9

302 22 7
                                    

" Allo, bonjour, service de néphrologie à l'hôpital Rangueil. Je vous appelle pour la programmation des prochaines biopsies. »

Et merde ! J'avais quasiment oublié la maladie.

- J’ai vu avec le docteur Galinier et je vous ai programmé en urgence une biopsie de l'estomac ainsi qu'un myélogramme. Les deux examens se dérouleront le vendredi 20 mars.

A l'énoncé de la date, je fonds en larmes. C'est pas possible ! merde ! Fait chier ! Pas le 20 mars ! Pas le jour de l'anniversaire d'Adèle.

- Madame, ça va ? Qu’est-ce qui se passe ? Ça va aller vous savez...Vous serez anesthésiée et les médecins .......

- Je suis désolée, excusez moi, c'est que le 20 mars c'est l'anniversaire de ma fille, elle aura 5 ans et je sais pas si je serai encore là pour ses prochains anniversaires. Alors vous comprenez, je veux pas qu'on m'enlève celui là aussi. Je veux profiter de ce jour avec elle et je ....

- Madame, attendez je comprends tout à fait. Je vais regarder si je peux décaler les interventions. Hum...Oui voilà, je vous programme le lundi 23 à la place. Ça vous convient ?

- Oui merci ! Vraiment merci ! Je vous suis vraiment reconnaissante.

- Avec plaisir Madame, c'est normal, je suis maman aussi.....Donc vous aurez la ........

Elle continue de m'expliquer les différentes procédures à accomplir avant les biopsies, puis raccroche.
Je me laisse glisser le long du mur et je pleure de plus belle. La vie vient de me prouver que je n'échapperai pas à la maladie même avec une belle histoire d'amour.

Alban rentre du travail au même moment. Quand il me trouve en larmes au milieu du couloir, sa seule réaction est de me dire :

- N’importe quoi, qu'est-ce que tu fais à pleurer par terre !

Je le regarde et lui explique le coup de téléphone.

- L'infirmière de Rangueil a appelé, je suis hospitalisée le lundi 23 pour une biopsie de l'estomac et de la moelle osseuse. Je pleure parce que j'ai cru que je ne pourrai pas être avec Adèle pour son anniversaire comme au départ les examens étaient prévus le 20.

Il se dirige dans la cuisine pour se rouler un joint. Et de loin me dit.

- Et alors, où est le drame dans tous ça ? Même si tu n'étais pas là , elle s'en remettrait, il y a des choses plus graves.

Je sens la colère me monter. Comment peut-il être aussi indifférent ?

- Et ils t'ont parlé de la chimio ?

- Oui, elle m'a expliqué qu'ils préféraient repousser un maximum le début de la chimio pour éviter que je n'ai plus de défenses immunitaires au moment du pic de l'épidémie du covid.

Et là il m'assène le coup de grâce.

- Ah bah, voilà ! Tu as fait paniquer tout le monde pour rien ! Si tu n'as pas la chimio c'est que tu n'es pas si malade !

Hébétée.

Je crois que c'est le mot. Je suis restée là , sans pouvoir répondre quoi que ce soit.
Je n'ai pas bien compris ! Il n'a pas dit ça quand même !
Je bous littéralement, j'avais envie de hurler, de le taper mais je reste sans voix. Je me lève, prends une cigarette et je sors prendre l'air.
L'air vif me fouette le visage. Je prends une énorme inspiration comme si j'avais cessé de respirer. Après avoir fumé, je rentre dans la maison et je m'assieds dans mon précieux rocking chair. Je le regarde, sans aucune émotion. Il est comme d'habitude. Allongé sur le canapé, la console entre les mains. La voilà la triste réalité de notre vie de couple.

**********

Je repense à cette après-midi. A son manque de compassion mais aussi à ma résignation.
C'est ça, je suis résignée.
Comment je peux être résignée à ce point à 35 ans !!!!!!!
Une bouffée de rage m'envahit. Alban, la maladie. J'ai besoin de fuir cette réalité.
Ni une ni deux, j'envoie un message à Estelle et Marie.

* Vous faîtes quoi samedi soir ? Je loue un air BNB et on s'éclate la tête ?

Toutes les deux sont ok pour une tournée des bars toulousains.
Je pousse un soupir de soulagement et je me dis que j'ai vraiment besoin d'oublier, de ne plus penser à rien. J'ai besoin de m'anesthésier.

J'aurai Voulu T'aimer Plus LongtempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant