Pandore

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« Laisse-moi t'apprendre, Eren. » Foutaises. Comme si l'amour, ça s'apprenait. Comme si le cœur était domptable. Quelle idée illusoire et irréaliste. Eren le sentait, Levi était un rêveur. Un optimiste au grand cœur.

Cela faisait de longs, très longs, jours qu'Eren ne parvenait à oublier cette phrase. Il y songeait presque aussi régulièrement qu'à son électricité.

Levi flânait dans le centre commercial. Maintenant qu'il avait terminé ses études, il ne savait pas quoi faire. Il dessinait, parfois, et tentait des recettes toutes aussi catastrophiques les unes que les autres. Il avait tout intérêt à se dégoter quelqu'un qui sache cuisiner.

-Hanji !

Il accourut vers elle.

-J'ai fait le tour quatre fois, je suis essoufflée. Tu te cachais ?

-Oui, j'adore jouer à cache-cache dans les centres commerciaux. C'est mon péché mignon, mais ne le répète à personne.

Elle leva les yeux vers le ciel et souffla si fort que des mèches qui étaient restées collées au front de Levi virevoltèrent.

-Je ne sais pas ce que tu as mangé, chérie, mais pour rester poli, ton haleine sent le poisson mariné.

-J'ai dîné chez ma grand-mère.

-Personne ne t'as appris l'utilité des chewing-gums ?

Levi fit basculer son sac à dos vers l'avant et tendit un petit paquet à Hanji. Pas gênée pour un sou, elle mâcha dans le plus grand des silences. Puis, elle le tira par la manche et l'emmena dans une boutique de bijoux. Il essaya une paire de boucles d'oreilles pendant qu'elle continuait de l'interroger.

-Comment ça se passe, avec Eren ?

-Au ralenti ...

-Contexte, beauté, contexte.

Levi acheta un bracelet argenté.

-Il n'a pas l'air de ressentir quoi que ce soit. Pourtant, il continue de me parler.

-Il existe un mot pour les personnes comme lui.

-Hm ?

-Con. Crétin. Imbécile.

-C'est trois mots, ça.

Hanji se tourna vers lui et lui agrippa les épaules.

-Promets-moi de ne pas te laisser marcher dessus.

-C'est-à-dire ? Peut-être que j'aime ça.

-Laisse tes fantasmes en dehors de ça. Je te parle sérieusement, là. Ne fais pas durer l'histoire. Tu mérites quelqu'un qui t'aime en retour.

-Je n'ai jamais dit que je l'aimais.

-Laisse-moi rire. Tu vas me dire que les yeux qui brillent pendant que tu me parles de lui, c'est du cinéma ?

Touché.

-Eren, répéta-t-elle pour s'amuser. Petit Eren.

Elle regardait les réactions de Levi.

-Arrête.

Elle était forte, très forte. Il se savait rougi par la gêne.

-Je t'achète un jus de pomme pour me faire pardonner.

-Merci, chérie.

Les deux amis avançaient. Les allées étaient vides. C'était agréable.

-Il habite où ?

-Aucune idée.

-Qu'est-ce qu'il aime ?

-Aucune idée. Lui-même, probablement.

-Tu ne sais pas grand-chose de ce personnage, dit-elle, sceptique.

-Si : il a vingt-cinq ans.

-Spectaculaire.

Nouveau silence. Levi se concentra quelques secondes pour se rendre compte qu'Hanji n'avait pas tort. Après deux mois de discussions, et des sentiments qu'il pensait sentir naître, il ne connaissait rien d'Eren. Absolument rien. Le néant. Un gouffre. La seule chose dont il avait connaissance était son désir de sentir son téléphone vibrer et de voir son prénom s'afficher sur le petit écran.

En réalité, Levi était découragé. Il voyait qu'Eren le draguait, mais rien ne se passait. C'était la même routine automatique tous les jours. Un peu comme le rituel du ça va ? Ça va ! défendu par les sociologues. Il ne savait pas s'il devait se réjouir d'avoir développé cette routine ou s'il devait être triste de ne pas voir l'affaire avancer. Un peu des deux, certainement.

Erwin lui manquait. L'idée de lui envoyer un message était plaisante, en cet instant où il manquait terriblement de confiance en lui. Ils avaient filé le parfait amour. Rencontre sur les bancs d'école, Saint-Valentin aux chandelles, presque deux années écoulées sans la moindre dispute explosive. Et puis, la flamme s'était tout simplement éteinte. Il n'y avait plus rien eu entre eux et ils s'étaient séparés comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Une triste fin qui ne rimait pas avec l'histoire dynamique qu'ils avaient vécus. Parfois, Levi se permettait de rouvrir la boîte qu'il avait confectionnée dans laquelle il gardait tous les souvenirs de leurs sorties.
Pour se réconforter et se dire qu'un jour, il fut aimé.
Et que peut-être qu'une fois, dans un futur pas si lointain que ça, cela se produirait de nouveau.

-Levi, tu penses à voix haute.

-Excuse-moi.

-Tu sais que tu ne peux pas retourner le voir.

-Je sais, Hanji. Je sais.

-Tu n'es pas si désespéré que ça.

-Peut-être que tu me surestimes. 

O N L I N EOù les histoires vivent. Découvrez maintenant