plus où elle était. C'était vraiment un horrible cauchemar ! J'ai hâte de retrouver les bras qui sentent bon de maman et la barbe qui pique de papa... 

ℋ𝓪𝓻𝒆𝓶 ℛ𝒆𝓿𝒆𝓻𝓼𝒆 𝓖𝓪𝓶𝒆 ★~ 𝓱𝓪𝓻𝒆𝓶 𝔁 𝓻𝒆𝓪𝓭𝒆𝓻 [=dossier]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant