L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiate

30 - La vérité

- Tu vas me détester, me prévient Kévin.

- Même si j'en avais envie, je n'y arriverais pas. Dis toujours.

Disons plutôt qu'en fonction de ce qu'il va me dire et de la colère suscitée, après m'être bien défoulée sur lui, je me sentirai beaucoup mieux ! Me connaissant, cela peut aller de la remarque cinglante au pétage de plombs complet.

Incapable de soutenir mon regard pendant cette révélation, il fixe le défilé de véhicules qui s'étire devant nous. Après l'épisode de la salle de bain et de la porte du cabinet, je lui reconnais un certain courage pour oser se lancer. Il ne semble pas avoir peur cet inconscient... Ou alors, il a grandement besoin de soulager sa conscience !

- Notre nuit de noce, tu t'es endormie à la fin du bal. Après avoir pris quelques verres avec Benjamin, on a fumé. Je n'aurais pas du. Ca a altéré mon jugement. Je suis allé me coucher, j'ai pensé que je te rejoignais mais je me suis trompé de chambre. Béné dormait à côté. J'ai consommé notre mariage mais ... avec elle. Je devais être défoncé car sur le moment je ne m'en suis pas rendu compte. Pourtant vous êtes très différentes. Elle a beaucoup plus de...

- C'est bon, merci, j'ai capté, dis-je sèchement.

Je revois avec nostalgie les instants de notre mariage, ces slows italiens, bien sûr. Il avait si bien fait les choses. En fait, le seul moment de ma vie qui s'apparentait à un conte de fée se révèle le point de départ de la pire trahison. Au moment du bal, j'avais l'impression de tutoyer les anges mais ce n'était déjà plus qu'une question d'heures.

- Quand je me suis réveillée vers six heures, j'ai compris mon erreur. Dans le couloir, j'ai croisé Gaétan qui rentrait se coucher, il avait continué à arroser la soirée avec Benjamin et Richard. Il était dans un état pire que le mien et il ne s'est douté de rien.

En me réveillant, moi non plus je ne me suis doutée de rien, pas davantage par la suite.

- Et après ça, on a continué à se faire des bouffes chez eux tous les dimanches midi ! T'es gonflé, toi ! En même temps, ça te donnait l'occasion de la voir, hein ! Et de la sauter ! Je me demande ce qui me dégoute le plus : que tu sabotes ma relation avec Gaétan nous donnant à croire chacun de notre côté qu'on est des loseurs indignes d'être aimés ou que tu me trompes pendant notre nuit de noces ?

- Je n'arrive pas à choisir entre vous deux, avoue-t-il penaud.

- Pas la peine ! J'ai déjà choisi pour toi.

De sa main gauche, il me caresse la joue. C'est alors que je la remarque. Je vois mon ex-mari tous les jours au boulot. Comment ai-je pu passer à côté ? L'habitude j'imagine, comme toutes ces choses qu'on ne remarque plus par trop les voir...

- C'est quoi ça ? dis-je en brandissant sa main.

Il a gardé notre alliance !

- T'as deux femmes en fait ! T'es avocat en droit de la famille mais t'es polygame !

Il emprunte l'expression attendrissante d'un enfant pris en faute. J'ouvre les yeux sur une facette peu reluisante de sa personnalité : son habileté à manipuler son entourage. Comment peut-il être aussi intègre dans son travail et aussi malhonnête en privé ? J'entrevois une explication : il est incapable de contrôler son désir.

- Comment je peux me faire pardonner ?

Proposition tentante, j'en profiterais bien pour lui réclamer une grosse prestation compensatoire, le genre de somme qui me permettrait de louer une belle maison. Je n'ai jamais vécu en maison, ça doit être cool ! Je dois être stupide pour passer à côté de l'occasion car je me contente de lui suggérer :

- Continuer à m'appeler Lucciano.

Il me sonde de son regard que la luminosité extérieure rend presque translucide, bientôt embué de larmes. Ma suggestion semble le toucher intensément. Les dernière fois que je l'ai senti atteindre un tel paroxysme de bonheur, c'était lors de la naissance de notre fils puis à l'ouverture de bal de notre mariage. C'est un peu comme si après des années à tenter de satisfaire la promesse faite à son père, il touchait enfin au but. Finalement, je vais peut-être aussi lui toucher deux mots au sujet de la villa, puisqu'il fait dans l'immobilier...