XV : tic, tac...

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L'imposante horloge de cuivre de la Grande Salle égrénait chacune des minutes qui ponctuaient, telle une ritournelle de virgules temporelles, la nuit qui enveloppait le château. Tout semblait calme, tout paraissait paisible. Mais les apparences sont parfois trompeuses.

Onze heures.

Hermione achevait toujours sa ronde du vendredi soir par un passage à la Tour d'Astronomie ; la semaine était finie, et le professeur Sinistra n'était pas dans les parages, personne ne risquait de la surprendre. Elle grimpa la volée de marches qui la séparait du sol pavé, pour se retrouver face aux étoiles.

Elle soupira doucement.

Ce n'était que lorsque le jour radieux cédait sa place à l'ombre qu'elle arrivait à se relâcher. Entre ses journées éreintantes, ses obligations de Préfète-En-Chef et la crise qu'elle traversait, les moments de quiétude se faisaient rare ; alors, elle s'emparait avec une avidité impatiente de tous ceux qu'elle arrivait à croiser.

La lune serait bientôt pleine, remarqua-t-elle. Cette pensée en amena aussitôt une autre, moins agréable. La jeune fille se fustiga intérieurement : pourquoi fallait-il toujours que la paix de ces trop rares instants soit polluée par ses stupides idées noires !

Elle ne put s'empêcher d'y songer, pourtant. Oui, elle avait vu dans son calendrier lunaire que la sphère argentée, qui diffusait à présent une lumière évanescente sur le Parc de Poudlard, serait pleine le dix-neuf septembre. Or, ce même jour, elle fêterait son dix-neuvième anniversaire ; et cette pensée était tout sauf agréable.

Hermione se dégagea de l'embrasure de la porte sur laquelle elle s'était appuyée, et avança doucement sur les pavés inégaux. Elle crut entendre un bruit, mais se rassura bien vite en entendant un miaulement agacé ; ce n'était qu'un simple chat, qui terminait lui aussi sa ronde nocturne, constata-t-elle au vu des cadavres de petites souris qui entouraient, pêle-mêle, l'animal.

Il lui rappelait Pattenrond... Est-ce qu'un ami inciterait son chat à sortir de sa cage ? Depuis son arrivée à Poudlard, sa petite boule de poil n'était sorti qu'une seule fois de sa malle, le temps d'un tour rapide ; après avoir inspecté quelques couloirs, il y avait replongé aussi sec ! Un comportement un peu étrange, certes, mais Hermione avait actuellement d'autres chats à fouetter, comme disait les Moldus.

Dix-neuf ans. Elle vieillissait, c'était indéniable... et cela l'agaçait prodigieusement. N'aurait-elle pas pu rester pour toujours l'adolescente d'antan, l'élève secrète mais sûre de sa place, celle qui savait parfaitement qui elle était et ce qu'elle voulait ? Cela aurait été tellement plus simple... Elle ne se serait jamais retrouvée là  avant, à une heure aussi tardive alors qu'elle avait cours le lendemain, à divaguer sur la perspective de la vie d'adulte.
Elle aurait été dans son lit, endormie, avec sa lampe allumée et un livre glissant de ses doigts fatigués. Elle en aurait souri le lendemain matin.

Tout avait changé, désormais. Ses repères était partis en fumée, ses meilleurs amis étaient trop loin pour qu'elle puisse les voir, et elle ne se connaissait même plus.
Les gens, les journaux, les autres élèves la portaient aux nues ; elle s'était habituée à signer des parchemins et à sourire de façon mécanique. À sauver les apparences, à toujours paraître joyeuse, détendue, épanouie.
C'était dans ces moments-là qu'elle réalisait à quel point elle était malheureuse. Elle aurait tant voulu le dire au monde, crier qu'elle était perdue, triste, amère..

Mais, déjà, les aiguilles du Temps, mauvaises joueuses, se superposaient, annonciatrices d'un nouveau jour.

Minuit.

Hermione reprit le chemin de sa chambre.

Drago, en sueur, sortit du recoin où il s'était terré. La Tour d'Astronomie était vide, d'habitude ! Pourquoi cette satanée Hermione Granger devait-elle toujours être sur son chemin ?

Perfectly Wrong [Dramione❤]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant