3 - Les coulisses du réveillon

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Marine arrive enfin. Il lui faut saluer tout ce petit monde et se mettre dans l'ambiance. Pas facile, ils ont déjà une bonne avance. Elle me dépose une bise.

- Je sors juste de la pharmacie, dit-elle en retirant son manteau.

- T'aurais pu fermer plus tôt un soir de réveillon.

- C'est ce que j'ai fait, mais après il y a l'inventaire.

Elle ne va pas me faire croire, qu'elle quitte tout juste le comptage de ses cartons. Elle arbore un maquillage raffiné et ses cheveux sont remontés en un chignon complexe.

- Tu as l'air tendue, remarque-t-elle.

- C'est Louis, j'ai peur qu'il fasse à nouveau des bêtises.

Je lui raconte l'épisode précédent, qu'elle écoute avec tendresse.

- T'as de la chance. J'aimerais tellement avoir un enfant.

- Et Benjamin ?

Un peu plus loin, il s'amuse à lancer des cacahuètes sur Gaétan. Elle hausse les épaules.

- T'as raison, j'en ai déjà un, ironise-t-elle.

- Salut, tata ! nous interrompt la voix haut-perchée de Sabrina.

- Je ne t'aurais pas reconnue ! avoue Marine.

Ca c'est parce que Sabrina n'a encore pas dit grand chose.

Pendant que les deux cousines renouent le contact, Gaétan me rejoint sur le canapé.

- Arrête de flipper, ton fils ne va pas devenir un toxico à cause de nous. C'est pas parce que je n'ai pas de gamin que je ne sais pas comment me comporter avec eux.

- Ca m'a énervée, c'est tout, j'admets.

Il soupire un moment et poursuit :

- Et tu crois que ça ne m'énerve pas, moi pour Fiona. Sa prof de physique lui a collé un six.

Faire le parallèle avec ce qu'il vit, c'est sa manière d'être compatissant. Il donne peut-être l'impression de tout ramener à lui mais question empathie, il donne déjà là son maximum.

- Kévin est au courant de ça ?

- Pas besoin de Kévin. Qui est-ce qui s'occupe de la môme une semaine sur deux ? J'ai changé pour elle.

Béné reste en retrait, j'ignore pourquoi. J'aimerais avoir une conversation avec elle. Je la rejoins donc dans la chambre où elle est partie se changer. Je la découvre en soutien-gorge pigeonnant. Kévin lui tient le visage. A croire qu'il ne supporte pas de la voir malheureuse, elle non plus. Peut-être pour me faire mal ou pour voir ce que je me suis toujours refusée à admettre, je reste dans l'entrebâillement, attendant la suite.

- C'est quoi le problème avec ta sœur, ma chérie ? Je vois bien que tu es préoccupée.

La télénovella recommence.

- C'est du flan tout ce qu'elle raconte. Elle sort juste de prison pour trafic de stupéfiants. Et là, elle est sur le point de gaffer et de raconter sa vie devant ton ancien associé, sa femme, ma belle-mère...

- Ton ex-belle-mère, mon cœur.

- Oui, oh ben ça c'est pareil !

Non mais, ce n'est pas possible ! Ce qui m'étonne le moins c'est que la lolita ait eu affaire avec la justice. Déjà à quatorze ans, elle volait du maquillage à la superette. Par contre, Béné se confie spontanément à Kévin alors que je n'ai pu tirer aucun aveu de sa part, notre amitié en prend un coup. Et puis, ils se comportent comme s'ils étaient toujours mariés. J'ignore lequel des deux amorce le geste mais ils s'enlacent affectueusement. Elle écrase ses gros seins contre le torse de mon conjoint tandis qu'il lui caresse affectueusement le dos en signe de réconfort. Trois options s'offrent à moi : débarquer dans la chambre et les prendre en flagrant délit, continuer à les observer en silence au risque de souffrir davantage ou alors partir. Gaétan avait raison avec ses doutes. Si je continue je vais finir par boire du Pastis aux aurores dans un PMU moi aussi.

Pour cette mission délicate, j'ai besoin d'un allié. Échauffés par le blind-test et l'apéro qui s'éternise en bas, je ne peux pas vraiment compter sur mon beau-frère défoncé ou sur mon père qui risque de me dire « je t'avais prévenue... ». Pas trop de choix. Le seul concerné ici, c'est Gaétan. Sur le canapé géant, coincé entre Richard qui discute toujours avec Bernadette et Sabrina qui colle Benjamin, il tient la chandelle. Je lui fais signe de me rejoindre.

- C'est quoi le problème cette fois ? demande-t-il mi-nonchalant, mi-excédé.

Il doit penser que je suis toujours en colère à propos du joint.

- Viens voir ce qui se passe là haut.

Il me jette un regard inquiet et monte l'escalier. Je le suis, ignorant si chaque marche nous rapproche d'une tragédie ou d'un simple quiproquo. Il monte très silencieusement, confirmant qu'il prend ma requête au sérieux. On arrive derrière la porte entrebâillée. Je me poste près de lui. Pas besoin de se parler, il devine ce que je veux dire. On se penche de concert pour apercevoir ce qui se passe dans la chambre.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant