Chapitre XIII

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Il écrivait depuis des jours, sans relâche, tenant fermentant sa plume et ses feuilles. Le professeur Archibald disait qu'il fallait le laisser faire. Parfois il laissait s'échapper une ou deux lettres qui n'avaient aucun sens. Évidemment la conclusion du professeur Archibald sautait aux yeux: folie. En réalité les lettres que le professeur ne lisait pas étaient destinées à ses alliées, aux chevaliers en particulier. Cette organisation montoise qui l'avait soutenu auparavant ne répondait plus aux trop nombreuses missives, mais Daniel gardait espoir. Rosa arriva pour leur session quotidienne. Après un élan charnel et passionné, ils discutèrent du procès:

-Il aura lieu à Lebel, fit Rosa en se rhabillant rapidement, il nous faut une liste de témoin.

Daniel resta allongé sur le canapé et murmura:

-J'ai fait une liste, elle est sur le bureau.

Rosa alla la chercher et jura:

-Toutes ces personnes ne se déplaceront pas.

-Bien sûr que si, ria Daniel, je suis Daniel Moscov. Tout le monde me craint, ils viendront tous.

-Aysha d'Auguste, Pauline Aizon, Alexane de Harval, Pia de Harval, Rafael d'Auguste, Alice Nikonov...

-Tous les personnes qui me détestent. Sourit-il. Cela doit-elle le procès du siècle, voire des siècles à venir.

Rosa relut la liste plus de dix fois. Elle devait convoquer autant de personne pour un seul procès:

-Je passerai au Ministère de la Justice demain pour bloquer une date de procès.

-Bien. Dit Daniel en se redressant.

Rosa le regarda:

-Tu as l'air inquiete.

-Je le suis. Les Chevaliers ne me répondent pas. Le mort de Donovan a dû mettre à mal nos relations. Il va falloir que je trouve d'autres alliés.

-À qui penses-tu?

-Je sais ce que je fais. J'ai beaucoup de ressources. Dit-il confiant. Le cercle de mes partisans est conséquents. Les gens aiment les hommes de pouvoir, même ceux qui sont enfermés.

Dont Rosa. Il tendit la main vers son avocate, son amante et l'embrasse doucement. Elle répondit tendrement à se baiser. Bientôt ils basculèrent sur le canapé.

Le ministère de la Justice Montoise était un bâtiment resplendissant. Haut de quatre étages, bâtit il y a deux siècles avec plus de 300 employés et autant de cas à régler par jour. Dans une grande salle, haute de plafond, des centaines de bureaux voyaient s'agiter des hommes et des femmes tous en costumes. Lunettes sur le bout du nez, Ronor finissait de lire un dernier dossier sur les indemnités que perçoivent les victimes. Gérer autant d'argent prenant un temps fou. Ronor ôta ses lunettes en se massant les tempes délicatement. Les fonctionnaires mesquins le surnommaient « Monsieur le Président » depuis l'élection de son épouse. Elle l'appelait tous les jours sur son poste personnel. Tiens justement le téléphone sonna:

-Encore ta femme Ronor! Plaisanta son collègue.

Il ne répondit pas:

-Allo.

-Ronor, tu ne devineras jamais!

-Racontes.

-Herny a semé son garde du corps à l'hôpital. La sécurité le cherchait pendant une heure avant qu'elle ne le retrouve.

-Il faisait quoi? S'enquit Ronor.

-Il fricotait avec une interne comme lui.

Pauline se mit à rire. Son mari suivit. Elle lui demanda de sermonner Hermann dès ce soir. Ils discutèrent de tout et de rien. Puis Pauline ayant beaucoup de travail ils raccrochèrent sur un« Je t'aime ». Des dossiers sous le bras, Ronor parcourut le long couloir qui menait à l'aile Est, celle réservée aux procédures importantes. Une collègue arrêta Ronor du bras et lui dit, d'un air choqué:

-N'y vas pas. Sevin est là.

-Sevin? Rosa Sevin?

-Oui, elle dépose la demande de procès auprès du procureur de la République.

-Quelle...Ronor sentit sa voix se briser quand l'avocate apparue.

Tout le monde l'a connaissait. Comme tout le monde connaissait Ronor. Justement les deux vedettes du Ministère se croisaient rarement. Rosa haussa un sourcil d'étonnement en voyant Monsieur Turnin:

-Monsieur Aizon. Dit-elle en lui tendant la main.

-Madame Sevin.

La poignée de main fut ferme et compétitive. Ils se haïssaient cordialement. Tous leurs collègues les regardaient, attendant que l'un mordre l'autre:

-Vous venez défendre l'indéfendable? Demanda Ronor.

Rosa sourit:

-Je ne fais que mon travail. Faites donc le votre.

Elle marcha d'un pas décidé vers la sortie. Ronor brulait d'envie de l'attraper et lui dire ses quatre vérités. Il s'assit à son bureau et appela la seule personne capable de le calmer:

-Allo, bureau de la Présidente Aizon.

-Ici, Ronor, pouvez-vous me passer ma femme. C'est urgent.

Il attendait plus de dix minutes avant d'avoir Pauline:

-Qu'est ce qui se passe?

-J'ai croisé Sevin.

-Non...

Pauline savait que Ronor allait explosé dans quelques instant, elle le connaissait pas coeur:

-Cette idiote défend ce monstre! Ce monstre! Il a tué tellement de gens!

-Je sais, je sais...

-Il nous a fait tellement de mal! Et elle, elle arrive et défile comme la princesse de le Justice devant moi! Moi!

-Je sais...Calmes-toi. On en parle ce soir, si tu veux. D'accord?

-D'accord. Murmura Ronor les dents serrés.

-Je t'aime tu sais, malgré ton grand nez.

Il ria:

-Merci. À ce soir.

Ils raccrochèrent. Se laissant s'enfoncer dans le fond de son siège, il soupira bruyamment. Il repensait à ce qu'il avait promis à Alexane: ne plus se mêler des affaires de Daniel Moscov; fuir pour éviter de souffrir. Mais croiser Rosa Sevin ainsi, travailler dans le Ministère de la Justice, et avoir sa femme présidente...Il était comme forcé de se mêler de cette histoire. Il jeta un oeil à sa montre. Il lui arrivait souvent de réfléchir à où était ses enfants à cette heure précise. Hermann à l'hôpital, Andréa en cours, et Pauline à une énième réunion. Dix-huit heures sonna et Ronor quitta le Ministère à pieds, accompagné de l'un de ses gardes du corps. Il aimait marcher et boire un café après sa journée. Le journal ne parlait que de Daniel et son probable futur procès grandiose. Quelle tragédie pensa Ronor. Tout cela pour l'Allénie. Beau pays, certes, actuellement gouverné par sa demi-soeur Alexane, forte de la présence d'un mari aimant, Francis Radmacher, et de ses deux filles. Les deux perles de l'Allénie. Ronor rentra chez lui, éreinté et triste. Pauline était déjà là depuis quelques minutes seulement. Elle l'embrassa doucement en lui tenant les deux joues avec les mains. Il lui attrapa les hanches et l'amena vers lui. Les enfants n'étaient pas là. Ils rirent entre leurs lèvres sachant ce qui allait se passer. Parler du travail était interdit, parler de Daniel était fortement prohibé. Mais l'amour était le moteur de leur relation. Ils allèrent sur le canapé, et lentement leurs habits tombèrent sur le sol. Ronor couvrait de baiser sa femme. Pauline gémit sous cet amour, cette passion évidente. Brusquement la porte d'entrée claqua et Herny cria:

-Cette maudite sécurité m'a interrompu!

Ronor jura. Quelle ironie! 

Les Seigneurs de Fallaris Tome 4: AugusteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant