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Une petite voix me réveille

- maman ! Il est quelle heure ?

Je cherche mon téléphone du bout des doigts puis je l'allume

- 7h10 chaton, tu peux descendre j'arrive...

De mon autre main, je sonde la place d'à côté, personne. J'en conclus qu'Alban est déjà parti travailler.
Je me frotte le visage, j'essaie de reprendre mes esprits, une drôle de sensation m'envahit, comme un sentiment d'irréel.
Je me lève, descends les escaliers, j'embrasse ma fille, je lui beurre ses tartines et donne les croquettes à notre chat.
J'ai toujours cette sensation étrange.
La faim et l'énergie me font défaut. J'ai l'impression de vivre au ralenti dans un monde, qui lui, tourne rond.
Je rassemble mes dernières forces. Je m'habille. Je prépare et coiffe Adèle puis chaussures, manteaux, cartable et l'on monte en voiture direction l'école.

8h50.
Assise devant mon volant, je respire calmement pour faire céder cette angoisse qui se niche au coeur de ma poitrine mais en vain. L'annonce d'hier me tord le ventre et me torture l'esprit.
Apres un long soupir, je me dis que j'ai besoin d'elle.
J'ai besoin d'elle depuis hier.
J'ai besoin qu'elle me réconforte.

Je lui envoie un message :
Cc ma belle, je peux passer?
La réponse ne se fait pas attendre :
Avec plaisir, beauté

Je me gare à l'entrée de sa rue. Le temps de sortir de la voiture l'angoisse se décuple. Quelques centaines de mètres me séparent de sa maison. Mes pas résonnent dans ma tête. Arrivée au portail, je sonne. Mes mains tremblent, je suis au bord de l'évanouissement. Elle ouvre, et son visage se décompose

-merde Alice ! qu'est ce qui t'arrive ? qu'est ce qui se passe ? tu es livide....
- ça va ! t'inquiètes pas ! On peut rentrer
- mais oui, bien-sûr

Elle me prend la main et m'amène au salon, où elle m'aide à m'assoir sur le canapé.

- je vais te faire un thé et tu me racontes...

En prononçant ces mots, elle pose sa main sur mon épaule. Au contact de sa peau, ma carapace commence à se fissurer.
Lorsqu'elle revient avec les tasses fumantes, je tremble tellement, qu'elle pose son pull sur mes épaules. Les effluves de son parfum m'enivrent et je sens que je perds pied, mon corps est en train de se liquéfier.

- Alice... tu veux bien me dire ce qui te met dans un tel état ?
- Hier... j'étais à l'hôpital ..... Les résultats sont mauvais... Et ... je vais très certainement mourir.

Ma voix se brise sur les trois derniers mots, les vannes s'ouvrent et un torrent de larmes inonde mon visage.

- Pleure ma belle...vas-y...je suis là.

Elle m'attire contre elle délicatement, me caresse les cheveux. Sous la chaleur de son corps, mes larmes redoublent d'intensité.

- Je suis désolée coucou...tellement désolée... Je n'ose même pas imaginer ce que tu ressens en ce moment... Je ne trouve pas les mots, pour apaiser ta peine et même temps... est-ce que des mots peuvent adoucir cette nouvelle ?

Puis elle se tait mais ne relâche pas son étreinte. Sa tête se pose sur la mienne et nos larmes s'entremêlent.

Après un long moment à pleurer, mes larmes se tarissent. Je suis complètement déboussolée mais je suis dans ses bras, le seul endroit au monde où je me sente bien. Si je pouvais, je resterais collée à elle pour la fin de mes jours.

- Allez viens coucou ! on va fumer une cigarette, ça nous fera du bien à toutes les deux.

Elle m'aide à me lever. Je suis tellement vide que j'ai du mal à tenir debout. On s'assoit sur la terrasse. Son épaule touche la mienne. Je tremble toujours autant alors elle m'allume ma clope. J'inspire une bouffée, des volutes de fumée se dessinent dans les airs et mon regard se noie dans le camélia.

- Est-ce que tu veux me dire ce que tu ressens ?

Elle me sort de mes pensées et je me rends compte que c'est la seule personne à m'avoir demandé comment je me sentais.

- Je ... je ne sais pas comment je me sens...

Un moment de silence, puis je lui avoue.

- En fait, je suis morte de trouille. Je n'ai pas peur de la maladie ou de mourir, mais je suis terrorisée de devoir affronter ce moment toute seule et encore plus à l'idée de mourir toute seule.

-Oh Alice ....

Ses yeux verts se remplissent de larmes

- Je suis là, je ne te laisserai pas, je resterai auprès de toi.
- Merci ...

Et voilà, ma vision se trouble et je pleure de nouveau. Si elle pouvait savoir combien ses mots me réchauffent le cœur. Si elle pouvait savoir toute l'importance qu'elle a pour moi.

Je la sens hésiter, elle veut dire un mot mais se ravise. Puis elle plonge ses yeux verts dans les miens et me dit :

- Alice, tu crois pas que ce serait le moment idéal pour profiter de ta vie ? Le moment idéal pour que tu sois enfin heureuse ?

Comme j'ai envie à cet instant de la croire. De croire que je peux enfin profiter de ma vie. De croire qu'un jour j'oserai lui dire que je l'aime comme jamais je n'ai aimé.

*********

"Le moment idéal pour que tu sois heureuse"

Cette phrase tourne en boucle dans ma tête. Une sorte de mantra. Une injonction à profiter de ma vie et de faire de chaque instant, un moment de bonheur.

Je sais au fond de moi qu'elle a raison. Elle est comme ça. Elle est de ces personnes qui veulent vous voir heureux et vous rendent meilleur.
Il me suffit de la voir pour que ma vie devienne plus lumineuse. Elle fait de chaque instant, un moment de bonheur. Grâce à elle je pourrais déplacer des montagnes. Elle m'aide à croire que je peux surmonter mes démons, que toutes les épreuves de ma vie m'ont rendues fortes et que je mérite d'être aimée.

Elle c’est Marie.
Je ne me souviens plus de notre première rencontre mais le jour où je suis tombée amoureuse de cette femme merveilleuse, lui, est gravé dans ma mémoire.
C'était un soir, au restaurant, on était sorties avec nos amies pour une virée toulousaine. Et là, au milieu de la conversation, juste pour illustrer ses paroles, elle a posé sa main dans mon dos. A cet instant précis, la terre s'est arrêtée de tourner, les battements de mon coeur se sont suspendus et des centaines de papillons se sont déchaînés au creux de mon ventre. Je fais partie des personnes pour qui le moindre contact physique est douloureux. Mais avec Marie c'était différent, aucune sensation désagréable, juste de la délicatesse, un moment plein de tendresse. J'ai su que mon cœur venait de chavirer et que je venais de tomber amoureuse.

Ce soir ce n'est pas elle qui partage mon lit, mais bien Alban.
Dans un éclair de lucidité, je me dit qu'elle a raison, que je n'ai plus beaucoup de temps devant moi.
Je n'ai plus rien à perdre.
C'est le moment idéal pour être heureuse. C'est le moment idéal pour peut-être être heureuse ensemble.....

J'aurai Voulu T'aimer Plus LongtempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant