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« Bon vas-y, pose-moi tes questions. »

   La grand-mère de Jorge les avaient appelé pour manger au moment où Benji allait sombrer dans le sommeil. Quand ils étaient rentrés dans la salle à manger, un grand plat de paella les attendait sur la table. La vieille dame leur avait assuré qu'elle n'avait pas faim et qu'elle préférait les laisser tous les deux.

   La nourriture avait l'air appétissante. Jorge servit Benji en premier. Il lui donna une grande louche du plat, faisant une montagne de paella dans son assiette.

« Mes questions ? »

   Le bouclé se servit à son tour, puis le regarda comme si c'était une évidence.

« Tu ne te rappelles pas de quoi nous avions parlé il y a deux jours ? »

   Des flashbacks lui vinrent en tête. Il était tard quand ils en avaient parlé. Tout le monde devenait un peu plus sensibles au milieu de la nuit, c'était là où les conversations les plus profondes et existentielles se faisaient. Benji ne voulait pas le rendre mal à l'aise avec sa curiosité.

« Oh, oui, bien-sûr... Écoute.. Je n'ai pas envie de te gêner avec ça.

- Ça ne me gêne pas du tout. »

   Benji apporta une fourchette de paella jusqu'à sa bouche. Il s'arrêta net. Jorge lui sourit, il savait que sa grand-mère cuisinait merveilleusement bien. Il en était fier.

« Ok, alors... déjà... comment tu as su ?

– Tu sais, tu peux dire le mot, ce n'est pas interdit. »

Benji se sentit stupide. Jorge reprit.

« Comme je te l'ai dit, je ne m'intéressais pas aux filles. En plus, je suis tombé amoureux de mon meilleur ami. Je ne vois pas comme ça aurait pu être plus clair.

- Tu as assumé au début ?

- Non, pas du tout. J'ai tout de suite rejeté l'idée. Quand j'étais au collège, je pensais que c'était une maladie, c'était impossible que je sois gay. J'allais même sur des sites pour me rassurer et me dire que ce n'était qu'une phase.

- Ça ne doit pas être facile tous les jours.

- Non, ça ne l'est pas. »

   Benji pensait que Jorge avait eu beaucoup de courage pour assumer qui il était. De nos jours, nous nous cachons derrières des visages et des attitudes qui ne sont pas les nôtres, tout ça pour faire plaisir aux autres et de bien se faire voir. Benji aimerait être pareil que lui. Pouvoir s'habiller comme il le voulait, dire ce qu'il pensait sans se préoccuper de ce qu'on pourrait dire... Malheureusement, ça ne se faisait pas du jour au lendemain.

« Comment as-tu fais ? Comment tu fais pour... être toi sans avoir peur ? lui demanda-t-il.

   Jorge releva la tête. Il lui parlait face à son assiette depuis tout ce temps, presque incapable de le regarder dans les yeux.

« Du travail, c'est du travail. Des petites choses pour commencer, puis tu évolues, encore et encore, tu te rends compte que plus rien ne te touche, que tu n'as plus rien à perdre, plus rien à devoir à personne.  Et quand tu découvres ton nouveau toi, je peux te dire que tu es fier. »

𝘆𝗼𝘂 𝗵𝗲𝗹𝗽𝗲𝗱 𝗺𝗲 𝘁𝗼 𝗲𝘅𝗶𝘀𝘁 ❥ 𝘣𝘦𝘯𝘫𝘦𝘺Où les histoires vivent. Découvrez maintenant