Avec la fraîcheur qui régnait à Dakar,Khaïry avait arrêté la vente d'eau au profil de dattes, coco gingembre, café et beignets : le matin, elle s'installait devant le magasin de mère Thioub avec ses quelques marchandises et le soir elle se faufilait entre les voitures pour présenter ceux-ci à travers les fenêtres des voitures. C'était certes dangereux, mais elle n'était pas la seule car d'autres ayant l'âge de mère Thioub le faisaient sans parler des jeunes mères avec leurs bébés sur le dos. Leur travail cachait des moments de sport avec la concurrence qui régnait entre les vendeurs : le client appartenait à celui qui court le plus vite .
Cependant, ça lui permettait d'aider mère Thioub dans le loyer et de garder le reste.
C'est dans ces endroits que l'on se rend compte que les femmes sont d'un courage remarquable, qu'elle sont des guerrière ; qu'elle soit mère, fille, femme... Et les hommes ne sont pas aussi en reste. Ils sont parfois des pères qui n'ont pas beaucoup d'affinité avec leurs enfants, et parfois, ces derniers leur en veut de ne pas être présents oubliant le fait qu'ils sacrifient leurs temps à leur profil, pour subvenir à leurs besoins, assurer leur avenir... Bref
Après une dure journée à courir derrière les voitures ,Oumou Khaïry pensait pouvoir sommeiller calmement bien, envelopper dans la chaleur de sa couverture après une bonne soirée avec toute la maisonnette. Elle discuta de tout et de rien avec mère Thioub dans une ambiance joyeuse avant de rejoindre les bras de Morphée.
Alors que le silence enveloppait la nuit, seulement troublée par des aboiements et que la fraîcheur s'intensifiait les fantômes d'un passé peu lointain envahirent le sommeil de Khaïry.
__Non non non... Murmurait Khaïry en balançant sa tête de gauche à droite alors que malgré la fraîcheur, son visage se couvrait de sueur tandis que ses lèvres se plissaient en un rictus amer.
Ces mouvements incessants réveillèrent mère Thioub .
__Khaïry , chuchote-t-elle pour ne pas la brusquer.
__S'il... Vous plaît...Père lâchez moi, dit-elle d'une voix sanglotante , dans son sommeil.
__Khaïry yewoul mane leu mère Thioub(Khaïry réveille toi, c'est moi...)
La voix bienveillante de Mère Thioub l'extirpa lentement des bras de morphée dans la profondeur de ce cauchemar peuplé d'un souvenir douloureux. Elle s'assit en ramenant ses genoux vers son visage pour pleurer une énième fois le souvenir de son père incestueux la violant, souillant son corps innocent, pénétrant dans son jardin le plus secret dont la clé ne devait appartenir qu'à l'homme qui devait l'aimer.
__Chut, fit doucement Mère Thioub. Ce n'était qu'un cauchemar.
__Si seulement, fit haineusement Khaïry.Il était mon père, j'étais son sang et je l'aimais malgré tout. Mais il...il a fallu qu'il... Qu'il me... Qu'il me viole, qu'il prenne mon innocence, qu'il me souille. Et tu sais ce que la femme qui me servait de mère a dit ? Tu ne dois pas le savoir ni le penser : que moi Oumou Khaïry avait séduit mon propre père.
Elle n'avait plus la tête sur les genoux et ne parlait plus avec tristesse, mais avec une haine non dissimulée les yeux fixés sur un point devant elle, sur le mur d'où elle voyait se jouer l'épisode désastreux de sa vie.
__Je ne peux pas dire que je te comprends, ça reviendrait à mentir puisque je n'ai jamais vécu telle chose, mais j'en ai le cœur déchiré rien qu'en t'écoutant.
Elle l'attira à elle pour la serrer dans ses bras alors que les mots refusaient de traverser à nouveau la barrière de ses lèvres.Oumou Khaïry pleura jusqu'à rejoindre à nouveau les bras du dieu du sommeil.
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