Chapitre 9 - Amsterdam

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John n'avait pas beaucoup dormi. Restant toujours sur ses gardes, il avait trouvé difficile de se laisser aller au sommeil. Il avait donc passé le plus clair de la nuit les yeux perdus dans le vide, à caresser quelques fois du bout des doigts l'épaule ou les cheveux de Sherlock qui avait toujours la tête posée sur son torse et semblait dormir paisiblement.

Avec les premiers rayons du soleil, les élèves et leurs professeurs défirent le campement et prirent le chemin du retour. Contrairement à l'aller, Sherlock gesticulait un peu moins. Il avait toujours son livre à portée de main et se tenait plus à l'avant du groupe. Au lieu de souligner pour lui même toutes les erreurs que leur guide faisait en expliquant ce qui les entourait, il lui faisait désormais des remarques à voix haute.
John était un peu plus en retrait ; fatigué, il traînait des pieds. Il se repassait en boucle dans son esprit le moment où Sherlock s'était couché sur lui. La plupart du temps, c'était un garçon froid, dont le visage restait de marbre et ne trahissait que peu d'émotions ; jamais il ne l'aurait pensé capable d'un tel comportement.

Une fois de retour dans l'autobus, épuisé comme il ne se souvenait pas avoir déjà été, après une nuit blanche encadrée de deux longues marches, John s'endormit. Sherlock regardait le paysage défiler par la fenêtre. Il n'était pas spécialement fatigué et préférait laisser son esprit vagabonder sur différents sujets dont sa dernière soirée avec John faisait partie. Il se remémorait la sensation de son torse sous sa joue et de ses doigts dans ses cheveux, le bruit de sa respiration saccadée et de ses battements de cœur plus rapides que de raison.

Son cœur à lui s'était facilement calmé après avoir été emballé par la peur. Cependant, le lendemain, en se réveillant et découvrant que John n'avait pas bougé, ne l'avait pas déplacé, mais au contraire avait laissé sa main reposer nonchalamment sur son épaule, il avait senti sa poitrine vibrer avec plus d'ardeur qu'à son habitude.

Sherlock fut tiré de ses pensées par la tête de John qui roula sur le dossier de son siège et s'écrasa sur le haut de son bras. Il jeta un coup d'œil discret et direction de son ami pour le découvrir dans un sommeil si profond que sa bouche était entrouverte.
Souhaitant repartir vers des pensées aussi plaisantes qu'inhabituelles, il décida de détourner le regard lorsqu'il aperçu que les quelques poils sur les bras de John étaient hérissés.
Délicatement, et de son seul bras inoccupé, Sherlock attrapa son long manteau posé sur ses genoux. Il  voulait éviter le moindre geste brusque afin de ne pas réveiller son acolyte. Toujours avec la même précaution, il déposa l'habit sur l'adolescent endormi, essayant de couvrir le plus possible chaque centimètres de son corps.

Une fois John bien à l'abris, il décida de ne pas repartir dans ses pensées, mais de rester bien présent à ses côtés. Le jeune homme avait besoin de repos, il pouvait le lui offrir cela. Il l'avait protégé hier et l'avait laissé se servir de lui comme un pilier. Lui aussi pouvait être un pilier. Il laisserait John reprendre des forces, et il veillerait sur lui. Il n'avait pas à s'inquiéter, il pouvait dormir en paix ; personne ne l'approcherait, personne ne l'embêterait, personne ne le regardait même simplement de travers. Sherlock était là, il surveillait, et pour rien au monde il n'aurait échangé sa place.

Le bus s'arrêta finalement dans la capitale des Pays-Bas. Sherlock secoua doucement John qui, dès la seconde où il ouvrit les yeux, fut ébloui par le soleil du début d'après-midi se reflétant sur les bâtiments colorés. Légèrement gêné quant au fait d'avoir dormi à moitié couché sur Sherlock et touché du fait que celui-ci avait enroulé son manteau autour de lui, il se redressa rapidement et sorti en trombe du bus.

