O N L I N E

Interférence

Les clichés honteux défilaient sous le nez d'Eren. Il riait, seul dans le noir et enroulé dans sa couverture, devant les vidéos et les messages que Levi lui envoyait. Il était tard, ou tôt, selon le point de vue. Mais Eren ne parvenait pas à se décrocher de son portable. Ce petit écran lui apportait un grand réconfort, ces derniers temps.
Il ne répondait pas aux messages et se contentait d'observer. La pièce. Les personnes qui tournoyaient autour de Levi. Son sourire.

Indéniablement, Levi lui faisait de l'effet. Il ne pouvait se le cacher. Mais c'était purement une question d'habitude. Eren s'était habitué à le joindre, à lui confier ses petits tracas, à voir son visage. Et puis, il n'y avait qu'à lui à qui il parlait régulièrement. Alors forcément, il se sentait attiré. C'était une histoire de mathématiques, de science, tout ça.

Il bâilla. Il était presque quatre heures, et il devait travailler le lendemain. Il hésita.

Vendredi 24 mars

Eren

« Levi. »

Envoyé

Levi

« Mhhhhh ? »

Reçu à 03 :45

Eren

« Tu n'as pas envie qu'on se parle en vidéo ? »

Envoyé

Levi lance un appel vidéo.

Eren refuse l'appel vidéo.

Levi

« Décroooche, alors... »

Reçu à 03 :46

Levi lance un appel vidéo.

Eren refuse l'appel vidéo.

Eren

« Levi, je voulais dire, plus tard. »

Envoyé

Levi

« Mais je veux te voir maintenant. »

Reçu à 03 :50

Eren

« Je suis fatigué. »

Envoyé

Levi lance un appel vidéo.

Eren avait usé les dernières gouttes d'énergie dont il disposait, mais il laissa son téléphone sonner. Il avait envie de décrocher et de voir Levi, mais il n'osait pas. Le grand téméraire était en réalité un petit chaton timide et peureux. Il allait devoir se montrer devant tous ses amis et cette simple pensée le retenait d'appuyer sur le petit bouton vert qui était pourtant à quelques millimètres de son pouce.

Levi

« Eren, c'est ta dernière chance de me voir bourré... »

Reçu à 03 :58

Au diable la timidité. Le bouton vert disparut pour laisser place à un Levi situé à des kilomètres de la sobriété.

-Eh bien, il était temps.

-J'aime me faire attendre, mentit Eren.

-Je t'attends depuis déjà trop longtemps, tu ne crois pas ?

Pris de court ! Eren ne sut que répondre.

-Je te fais visiter, continua Levi. Ici, Hanji. Elle a probablement noyé la moitié de sa cervelle dans l'alcool. Puis, on entre dans la cuisine. Tout le monde est arraché. Et ici – il posa sa main en coupe autour de son propre visage – c'est moi. Arraché également.

-Belle visite, merci, monsieur.

-Avec plaisir. Alors, tu me trouves comment ?

-Je t'ai déjà vu en photo. Tu as déjà oublié ?

Levi fit mine de réfléchir, la bouche en cul-de-poule et l'index posé sur son menton.

-J'ai juste envie de t'entendre me complimenter.

Eren pouffa.

-Tu es très beau, grincheux.

-Merci, chéri.

Dieu, qu'il était compliqué pour Eren de se retenir de sourire comme un gamin. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi doux.

-Ne te retiens pas de sourire.

-Espèce de sorcière. Tu lis dans mes pensées ?

-Non, je t'observe, c'est tout. Tu ne sais pas cacher tes émotions.

-Mince. Donc, tu sais probablement que tu me fais complètement craquer, là.

-Eren.

-Oui ?

-Arrête de jouer avec mes sentiments.

Malaise. Levi avait raison. Eren l'avait en quelques sortes rejeté, et là, il se comportait comme le roi des cons. Il lui donnait de l'espoir sans même s'en rendre compte.

-Excuse-moi.

-Tu seras toujours excusé. Ce n'est pas ta faute, si t'es complètement stupide.

-Levi !

De l'autre côté de l'écran, son rire résonna. Eren en eut une petite pincette au cœur.

-Je vais raccrocher, dit l'autre.

-J'aimerais rester.

-Je sais.

L'appel se termina. L'application vibra deux fois, et un petit message apparut :

« Votre appel vous a plu ? Laissez-nous un commentaire dans le Store ! »

Eren tenta les deux options (« Oui, je veux laisser une note ! » et « Non, je n'ai pas apprécié le service proposé »). Il était coincé, peu importe celle qu'il choisissait, il était redirigé vers le foutu Store. Alors il laissa un commentaire salé, déplorant une qualité médiocre et des coupures, une image pas très nette et des interférences. Tout était faux, l'appel avait été parfait. Il ne savait pas si cela était dû à l'algorithme de l'application ou aux yeux de Levi qui l'avaient fixé tout du long.