Levi venait de débarrasser la table. Il avait l'estomac rempli ; son père avait cédé à ses caprices et lui avait cuisiné un gros poulet rôti. Le pauvre avait passé sa journée derrière les fourneaux. Et que cela en avait valu la peine ! Assis devant la baie vitrée du séjour, il lisait un roman qu'il appréciait grandement : l'Alchimiste, de Paulo Coelho. Il avait dû le lire une quinzaine de fois sans jamais s'en lasser. Il le redécouvrait chaque fois d'une manière différente. Avec ses écouteurs coincés dans ses oreilles, il était dans sa bulle.
La grande fenêtre donnait sur leur jardin. Tout au fond, les champs s'étendaient à perte de vue. La scène était magnifique lorsque le soleil se couchait. Malheureusement, Levi avait déjà raté le crépuscule. Et, honnêtement, il s'en fichait. Une petite gorgée de son café lui suffit à se sentir complètement apaisé. Sa mère vint remonter le plaid qu'il avait posé sur ses genoux jusqu'à ses épaules. Voilà, son petit coin de paradis. Du café, une vue à couper le souffle, un livre, et Eren, quelque part dans ce monde, qui semblait être heureux de passer son temps à lui parler.
Il était, ou du moins pensait-il l'être, sur la quête du bonheur. Il se rapprochait de son absolu, lentement, mais sûrement.
-Ne va pas te coucher trop tard, lui conseilla sa mère, tu as l'air fatigué.
Levi l'était. Il n'osait pas en parler avec ses parents, mais il se sentait incroyablement seul, ces derniers temps. Or il ne pouvait trouver une raison valable à cette solitude. D'un côté, il imaginait que sa rupture récente avec Erwin jouait un rôle capital dans l'état actuel de ses émotions. Levi l'avait quitté malgré lui ; il l'aimait encore et était sincèrement attaché à l'homme qui avait partagé sa vie, mais le couple avait creusé sa propre tombe en s'installant dans une routine lourde et ennuyeuse. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, et ils en avaient largement discuté, mais malgré leurs tentatives pour renouveler l'étincelle qui les avait réunis, leur amour s'était voué à l'échec.
Seulement, d'un autre côté, Levi se pensait bien plus résistant que cela à la peine de cœur. Il se disait qu'il avait peut-être simplement le blues de fin d'études, que ses amis lui manquaient et que la dynamique de groupe dans laquelle il avait été plongé de longues années durant lui manquait également. Il avait été heureux de quitter son statut d'étudiant, mais en y réfléchissant, il aimait se sentir enfant. Les sorties après les cours, à se battre au sabre laser dans les salles d'arcade, les fast-foods entre amis, les flirts cachés d'Erwin dans les toilettes taguées, tout cela était terminé. Il n'avait même plus le loisir de combler son temps en étudiant, puisqu'il n'y avait plus de cours à retenir par cœur.
Il était temps de se remettre sur pieds et Levi en était conscient. Pourtant, et il rit de cette constatation – jaune ! – il n'avait toujours pas cherché de boulot. Il avait préféré passer son temps à bouquiner, enfermé dans sa chambre, à parler à Eren.
Jeune garçon qui l'intriguait, non sans l'irriter, à un point qui lui était inimaginable. Il avait l'impression que son cœur se réparait un peu lorsqu'il entendait sa voix et que ses plaies se refermaient quand il voyait son visage.
La salle était tout bonnement gigantesque. Les visages inconnus souriaient à Eren par politesse, et il leur rendait la pareille avec gêne. Jusqu'ici, pas de drame. Son pouls s'accélérait par moment, lorsqu'il avait l'impression que quelqu'un marchait vers lui pour lui adresser un mot ou deux, mais personne ne s'était intéressé à lui. Il restait alors collé à Armin qui enchaînait les cocktails. Eren voyait les verres défiler et un arc-en-ciel se dessinait : bleu, violet, rouge, jaune, ... Armin ne semblait être satisfait et se resservait comme s'il ne s'était pas hydraté depuis au moins deux bonnes semaines. Au début, Eren en fut amusé. Amusement qui se transforma rapidement en crainte lorsqu'il se souvint qu'Armin était son chauffeur.
-Bon, mon chou, tu vas te calmer sur l'alcool.
-Je suis une voiture qui a besoin de son essence.
-Tu étais la voiture qui était censée me raccompagner. Tu m'expliques le raisonnement ? Tu veux me tuer dans un accident ?
Armin faisait gigoter ses mains et mimait « bla-bla » sur ses lèvres. Rien de bien rassurant pour Eren qui prit la sage décision de se réfugier aux toilettes avant qu'il ne décide de lui coller sa paume contre la joue.
La musique allait fort. Les basses tambourinaient contre les murs. Sur la porte des toilettes, sur lesquelles il s'était assis, les genoux recroquevillés contre lui, des numéros de téléphone étaient inscrits. Les messages d'espoir, les devinettes et les propositions d'histoires d'un soir ne manquaient pas. Il était servi. Il en lut quelques-uns pour passer son temps.
« Jeune homme bien monté cherche petit étalon pour coup d'un soir. »
Un numéro suivait. Eren le nota, histoire de. On ne sait jamais.
« T'es une sacrée biscotte, chérie. T'es à croquer et tu me fais craquer. »
Pas très original. Eren se dit que ce pauvre type n'avait pas dû conclure, ce soir-là. Il gloussa malgré lui.
Après une demi-heure dans la cabine exiguë, Eren commençait à s'ennuyer. Il avait les jambes qui picotaient et les fesses qui s'endormaient. Il avait besoin de danser. Par miracle, il trouva Mikasa dans la foule. Elle était déjà bien entamée et draguait probablement Annie qui n'y comprenait rien et qui se contentait d'hocher la tête et de sourire. Parfait. Eren se joignit à elles.
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O N L I N E
Fanfiction"Laisse-moi t'apprendre, Eren." "M'apprendre quoi ?" "À tomber lentement amoureux."