À l'extérieur les étudiants suivirent leurs professeurs jusqu'à une sorte de grande place connue sous le nom de Museumplein. Ils arrivèrent enfin dans l'enceinte d'un bâtiment à moitié vitré sur lequel était écrit Van Gogh Museum et où les attendait un guide prêt à leur faire découvrir les œuvres du grand peintre mondialement connu.

Ils prirent plusieurs couloirs, escaliers, tournants, passant d'un tableau à un autre, que Sherlock regardait un par un les yeux plissés comme pour encrer le maximum d'informations dans sa mémoire.

- Comme vous pouvez le constater, les peintures de Van Gogh sont réputées pour leur couleur jaune. Ceci est dû à une pathologie qu'avait le peintre. Est-ce que quelqu'un sait son nom ?

Le silence régnait parmis les élèves ; ils se regardaient les uns les autres se demandant si tous étaient dans le même bâteau d'ignorance.

Le guide se racla la gorge, sachant pertinemment que personne n'avait jamais la réponse à cette question, et voulu alors de montrer l'entièreté de son savoir avant d'être soudainement coupé par deux voix en chœur à l'arrière du groupe.

- La xanthopsie.

Tout le monde se retourna et fit face à Sherlock et John. Le premier était plus que fier de pouvoir donner une énième preuve de sa intelligence supérieure, tandis que le second se sentait plutôt mal à l'aise d'être ainsi livré à tant de regards.

- Exactement. Oui, c'est ça, tout à fait. Bien joué. Donc la xanthopsie de Van Gogh a probablement été causée par sa consommation excessive d'absinthe et sa prise d'un médicament pour la digestion dont j'ai oublié le nom. Ajouta-t-il en faisant un signe de tête aux deux adolescents qui s'y connaissaient potentiellement mieux que lui et pourraient donc l'aider.

- La santonine. Répondirent d'une seule voix les deux amis avant de se regarder l'un l'autre avec étonnement.

- Exact ! Merci. Vous devriez postuler dans ce musée. Donc, pour continuer sur notre ami émérite, veuillez me suivre par ici.

Le guide dirigea la troupe dans une autre pièce. En retrait les harceleurs de John s'approchèrent de ce dernier et de Sherlock.

- On se la pète, les génies ? Lança celui qui paraissait être leur leader.

- Je suis vraiment désolé que la supériorité de notre intelligence te créée des complexes. Commença Sherlock avant d'entreprendre de s'éloigner. Quoi qu'en fait, non, je n'en ai rien à faire. Ajouta-t-il en se retournant de sorte à lui faire face.

- Tu me provoques ?

- Non, j'expose un fait.

- Je vais te casser la gueule, tu le sais ça ? Dit-il en s'avançant lentement les poings serrés.

- Je sais que tu ne le feras pas.

- Mon père est politicien, et bien plus haut placé que ton abruti de frère. Il va te faire redescendre, tu feras moins ton malin.

Sherlock esquissa un petit sourire en coin et haussa un sourcil ; vraiment, être idiot, devrait être un travail à temps plein pour l'adolescent.

- Ton père passe son temps dans le quartier de RedBridge connu pour sa prostitution pas très respectueuse. Il m'inspire bien plus du dédain que de la peur.

Les acolytes de l'agresseur en herbe pouffèrent et lancèrent des remarques infantiles à leur leader qui s'approcha violemment de Sherlock.

En un mouvement rapide, John se mit en travers de son chemin, protectant son ami avec son corps. Son harceleur se retrouvait seul, ses camarades plus occupés à le charrier qu'à attaquer le jeune Holmes. John savait que Sherlock et lui étaient en surnombre pour encore un petit moment, et de toute façon, il serait prêt à prendre une centaine de coups pour protéger son complice.

- Et avant que tu poses la question, oui, cette fois-ci, c'est de la provocation. Ajouta Sherlock attrapant John par le coude afin de l'entraîner vers la suite de la visite, en laissant leur opposant bouche bée.

- Comment as-tu pu déduire un truc pareil ? Lui murmura John qui n'en croyait pas ses oreilles.

- Je ne l'ai pas déduis. Le petit ami de mon frère est policier, c'est lui qui me l'a dit. Répondit Sherlock sur le même ton avec un clin d'œil.

Le Voyage - Johnlock AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant