O N L I N E

Hanoï Café

Annie avait les mains sacrément baladeuses. Eren ne s'en souvenait pas. Gêné, il s'écarta et décida de danser seul un moment. Sur les airs de Bleu Toucan, il s'oublia. Il était entraîné dans le rythme et ne contrôlait plus ses membres. Il avait les yeux fermés, la musique l'emportait.

Il imagina Levi. Dans sa tête, ils dansaient un slow. Eren synthétisa une odeur de parfum qu'il connaissait et l'imprégna sur l'homme avec lequel il dansait. Les pas étaient lents, maladroits, mais ils les emmenaient vers un autre univers. Un univers qui était inconnu d'Eren. C'était paradoxal pour lui qui craignait le nouveau. Toutefois, il se rendit compte que Levi était le type de nouveau qu'il voulait essayer. Il n'avait jamais ressenti ça. Pour être tout à fait honnête avec lui-même, il s'avoua apprécier cette sensation nouvelle. Mais elle le consumait. Elle était trop puissante, ingérable, impossible à contenir et à mettre en cage. Eren perdait le contrôle. L'image de Levi qu'il s'était faite, son odeur ainsi que la douceur de ses vêtements, tout s'évapora devant ses yeux.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, la chanson était déjà largement terminée. Tout le monde le regardait, certain avec des mines moqueuses, d'autres avec compassion et désarroi. Il est vrai qu'il était peu habituel de voir un homme se déchaîner, seul, sur une piste de danse. Avec l'effet de l'alcool ingéré, le cœur d'Eren se mit à marteler contre sa cage thoracique. Il était terriblement gêné. Sa respiration devint plus rapide, saccadée, précipitée. Il le savait, il était en train de paniquer.

Vendredi 18 avril

Eren lance un appel audio.

Levi accepte l'appel audio.

-Eren ?

Il ne répondit pas. Il était trop occupé à récupérer son souffle. Du moins, il essayait.

-Calme-toi, s'il te plaît. Compte avec moi.

Levi commença. Eren parvint à le rejoindre et ils comptèrent une dizaine, à l'endroit, à l'envers, puis ils rirent.

-En plus de gérer mon stress, tu m'apprends à compter. Tu es magique.

-Merci ! Tu paniques souvent, comme ça ?

-Parfois, oui. Je pensais pouvoir gérer.

Eren était déçu. La soirée avait pourtant si bien commencé.

-Ne sois pas dur envers toi-même. Tu as tenu quatre heures avant de m'appeler. Tu peux être fier.

-Tu tiens des comptes ?

-Oh, tu m'as pris au dépourvu. Vilain Eren.

-J'ai bu, Levi. Et pas qu'un peu. Je serais toi, je ne me draguerais pas.

-Sinon ?

-Tu recevrais des mauvais signaux de ma part. Je suis très amoureux quand je suis saoul.

Levi marqua une pause avant de répondre.

-Donc, j'en conclus que tu dragues tout ce qui bouge, là-bas ?

-C'est tentant.

-Je te mets au défi de m'être fidèle ce soir.

Eren rit. Levi était doué. Il était redoutable.

-Si je le suis, qu'est-ce que j'y gagne ?

-Ma reconnaissance.

-Ce n'est pas suffisant. Allons, mon chou. Surprends-moi.

Une nouvelle fois, il fallut un certain temps à Levi pour répondre. Il voulait marquer le coup.

-Je t'inviterai boire un verre, un de ces quatre.

-Une invitation ! C'est génial. Je meurs d'envie de te voir.

-Moi aussi, chaton.

Eren ne put retenir un petit gloussement typique collégien surexcité. Levi se moqua de longues minutes durant.

-Mon meilleur ami est bourré et il devait me raccompagner.

-Tu veux que je vienne te chercher ? Je conduis.

-Ne te dérange pas. Je vais probablement coucher avec quelqu'un et m'incruster jusqu'au petit matin.

-Très amusant. Tu m'as promis fidélité, Eren.

-Je n'ai rien promis. Mais je vais te surprendre.

Eren était enjoué. Il taquinait tout le monde – du moins ses amis, puisqu'il n'était pas assez téméraire pour aborder les autres – et avait un sourire étendu jusqu'aux oreilles. Bizarrement, cet appel lui avait fait grand bien. Il se sentait plus serein.

Levi ferma le livre qu'il venait de terminer pour une énième fois. Sa tasse était vide, pour son plus grand malheur. Il n'avait pas envie d'allumer la machine à café et d'attendre qu'il coule. La dernière fois, elle avait disjoncté et il avait reçu le liquide bouillant directement sur les mains. Horreur.

Ce soir, Levi était apaisé. Il allait s'endormir en se sentant un peu moins seul.