Chapitre XV

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Une angoisse évidente le saisissait. Il transpirait et son uniforme de chauffeur lui serrait le cou qu'il pouvait à peine y passer un doigt. Habillé de bleu nuit, des boutons dorés brillants, des bottes cirés, et monter jusqu'au genoux, Mikail Ruffo débutait son nouveau travail aujourd'hui après une rapide formation la veille au sein du garage des Radmacher, celui qui abritaient des beaux véhicules presque neuf, et nettoyer chaque jour. Il avait rencontré le chef des chauffeurs: Stephan. C'était un homme agréable, toujours impeccable, et dirigeant sa petite équipe d'une main de fer. Le regard franc, le visage carré, la voix claire, Mikail buvait ses paroles, surtout lorsqu'il parlait de l'entretien de la voiture des enfants Radmacher. N'avait-il pas faire croire qu'il avait toujours été chauffeur? Stephan lui présenta le protocole, qui ouvre la porte à quel moment, qui emmène qui, qui travaille quand:

-Toi, tu es réservé en priorité pour la Princesse Romy, tu auras l'occasion de transporter aussi son frère et sa soeur, mais le plus souvent ça sera elle. Elle bouge énormément. L'Impératrice la prépare à la succession.

-D'accord. Se contentait de répondre Mikail.

-Tiens tes gants en cuirs.

-Pour?

-Tu ne peux pas manipuler la voiture sans tes gants, surtout le volant.

-D'accord.

-T'es pas très causant, c'est très bien. Les Radmacher n'aiment pas les gens causants.

Mikail ne répondit pas. Le garage était somptueux avec six voitures, dont une décapotable. Il croisa deux autres chauffeurs qui fumaient dans un coin près d'une pièce qui leur était réservée. Composée d'un canapé, et d'une table, ainsi que d'une petite cuisinière où se mourrait une cafetière froide, cette salle de repos était froide et dénaturée. Stephan se tourna vers Mikail et pointa du doigt ses cheveux:

-Plaque-moi tout ça. On va te donner du gel.

-D'accord.

-T'es toujours d'accord avec tout, toi?

-Oui.

Stephan sourit. Le premier jour de Mikail fut le jour de sa rencontre avec Romy Radmacher. Il plaqua ses cheveux, et se trouvait ridicule. Il avait pu garder sa maigre barbe. Il monta dans le véhicule et contempla ce qui allait être son lieu de travail pendant une durée indéterminée. Les rétroviseurs étaient bien en place, les gants bien mis, le volant droit, les jantes impeccable, les sièges en cuirs sentaient le neuf. Bel habitacle, pensa Mikail. Il tourna la clé dans le contact et le bruit lui plu étrangement. Stephan tapa à la fenêtre passager. Mikail la descendit:

-Bon, Radmacher Un, part pour l'université de Finack aujourd'hui, elle a un cours chaque semaine sur l'histoire du monde connu.

Les chauffeurs nommaient les enfants Un, Deux, et Trois.

-Tu vas jusqu'à la porte arrière, et tu lui ouvres la portière en lui disant « Bonjour », pas plus, pas moins. Si elle te parle tu réponds le minimum syndical, tu essayes pas d'engager la conversation, rien. Pas d'idée politique surtout, rien, tu es un meuble. D'accord?

-D'accord.

-Ses gardes du corps suivront dans un autre véhicule qu'ils conduisent eux-mêmes. Allez file! La fait pas patienter.

Mikail roula sur les cailloux clairs et arriva vers la porte arrière. Il attendit plus de quinze minutes avant que la porte s'ouvre. Il sortit du véhicule, ôta sa casquette, et ouvrit la portière à Romy Radmacher:

-Bonjour. Dit-il avec une voix forte.

Elle le regarda à peine et répondit du bout des lèvres. Grimpant dans la voiture avec un cahier et quelques bouquins dans les mains, elle s'empressa de les feuilleter comme pour réviser. Mikail avait étudié tous les trajets avant de débuter. Il savait exactement où se trouvait l'université, et il y avait étudié. Il roula prudemment et entendit Romy jurer devant ses cours. Il jeta un coup d'oeil vers elle via le rétroviseur intérieur. Elle le vit. Cet échange fut furtif, mais il rougit. Elle était plus ravissante qu'il ne l'avait imaginé. Quel teint de lait!

-Vous voulez quelque chose? Demanda-t-elle suspicieuse.

-Non.

Il tourna dans une rue du centre-ville:

-Alors pourquoi me regardez-vous?

-Je ne vous avais jamais vu auparavant.

-Je suis une attraction. Maugréa-t-elle.

-Non. Je suis curieux.

-Ne le soyez pas trop.

L'université n'était plus très loin. Il pensait à sa mission et à la volonté de l'Ermitage de respecter le traité de Tolérance, traité qui permet à tous d'exercer sa religion là où il le souhaite. La naissance du Sacré mettrait à mal tous les combats gagnés par les civilisations antérieures. Il s'arrêta devant l'entrée de l'Institut des Sciences Humaines. Il descendit et ouvrit la portière. Romy sortit et dit:

-Revenez dans trois heures.

-Bien Votre Altesse.

Il la regarda pénétrer dans le bâtiment suivit par sa hordes de gardes. Une nouvelle mission l'attendait.

La petite était extrêmement gentille, elle se présenta au nouveau chauffeur: Adria Radmacher. Elle se rapprocha de la petite ouverture qui la séparait du chauffeur. Mikail devait la mener à son cours de danse classique:

-C'était quoi ton métier avant?

-Chauffeur pour des particuliers. Mentit-il. Tu veux faire quoi plus tard?

Mikail avait envie de discuter avec ce petit bout de femme gentille et souriante, malgré l'absence de certaines dents:

-Je dirais policière.

-Pourquoi?

-Pour arrêter les méchants. Papa me dit souvent que les méchants sont partout et que je dois faire attention.

-Il faut toujours écouter son papa.

-Oui, même si je pense que des fois il dit des bêtises. Sourit la petite fille. Et ton papa il dit des bêtises?

-Oui beaucoup, et je les répète parfois.

-Dis en un! Dis en une!

Il ria avant de souffler:

-Parfois il dit des gros mots car un de nos chevaux refusent de travailler.

-Il dit quoi?

-Ah! Ça je te dirais rien!

-Méchant!

Il la déposa à son cours et attendit à côté, prenant un café dans un pub des beaux quartiers. Le journal parlait de la dernière inauguration qu'avait faite Romy Radmacher dans le Nord du pays. Séduire Romy Radmacher...Quels sont ses centres d'intérêts? Quels sont ses rêves les plus fous? Quels sont ses envies? Il devait tout savoir pour pouvoir être l'homme idéal. Et enfin elle se confirait sur son père. Peut-être une confidence sur l'oreiller? Il frissonna. Quelle horreur...Il récupéra Adria et la ramena au palais. Elle parla de son cours, Mikail demanda:

-Tu aimes la danse?

-Oui, je pense.

-Et ta soeur?

-Elle en a fait, mais elle est plus intellectuelle comme dit Maman. Elle aime lire, écrire, et parle beaucoup de politique.

-Ah...

Centre d'intérêt numéro un la politique. Pas le meilleur centre d'intérêt selon Stephan. Néanmoins Mikail considérait que sa première journée de travail était satisfaisante. 

Les Seigneurs de Fallaris Tome 4: AugusteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant