Chapitre 1

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Mes jambes ne me soutiennent plus. Je m'effondre. Je cherche désespérément de l'air, mais mes poumons restent vides. Le bruit de ma chute a attiré l'attention de mes parents, ainsi que celle de Nick qui ouvre la porte de ma chambre. Dès qu'il me voit à terre, il se précipite vers moi. Mais ses bras, au lieu de me réconforter, me dégoûtent. Je me dégage brusquement et recule pour éviter tout contact. Mes parents s'approchent, mais je me déplace pour qu'ils ne puissent pas me toucher. Je suffoque. Le visage de ma mère est baigné de larmes, mais bizarrement cela ne m'affecte pas. Un mur vient de se créer entre moi et le monde extérieur. Les lèvres de mon père bougent, me signifiant qu'il me parle, mais aucun son n'atteint mes oreilles. Je recule encore jusqu'à me retrouver dos à la porte d'entrée. Je sens le bois dur contre ma peau dénudée. Je m'y appuie pour ne pas tomber. J'ai l'impression d'être en chute libre tel Alice au pays des merveilles. Tout mon être est en train de tomber dans un trou de lapin sans fond. J'ai toujours autant de mal à respirer et tout mon corps tremble. Mon cœur bat trop vite. Il se fissure. Se brise. Avec une légèreté inattendue, les morceaux s'envolent tel des feuilles mortes en automne. J'ai beaucoup trop chaud. Il faut que je sorte de cette pièce qui m'asphyxie. Mon père tient ma mère par la taille. Le visage de celui-ci est crispé de douleur. Elle, elle semble réaliser qu'elle vient d'échouer. Le peu de lumière qui entre dans la pièce par la fenêtre est celle de la lune. Une lumière crue qui enlève toute beauté aux choses. Une lumière qui me permet de voir le visage de Nick, un visage marqué par l'incompréhension et la conscience que quelque chose de grave est en train de se produire. Mais comme je l'ai déjà dit je viens de me barricadée dans une forteresse. Alors sans plus y réfléchir, j'ouvre la porte et je fuis dans la nuit.

Je cours sur le trottoir le plus vite possible pour m'éloigner de cette maison. Mes poumons me brûlent et les larmes me brouillent la vue. Je traverse une route, il me semble entendre un klaxon. Mes pieds nus frappent le béton et s'écorchent sur les graviers. Mon pyjama ne me protège pas du froid. Mais mon corps semble insensible à toute douleur, car je suis vide. Mon cœur s'est envolé et mon âme continue de tomber. Encore et encore. Toujours plus vite. Toujours plus profondément. Dans un endroit toujours plus sombre. Plus froid. Plus noir. Sans espoir. Sans vie. Ils me quittent tous les deux petit à petit. Lui d'abord, il s'éteint comme une bougie sur laquelle on aurait soufflé. Puis elle, elle s'attarde comme nostalgique, mais elle finit par partir aussi. Elle m'abandonne lâchement. Ils le font tous les deux. Je perds contact avec la réalité.

Mon corps passe en pilote automatique. Mes jambes continuent de courir. Mes poumons de respirer, mais mon cerveau ne pense plus. Mes pieds tapent le bitume et ils me guident à travers les nombreuses rues. Ceux-ci sont les premiers à me faire réaliser que je ne suis plus en ville. Je m'arrête. Je suis dans une partie de la forêt que je ne connais pas. Même si mes yeux sont habitués à l'obscurité, je ne vois pas à plus de cinq mètres. Mes pieds me font mal, mais un bruit derrière moi me surprend et je recommence ma course, s'enfonçant plus profondément dans la forêt. Chaque mètre qui m'éloigne de ce qui était ma maison, ma vie est un soulagement.

Alors que l'adrénaline quitte mes veines, la douleur me rattrape et je m'effondre. Mes pieds me lancent. Le froid me brûle les mains. Même si j'ai arrêté de courir, mon cœur bat beaucoup trop vite et je respire difficilement. Je sens l'herbe humide sous mes fesses qui petit à petit mouille mon bas de pyjama, Le froid engourdit mes membres. J'accueille cette absence de sensation avec joie. Alors que le froid atteint mon cœur, je me perds en moi-même et me retrouve seule.

Je suis dans une pièce sans mur. Du blanc partout autour de moi. Je ne sens rien à part le sol sous moi. Recroquevillée sur moi- même, je n'ose pas me relever. Je suis terrassée par la peur. Une peur profonde. Une peur qui possède tout mon être. Elle coule dans mes veines, traverse mon cœur, rempli mes poumons. La lumière semble venir de nulle part et partout à la fois. Tout mon être tremble. Je finis par lever les yeux. L'espace qui m'entoure est sans fin. Seul le sol blanc me prouve que je ne suis pas en train de flotter dans le vide. La peur me paralyse et je passe ce qui me semble des heures, couchée sur le sol, terrorisée. Au bout d'un moment infini, je me redresse. Et une éternité plus tard je me lève péniblement. Mon corps peine à supporter mon propre poids, mes jambes tremblent. Lentement je tourne sur moi- même. Seul le vide m'entoure. Aussi loin que porte mon regard, il ne rencontre rien.

Evadée - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant