Chapitre 3

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Depuis le fameux photoshoot, je n'avais pas remis les pieds à l'agence. Ni revu les gars et encore moins Ha-Joon. Je n'étais pas prêt à leur faire face. Faire face à tout ça. J'avais passé des heures à réfléchir aux mots de notre leader et j'en étais arrivé à la conclusion qu'il avait malheureusement raison...

Tous les quatre étaient parfaits dans ce rôle d'idol. Souriants. Adorables. Talentueux. Joyeux. Drôles. Joueurs. Vrais. Disponibles. Ils étaient la définition même de l'idol en fait. Moi... J'étais juste un gars qui savait rapper. Je ne savais pas chanter et à peine bouger mon corps pour les chorégraphies. J'étais toujours celui à qui ont donné le moins de lignes dans une chanson. Celui qui avait besoin d'une éternité pour retenir et encore plus maîtriser un pas de danse. J'étais le point noir de ce groupe.

Ma colère est passée comme toujours mais elle a laissé sa place à la douleur. Ce n'est pas plus agréable. Cela fait donc plusieurs jours que je m'interdis de pleurer ou de me plaindre auprès de qui que ce soit. Je suis le seul responsable de cette médiocrité. De ma médiocrité. Même si je n'ai pas voulu tout ça, j'aurais dû faire de plus grands efforts. Dépasser encore plus mes limites.

Tout ça m'était tombé un peu par hasard. Mon rêve, au départ de toute cette histoire, n'était pas de me trémousser devant des milliers de gamines. Je voulais être compositeur, rester dans l'ombre me convenait beaucoup plus. J'avais juste envoyé une composition à l'agence dans l'espoir qu'ils l'utilisent pour un de leurs groupes. Je n'avais pas prévu que mon rap leur plaise et qu'ils veuillent me prendre comme stagiaire*.

J'avais accepté à cause de ma famille. Comme des millions de personnes, nous ne roulions pas sur l'or. Nous avions même cruellement besoin d'argent. Quand j'en avais parlé à ma mère, elle avait pleuré. Pleuré de joie. Elle voyait là le seul moyen de nous en sortir. J'avais dit oui et seulement un mois plus tard, j'intégrais le groupe de Ha-Joon.

J'ai mes torts mais je pense que l'agence a fait une erreur de jugement avec moi. Une énorme. Peut-être pas la pire au monde mais elle doit bien être dans le TOP 10. Ils se sont clairement trompés sur mes capacités et aujourd'hui, ils doivent s'en mordre les doigts. Mais plus grave, ils me détruisent au passage...

Mes mains frottent énergiquement mon visage pour tenter d'éloigner toutes ces pensées. Je renifle avant de me laisser aller dans le canapé.

— Nous pourrions profiter du fait que nous soyons seuls pour parler de vous.

La voix douce de la psy que Ha-Joon et moi sommes obligés de rencontrer régulièrement, me donnerait presque envie de me confier à elle. Garder tout ça pour moi me donne l'impression de pourrir de l'intérieur. C'est peut-être le cas finalement. Mais je ne peux les partager avec personne. Je n'ai personne. Alors peut-être que cette femme...

— Vous êtes au courant de ce qui s'est passé ?

Ma question retentit plus comme une affirmation. Elle travaille pour mon agence alors forcément Sung-Won a dû lui raconter que j'ai encore une fois craquer face à Ha-Joon.

Je relève le visage pour la regarder. Elle est jolie, avec son carré lisse et ses lunettes au bout de son nez. Son sourire est mignon et met en confiance. J'ignore comment doit agir un psy, à quoi doit ressembler une séance, quelles questions il est censé poser mais je crois que cette femme agit comme j'en ai besoin. J'en prends conscience alors que nous attendons Ha-Joon pour notre séance.

— Plus ou moins, répond-elle vaguement. Mais ce qui m'intéresse, à cet instant, c'est vous. Comment vous sentez-vous après ce qui s'est passé ?

Je déglutis tout en passant mon index à plusieurs reprises sous mon nez, mal à l'aise.

— Je...

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