Chapitre XIX ~ Mathéïs

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Voilà deux semaines que nous avons tenté de nous évader.

Ce fut une terrible idée mais je ne le dirais jamais à Loan. Il se sent suffisamment coupable, je ne vais pas en rajouter une couche.

Voilà donc deux semaines que nous faisons du ménage pour deux démons, avec un collier de chien autour du cou. Moi, je m'y suis fait rapidement. Blanche est toujours très gentilles avec moi et les seules fois où elle m'a appelé pour faire autre chose que du ménage, c'était pour l'aider à étendre son linge.

Je dois dire que cette vie me convient plutôt bien. Bon, d'accord, je suis un esclave mais au moins je mange à ma faim tous les jours et je sais où je dors chaque nuit.

Je le vis assez bien.

Malheureusement, je ne peux pas en dire autant pour Loan. Son état de santé semble se dégradé un peu plus chaque jour. Ses yeux sont cernés et il a perdu du poids. Il refuse catégoriquement de m'expliquer pourquoi et ce qu'il va faire avec Lilith tous les deux jours.

D'après Blanche, Mlle Lilith chasse beaucoup. J'ai peur de comprendre mais je ne préfère pas étaler mes réflexions dans ce sens-là.

Maintenant que nous savons ce qu'elles sont, je saisis un peu mieux leur comportement cruel.

Surtout Lilith. Blanche ne ressemble pas vraiment à l'image que je me faisais d'une démone.

L'oiseau géant qui nous a sauvé est en réalité la forme démoniaque de Mlle Lilith. C'est Blanche qui m'a expliqué pendant qu'on étendait le linge. J'avoue que je suis curieux à propos de leur condition de démone mais je n'ose pas poser plus de question. La seule que j'ai essayé, le visage de Blanche s'est fait tellement sombre que ça m'a dissuadé de pousser la question plus loin.

Je me contente donc d'obéir bien sagement aux ordres que je reçois directement, sans poser de question et tout se passe bien.

Par contre, je m'inquiète de plus en plus pour Loan. Il ne va pas bien, ça se voit comme le nez au milieu de la figure et lui, je peux encore lui poser des questions sans craindre une mort lente et douloureuse.

Alors que j'ai enfin fini ma journée de ménage, je m'étale dans mon lit pour souffler avant le repas. Loan n'est pas là ce soir. Je vais donc attendre qu'il revienne pour le questionner.

C'est autour de 23 heures qu'il rentre dans la chambre, la tête baissée, le dos courbé et les jambes tremblantes. Mon coeur fait un bon dans ma poitrine. Le voir dans cet état d'épuisement me brise le coeur. Et ne pas savoir pourquoi me le brise encore plus.

Je l'observe refermer la porte derrière lui d'un geste las et affreusement lent. Il tourne sa tête vers moi.

Je suis allongé dans mon lit, les yeux à moitié fermé dans l'obscurité qui règne.

Il croit certainement que je dors. Son visage s'étire d'un sourire crispé et douloureux. Ses yeux se font tendre sur ma personne.

Aïe... mon coeur. Qu'est-ce qu'il se passe ? Où est passer mon Loan souriant et blagueur, baraqué et fort ?

En silence, il se dirige dans ce qui peut se comparer à une salle de bain. En passant devant mon lit, je remarque qu'il boite méchamment et que ses vêtements sont sales et déchirés par endroit.

Ce spectacle me déchire de l'intérieur.

Il disparait dans la salle de bain et ferme la porte derrière lui. Je voulais le questionner subtilement mais je n'y tiens plus. Je dois comprendre ce qu'il se passe. Je me lève, déterminé et pénètre sans prévenir dans la salle de bain.

Ce que je découvre me tue intérieurement. Son torse dénudé est terriblement amaigri et couvert de traces bleues et noires étranges. Je lâche un hoquet de surprise qui alerte Loan de ma présence. Son premier réflexe est de caché son torse avec son t-shirt, comme une femme surprise par un homme.

Je reste bouche-bée, les yeux grands ouverts face à mon ami. On s'observe silencieusement pendant plusieurs minutes avant que Loan ne prenne la parole.

- Je pensais que tu dormais.

Sa voix est brisée. Comme son corps.

Pacte avec le Diable [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant