II

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Après plusieurs heures assises à contempler la salle du tatoueur, Camille apprécie de pouvoir se lever et se dégourdir les jambes. Elle a regardé l'artiste reproduire le dessin sur son poignet millimètre par millimètre et le résultat est encore plus beau que ce qu'elle espérait. C'est fin, coloré, elle reconnaît très bien le logo.

— C'est vraiment parfait, souffle-t-elle.

— Ça va, pas trop mal ?

— Non, ça va, je ne suis pas très sensible.

— Il me semblait bien que j'avais déjà vu ce logo quelque part. C'est celui d'un DJ je crois, comment il s'appelle déjà... s'interroge le tatoueur en appliquant la crème puis le pansement sur le tatouage.

— Oui, Hubris, répond-t-elle simplement, elle ne veut pas s'étendre sur le sujet, cette passion ne regarde qu'elle. Quand est-ce que je pourrais enlever le pansement ? demande-t-elle pour changer de sujet.

Elle écoute distraitement les consignes du tatoueur pendant qu'il applique la crème puis le pansement sur le tatouage. Elle pense à la réaction de sa meilleure amie, ses parents, quand elle leur montrera. Elle n'en a parlé à personne et elle n'est pas sûre de ce qu'elle va leur répondre s'ils lui demandent ce qu'il représente. Elle est très fière du tatouage et de sa signification pour elle, mais elle doute que ses proches comprennent l'attachement qu'elle a envers ce pays et cet artiste.

Elle voulait le logo d'Hubris, mais pas seulement, elle voulait aussi ce qui représente l'Islande et tout ce qui l'y attire depuis des années. Les aurores boréales, les couleurs incroyables de la nature, les sommets, la mer, la neige. Le tatoueur a su merveilleusement reproduire ce qu'elle avait en tête.

Ça peut paraître futile aux yeux de beaucoup de gens, avoir le logo de sa star préférée sur la peau, mais pour Camille c'est une sorte de signe de reconnaissance, si elle croise un fan d'Hubris, il comprendra. Il y a d'ailleurs plein d'autres gens dans le monde qui portent ce logo en tatouage.

***

— C'est quoi ce gros pansement ? interroge Quitterie en prenant le poignet de Camille. Tu t'es fait un tatouage ? devine-t-elle avec une pointe d'excitation.

— Tu lis en moi comme dans un livre ouvert, répond Camille avec un large sourire.

— C'est quoi ? Je peux le voir ? T'as fait ça quand ? Tu ne m'en as même pas parlé ?! lance Quitterie à toute vitesse, trahissant son impatience légendaire, qui fait toujours marrer Camille.

— C'est tout frais de ce matin, donc je ne peux pas te montrer pour l'instant, s'amuse cette dernière.

— Quoi ? Tu te fous de moi ? Nan, allez, tu rigoles. Montre !

Camille et Quitterie se connaissent depuis le collège, elles partagent tout, les joies comme les peines. Elles se connaissent par cœur, Camille serait incapable de ne pas lui dire ce que représente ce tatouage.

— Bon d'accord, c'est bien parce que c'est toi. Mais tu ne te moques pas, ajoute-t-elle, très sérieusement, en commençant à soulever le pansement.

— Ça fait mal ?

— Non, ça va, ça dépend surement des zone du corps. Bon ça pique, c'est clair, c'est désagréable, mais... Ça en valait la peine, conclut-elle en dévoilant le dessin.

— Wouah. C'est super beau. Les couleurs, on dirait de la peinture... Je peux toucher ?

— Fais gaffe, c'est pas sec, plaisante-t-elle.

— C'est réussi en tout cas. Petite cachottière. Pourquoi tu ne m'a rien dit ? Je croyais qu'on ferait notre premier tatouage ensemble ? demande Quitterie en feignant de bouder.

Camille se contente de rire à la plaisanterie de son amie en contemplant le dessin sur son poignet.

— C'est une sorte de paysage imaginaire ou... ? s'interroge Quitterie.

— Ça représente tout ce que j'aime de l'Islande.

— Les trois petits ronds ont une signification particulière ?

— C'est le logo d'Hubris, lâche-t-elle sans hésiter mais en scrutant la réaction de son amie.

— Hubris ? Le DJ ? Ha ouais. Je savais que tu aimais bien, mais pas à ce point.

Quitterie n'ajoute rien de plus. C'est ce que Camille aime chez elle, elle ne la jugera jamais. Ce ne sera probablement pas le cas d'autres personnes à qui elle pourrait le montrer. Donc pour les autres, c'est décidé, ce sera un symbole mystique.

— L'avantage c'est que, vu qu'il est de toutes les couleurs, tu peux le porter avec tout !

Les deux amies rient de plus belle en entrant dans le premier magasin de leur après-midi de shopping. Camille ne peut que constater, qu'effectivement, son tatouage va avec tout. Elle n'en a pas parlé à sa supérieure non plus, et étant donné que les tatouages visibles sont interdits, elle va devoir trouver un moyen de le cacher.

Sa tenue est à manches longues pour le moment, mais avec les beaux jours qui approchent, elle aura forcément les poignets découverts.

— Qu'est-ce que tu penses de ce bracelet ? demande-t-elle à sa complice en appliquant autour de son poignet une large manchette à imprimé militaire.

— T'es pas sérieuse ? C'est pas du tout ton genre !

Quitterie tombe toujours dans le panneau, ce qui amuse toujours autant Camille.

— C'est pour cacher ton pansement ?

— Dans un premier temps, oui. Mais après il faudra que je cache aussi le tatouage. C'est pas très bien vu à la conciergerie d'un palace... Alors, Reine-du-shopping, que puis-je faire ?

Il n'en faut pas plus pour lancer Quitterie à la recherche de l'idée parfaite pour être chic et stylée. Camille est fascinée par sa détermination, elle se félicite chaque jour d'avoir réussi à garder une amie pareille après tout ce qu'elle a vécu.

— Je sais ! s'exclame Quitterie en attrapant Camille par le bras pour l'emmener en dehors du magasin.

— Tu m'emmènes où ?

— Tu vas voir. Je connais un magasin de tissus, ils ont des trucs formidables, j'ai une idée, lance Quitterie en embarquant sa copine dans les rues de Paris.

Quitterie a beaucoup d'enthousiasme de manière générale, et aussi une imagination débordante. Camille se méfie de ses plans, parfois foireux, mais elle est quand même prête à tester n'importe quoi pour elle.

À peine entrées dans le magasin en question, Quitterie saute sur une vendeuse pour lui demander une chute de tissus carré de 10 cm, elle fait un pliage savant pour en faire une bande assez large et le noue avec un beau nœud autour du poignet de Camille.

— Tada !

— Euh, t'es sûre pour le motif ? Des petits canards jaunes sur fond rouge, on a vu plus classe.

— Mais non, mais c'est l'idée, regarde ça couvre ton poignet, et ça peut être très élégant avec un autre tissus et une veste comme tu portes au travail.

— C'est vrai que dans certaines écoles hôtelières, les filles ont des foulards autour du cou, réfléchit Camille en parcourant les étales de tissus à la recherche d'une matière plus sobre et élégante.

Elle repère un tissus fin et souple d'un bleu à la limite entre le turquoise et le vert et légèrement brillant qui reprend parfaitement les couleurs de l'établissement où elle travaille.

— Bingo, fait-elle à son amie.

Quitterie approuve ce choix et Camille demande deux mètres de ce tissu.

— Pourquoi tu en prends autant ?

— Parce que j'ai eu une autre idée, si c'est classe sur moi, je vais le proposer pour toutes les autres employées, explique Camille en tendant le poignet à son amie pour qu'elle mette son génie en pratique sur ce petit bout de tissus. Par contre tu seras obligée de nous faire une formation pour qu'on sache toutes faire le nœud comme toi, rigole-t-elle.

GluggavedurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant