Naissance

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Levi était penché sur son écran d'ordinateur depuis les petites heures du matin. Il cherchait un appartement pas trop cher, pas trop miteux et assez spacieux. Les critères qu'il s'était imposés se contredisaient. Mais il était optimiste. Avec de la bonne volonté, pourquoi pas...

Sa liste était désormais bien longue ; il avait rajouté pas moins d'une quinzaine d'habitations dans ses favoris. Il s'était créé un compte, tout excité de se voir prendre des décisions d'adulte. Depuis, il était harcelé de publicités provenant d'agences immobilières. Sa boîte mail débordait de spams. Au fond de lui, il le savait, il n'était pas assez courageux pour se lancer dans la vie en solitaire. Mais il espérait qu'en feignant la chose, il parviendrait à se convaincre lui-même qu'il en était capable et qu'il était grand temps de quitter ses parents. Il avait bon espoir.

-Li', tu fais quoi ?

Sa mère lui déposa un sandwich sur le coin de son bureau. Son préféré : jambon, moutarde, salade. Simple et efficace, de quoi émoustiller ses papilles. Il sourit ; réaction systématique dès qu'il entendait son surnom. Il l'adorait et seule sa génitrice était autorisée à l'appeler comme ça. La honte, si quelqu'un d'autre apprenait que l'homme viril qu'il était frissonnait de joie en se voyant attitrer un surnom enfantin. Elle s'installa à ses côtés après avoir tiré une chaise.

-Je cherche un appartement.

-Déjà ? Tu as su mettre de l'argent de côté ?

-Un peu, oui.

Elle était sceptique. Voir son fils mûrir d'un coup, c'était peu habituel. Il avait l'habitude de prendre son temps et de se lover dans son cocon qui n'était autre que sa routine. Levi était un garçon casanier, posé, qu'il ne fallait pas chambouler.

-Tu as trouvé quelque chose ? Demanda-t-elle par curiosité.

Elle osa jeter un coup d'œil vers l'écran et sursauta lorsque la longue liste apparut. Finalement, peut-être que son fils était sérieux. Peut-être qu'il comptait réellement s'en aller, et rapidos.

-Rien de bien intéressant.

-Dis, pourquoi cette envie, d'un coup ?

Il sembla réfléchir. Il n'avait pas de réponse toute faite à cette question.

-Tu ne trouves pas qu'à mon âge, vivre chez ses parents est un chouïa ridicule ?

-Tu peux rester autant de temps que tu le souhaites.

-Je ne veux pas être un fardeau.

-Tu ne le seras jamais.

Bénies soient elle et sa douceur.

-J'essaie, reprit-il, de me forcer à grandir. J'aime mes habitudes ici mais il faut que je découvre le monde.

-D'accord. Mais prends ton temps.

Elle passa sa main dans ses cheveux et s'en alla. Si elle restait plus longtemps, elle aurait tenté le tout pour le tout pour influencer Levi à rester.

Sur un coup de tête, Eren avait cliqué sur « inscription en ligne ». Il avait rempli le formulaire. Il avait payé les frais avec le reste de ses économies. Et, maintenant, il se sentait bête. Je suis en train de foutre ma vie en l'air, pensa-t-il. D'ici quelques mois, il allait se retrouver dans un salon peu fréquenté à couper les cheveux des grands-mères qui auraient toute leur vie à raconter – et celles des voisins, en prime. Il apprendrait les derniers potins du coin, qui avait trompé qui, quelle fille était la plus facile à duper pour se donner rendez-vous derrière un garage délabré. Parce que de toute façon, elle l'a voulu, et qu'être à genoux, elle aime ça. Il taillerait les mêmes coupes une fois toutes les deux semaines et ces mêmes grands-mères le prendraient pour leur petit-fils. Triste réalité : elles viendraient le voir pour combler leur solitude parce que leur caniche adoré serait décédé quelques jours plus tôt. Ou peut-être pour combler la sienne parce qu'il ferait peine à voir. Il eut une douleur fantôme à la joue en imaginant le nombre de pincettes qu'il allait recevoir. Et vingt-six pour son anniversaire, pas une de plus ni une de moins !

O N L I N EOù les histoires vivent. Découvrez maintenant