Chapitre 12

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Nous agirons vendredi. C'est terriblement excitant et stressant à la fois. Je suis traversée par tellement d'émotions en même temps. Elles sont si contradictoires. Je ne sais plus quoi faire. Parfois, j'ai envie de hurler. D'autres fois de me cacher sous mes duvets. D'autres fois encore, j'ai peur d'être vendredi. Et parfois j'ai hâte que ce soit fini.

Nous avons apporté les dernières modifications qui était nécessaire à la petite maison. Nous sommes fin prêts. Je crois que je ne réalise pas vraiment ce que je vais faire. Il y a encore un an tout allait bien entre eux et moi. Et il y a environ deux ans, je ne connaissais même pas Aaron. Tout allait bien dans ma vie, puis il est venu tout chambouler. Il n'est pas le seul responsable. Il n'a qu'été l'élément déclencheur. Je ne lui en veux pas. Je l'aime tant.

Nous y voilà. J'attache ma ceinture et Aaron démarre. Nous quittons le domaine de mon père et retrouvons bientôt la civilisation. Il est à peine 22 heures. Le stress et l'adrénaline commence à couler dans mes veines.

- Pas trop stressée, princesse ? Me demande Aaron.

- Non, je suis heureuse d'enfin le faire, que ça soit derrière moi et que je puisse enfin reprendre le cours de ma vie.

Il me sourit et nous continuons de rouler dans le silence. Chaque instant qui nous rapproche de mon ancien chez moi me terrorise un peu plus. Nous arrivons dans mon quartier. Quand je vois ma maison tout semble s'arrêter, tout doute ou peur me quitte. Je suis soudain extrêmement calme. Aaron se parque au coin de la rue. Il me regarde.

- Prête ?

Je hoche la tête et me penche pour l'embrasser. J'approfondis notre baiser et j'ai soudain une vague de désir pour lui. Il me repousse gentiment.

- On fera ça après princesse.

Je lui souris et quitte le véhicule. Je suis vêtue de noir de la tête au pied, je porte même un bonnet sur mes cheveux noirs. Dans la poche de mon sweat se trouve les deux doses de tranquillisant. Je respire. Ça va le faire. Je marche le plus normalement possible. J'arrive devant ma maison. Un coup de nostalgie m'arrive en pleine figure. Je pensais avoir passé toute ma vie dans cette maison, avoir fait mes premiers pas, dit mes premiers mots. Mais non, tout cela je l'ai fait dans un lieu oublié avec des gens oubliés. Je soupire.

Je passe le plus silencieusement possible la clé dans la serrure. Je suis attentive au moindre bruit. La nuit est sans nuage et la lune éclair mon méfait. Il n'y a pas un bruit dans le quartier à part cette clé qui tourne dans la serrure. J'ai l'impression de prendre des années avant d'avoir fait un tour.

Okay, maintenant je dois ouvrir la porte. Je pose ma main sur la poignée et m'arrête à l'écoute de tout bruit suspect, rien. J'appuie gentiment, doucement, presque avec tendresse. La poignée se baisse lentement. Tout mon corps est tendu, attentif au moindre bruit.

Je pousse la porte avec une douceur remarquable. Une vague de chaleur effleure mon visage. Le couloir est baigné d'une douce lumière. La cuisine est plongée dans le noir, mais je vois de la lumière au salon. Maintenant commence la partie difficile. Je suis complètement à découvert.

Je referme la porte derrière moi. Je respire profondément. J'avance à pas de loup dans le couloir. Le tapis étouffe le bruit de mes pas. J'avance lentement de peur de faire du bruit alors que tout mon être me hurle de marcher plus vite pour ne pas rester plus longtemps à découvert. Au dernier moment, je tourne brusquement à droite dans la cuisine et me cache dans la pénombre.

Je sors la petite boîte de ma poche et prépare les deux seringues. J'ai déjà fait ces mouvements plusieurs fois. Aaron m'a entraîné à le faire rapidement et de manière sûre. Mais mes mains tremblent et sont moites. Je pose la boite sur le plan de travail de la cuisine, ferme les yeux et me concentre sur la respiration. Il faut absolument que je me calme.

Quand j'ouvre les yeux, j'ai arrêté de trembler et je ne doute plus, je n'ai plus peur. Je prépare la première seringue et je mets la deuxième dans la poche arrière de mon jeans que je puisse y accéder rapidement. Je quitte la pénombre rassurante de la cuisine.

J'arrive sur le pas de la porte du salon. Mes parents sont assis dans le canapé dans les bras l'un de l'autre. À ma grande surprise la télévision n'est pas allumée. Ils sont tous les deux assis dans le silence et regardent le vide. Je pense un instant qu'ils sont morts, tant ils semblent ne pas bouger puis ma mère prend la parole.

- Elle me manque tellement.

Mon père ne répond pas tout de suite.

- Elle me manque aussi. Mais j'espère de tout mon cœur qu'elle est heureuse où qu'elle soit. Qu'elle ait trouvé quelqu'un pour la soutenir et qu'elle va bien.

La partie difficile commence maintenant. Notre salon est recouvert de parquet et certaines planches grincent. Si l'un de mes parents se retourne je suis cuite.

- Qu'est-ce qu'on a bien pu faire de faux ? J'ai tout fait pour être une bonne mère. Je l'ai soutenu dans ses décisions, même quand je ne les approuvais pas.

Je suspends mon geste. Mon pied est à un centimètre du sol. Je me fige et écoute.

- Ma chérie, nous ne pouvions pas savoir. Les choses ne sont pas arrivées comme nous l'avions espéré. Nous n'avons jamais trouvé le bon moment pour le lui dire et elle ne l'a pas appris comme nous l'aurions souhaité. Mais dans tout ce que nous avons fait pour elle, de son adoption à maintenant est-ce qu'il y a quoique ce quoi que tu changerais, que tu ferais différemment ?

Ma mère semble réfléchir un moment. Elle finit par dire :

- Non, je ne changerais rien. J'ai fait de mon mieux pour l'aimer, la chérir, et la soutenir. Même si je l'avais voulu je n'aurais pu faire plus, je lui ai donné tout l'amour que j'avais et je suis horrifié que cela n'ait pas suffit.

Ma mère éclate en sanglot. Et j'ai soudain honte de ce que je suis, je suis en train de faire pleurer ma mère. Mais qu'est-ce que je fais là ? Je ne vais pas kidnapper mes parents. Même si ma mère ne m'a pas mise au monde elle m'a élevé comme ça propre fille. Je ne peux pas leur faire de mal.

Sur la pointe des pieds, je quitte la maison presque en courant. À deux doigts de vomir tant je me dégoûte. Sur le trottoir, j'inspire profondément et essaie vainement de calmer les battements de mon cœur. Je me dirige lentement vers la camionnette d'Aaron. Mais qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire ? Je panique. L'espace d'un instant je suis tenté de fuir, fuir tout ce que je connais pour tout recommencer à zéro.

Malheureusement les phares de la camionnette s'allument. Aaron recule et se porte à ma hauteur.

- Monte, dit-il d'une voix autoritaire.

J'hésite un instant, mais sous son regard de braise, je monte sans mot dire.

- Il y a eu un problème ? demande-t-il d'une voix froide.

Je ne réponds pas tout de suite, de peur de m'emmêler les pinceaux. J'essaie à toute vitesse d'inventer quelque chose.

- Parle ! Dit-il brusquement et je sursaute.

- Je...je n'ai pas réussi.

- Ils t'ont vu ?

- Non, non, enfin je ne crois pas. Je n'ai pas eu... la force. Je ne veux plus faire ça.

Aaron sert ses mains si fort sur le volant que ses doigts deviennent blancs. Il respire profondément.

- On verra ce qu'en dira ton père.

Et je sais que cela ne va pas être une partie de plaisir.

Evadée - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant