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Je suis devant chez Marie, ma lettre entre les mains. Je sais qu'elle n'est pas là puisqu'aujourd'hui elle bosse.
Je regarde une dernière fois l'épaisse enveloppe et je la glisse dans sa boîte aux lettres.

Les heures se succèdent et avec elles, des tonnes d'interrogations.

Je pense à Émilie, à tout ce que j'ai perdu quand elle est partie. A la douleur que la fin de cette histoire a provoqué en moi. J'essaie d'être indulgente avec moi même, en me disant, que j'étais bien trop brisée pour vivre cet amour. Je ne peux m'empêcher d'avoir peur que ça recommence avec Marie. J'ai conscience que tout ce qui touche à l'intime, est toujours tabou pour moi. J'ai conscience que mes angoisses peuvent  mettre à mal même la plus merveilleuse des femmes. Je pense à mon frère, lui qui a tout détruit. Lui qui m'a fait perdre Émilie. Lui qui pourrait me faire perdre Marie. Je le hais, je le hais de tout mon corps, de tout mon cœur. Je le ... Je n'ai pas le temps de finir ma pensée, je viens de vomir toute ma haine pour lui.

Je reste un moment, assise sur le carrelage froid de mes toilettes. Dans ce tout petit espace, je me sens en sécurité. Je ramène mes genoux sur ma poitrine et je pose ma tête dessus. Elle me semble si lourde, à force de réfléchir. 

Je pense à Marie et au trou qui se forme à la place de mon coeur quand elle n'est pas là. Je me demande si j'ai déjà ressenti ça pour Alban. Je n'arrive pas à me souvenir. Je me rassure en me disant que je l'ai aimé, que je l'ai vraiment aimé mais que l'usure du temps a eu raison de notre couple.
Au fond de moi je pense que je me suis surtout accrochée à lui de toutes mes forces, car c'était la première personne qui voulait bien de moi. Les voix de ma belle soeur et de mes copines résonnent dans ma tête. Je les entends me dire, que c'est un égoïste, qu'il ne me rend pas heureuse, que je ne suis que sa bonne, qu'il ne prend pas soin de moi et surtout leurs paroles s'unissent pour affirmer que j'ai le droit d'être heureuse.
La peine me serre le coeur et fait couler des larmes.

**********

Trois jours.
Trois jours viennent de s'écouler depuis que j'ai déposé la lettre chez Marie. Trois jours où j'ai gardé mon téléphone greffé aux bouts des doigts. Trois jours à me ronger les sangs. Trois jours où je n'ai eu aucune nouvelle, aucun signe de vie.

Ce matin, je ne tiens plus. J'ai imaginé tous les scénarios, du plus beau au plus dramatique. Même si je dois avoir le coeur brisé parce que je l'ai perdue, je dois savoir. Je ne veux plus être dans le flou.

Je regarde mon portable posé sur la table de la cuisine. Une pointe d'angoisse me tord le ventre mais je prends mon courage à deux mains et mes doigts se mettent à pianoter.

*cc ma belle, tu vas bien? As tu trouvé ma lettre ?

Message concis et efficace avec un ton qui se veut détaché....

Pour éviter d'être encore une fois, la fille pathétique qui regarde son téléphone comme le saint Graal. Je décide de prendre mon fil et mon aiguille et de continuer de coudre le déguisement d'Adèle.
J'ai à peine le temps d'épingler la manche, que sa réponse arrive.
Non sans une appréhension, je commence à lire

* Sache que je l'ai entre les mains, je viens seulement de rentrer à la maison.

Elle peut pas juste me dire ça !!!

* Et ..... Tu en penses quoi ????
* Que l'on doit discuter de tout ça. Passe à la maison ce soir, une fois qu'Adèle sera couchée.

J'aurai Voulu T'aimer Plus LongtempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant