Evadée - Tome 2

Chapitre 6

Mon moi maléfique est de nouveau face à moi. Elle me regarde hautainement et semble me mépriser au plus haut point.

- Tu me dégoûtes tellement, tu es si faible, incapable de te relever.

Une voix l'interrompt, je regarde dans la direction de celle-ci. C'est moi, enfin pas tout à fait. C'est moi, mais mes cheveux sont plus courts, je porte des vêtements militaires. Et deux bandes noires recouvrent chacune de mes joues.

- Laisse-là tranquille.

- Oh c'est mignon, la guerrière qui essaie de te protéger, reprend la démone.

- Laisse-là tranquille, répète la guerrière. Elle a le droit de flancher comme tout le monde. Elle va se relever, elle a juste besoin de temps.

Elle se tourne vers moi et me sourit, compatissante.

- Vraiment ? Tu penses vraiment qu'elle va se relever ? Je savais que tu étais naïve, mais pas à ce point-là. Elle est faible, elle ne peut pas se relever, c'est au-dessus de ces capacités physiques.

Je les regarde alors qu'elles continuent à se disputer. Je sais qu'elles parlent de moi et que je devrais me défendre. Mais j'ai l'impression d'être étrangement loin de tout ça, comme si je le voyais à travers une vitre. Comme si je les voyais à travers un écran de cinéma. Je n'arrive pas à me sentir concernée. Pourtant elle parle de moi, elles sont moi, enfin je crois.

La pièce se remplit de brouillard en même temps que mon esprit et je me perds en moi-même. Un instant, j'ai l'impression de voir Aaron au loin. Je suis prise par la peur, puis celle-ci est remplacée par l'amour que je lui porte. Mon cœur s'entre-déchire par ses sentiments si contraires. Mes jambes avancent vers lui, comme poussées par un instinct que je ne connais pas, puis elles s'arrêtent, veulent retourner en arrière. Elles hésitent.

Tout à coup, il est là, à quelques centimètres de mon corps. Il me sourit, ce sourire qui me fait fondre à chaque fois. Je tends ma main vers son visage. Elle est hésitante. Finalement, je touche sa joue. Il appuie celle-ci contre ma main et ferme les yeux. Il savoure tendrement mon contact.

Aucun mot n'est prononcé, nous sommes enveloppés dans un cocon de silence. Délicatement, il pose sa main sur ma hanche et m'attire à lui. Nos corps ne touchent. Il me regarde droit dans les yeux et je me perds en eux, comme je l'ai fait des milliers de fois et comme je veux encore le faire des milliers de fois. Il m'embrasse avec douceur. Tout mon corps se détend. Je suis enfin à la maison. Il s'écarte légèrement.

- Réveille-toi et viens me retrouver mon amour.

Avant que je ne puisse répondre, il disparaît dans un coup de vent. Je suis comme transportée, aspirée et j'ouvre les yeux.

Ce que je vois en premier, c'est le plafond qui me surplombe. Un plafond blanc. Petit à petit mon corps prend conscience de son environnement. Le bip répétitif qui sonne à côté de mon oreille. Les divers tuyaux qui me relient à une machine. Le tableau en face de moi. Le lit sous moi. La fenêtre sur ma droite qui déverse du soleil. Mais aussi le cri des enfants qui jouent dehors. Les pas dans le couloir, les discussions des infirmières.

Je me redresse doucement et bois le verre d'eau qui se trouve sur ma table de nuit. Je regarde encore autour de moi et me perds dans la contemplation de la vue que j'ai depuis ma fenêtre. Une vue sur toute la ville. Je vois et j'entends la ville vivre, respirer. Je ferme les yeux un instant, alors que le soleil réchauffe mon visage.

J'appuie sur un bouton et une infirmière arrive quelques minutes plus tard.

- Bonjour, mademoiselle, c'est un plaisir d'enfin vous voir éveillé. Comment vous sentez-vous ?