29 - Embouteillage

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Depuis la naissance d'Inès, je n'ai pas eu de contact avec Kévin. Il revient aujourd'hui de son congé paternité.

- Je dois voir un appartement, ça te dirait de m'accompagner ? me propose-t-il.

- Tu fais dans l'immobilier, maintenant ?

- J'ai toujours fait un peu d'immobilier, ça fait partie de mes compétences. Il ajoute avec un sourire entendu : je lève un peu le pied sur les divorces en ce moment.

Sans relever sa remarque, je poursuis :

- Tu me briefes ?

- Oui. Il s'agit d'un contrat de vente. L'acheteur a trouvé des vices cachés après l'acquisition du logement.

Nous sommes coincés dans les bouchons. La chaleur imprègne l'habitacle. Il desserre son nœud de cravate et défait les premiers boutons de sa chemise, insuffisant. Il ferme les vitres et met la clim en marche. Son téléphone retentit. Il porte à la main droite l'alliance de son premier mariage avec Béné. Balayée notre parenthèse de huit ans !

- Je trouvais que les mauves étaient pas mal, je te laisse choisir. T'as très bon gout. Je t'embrasse.

Il raccroche et m'explique poliment que Béné et lui s'occupent des faire-part de naissance.

- Tu penses venir voir Inès, bientôt ?

Je savais qu'il me le demanderait. Si on omet le fait que je suis son ex femme, on est le noyau d'une bande d'amis depuis vingt ans. Marine et Benjamin se sont directement rendus à la mater, même Gaétan est passé chez eux la semaine dernière après son boulot. Pourtant, ça devait lui couter de reprendre son statut d'invité dans la maison où il a vécu. Quant à moi, je rechigne à effectuer cette visite de courtoisie. J'ai vu Inès sortir de sa mère dans les sanitaires de la salle de danse, j'ai considéré sur le moment que ma contribution s'arrêtait là. Visiblement, Kévin ne l'entend pas ainsi.

- J'aimerais que Louis découvre sa petite-sœur en ta présence. J'ai résisté à l'envie de lui montrer des photos.

Pendant les deux semaines du congé paternité, on s'est organisé pour que Louis reste avec moi.

- Tu veux la voir ? me dit-il enthousiaste en me tendant son portable.

- Je l'ai déjà vue, dis-je en repoussant l'écran.

Il me regarde franchement déçu. Il s'imaginait quoi avec sa tronche de ravi de la classe ? Que j'allais m'extasier devant le résultat de sa trahison avec Béné ?!

- Passe-moi plutôt le contrat de vente.

- Il est dans la pochette verte, dit-il d'un ton neutre.

Pendant que je parcours le dossier, il se lance :

- Je ne veux pas que notre séparation remette en cause les sentiments que j'ai eus pour toi.

J'élude volontairement sa remarque.

- Le mur de la salle de bain est moisi ! Quatre cents mille euros ! Il a raqué sec pour un logement insalubre. Je comprends qu'il l'ait mauvaise !

Indifférent à ma tentative de diversion, il poursuit.

- Je t'aime depuis l'adolescence, Sofia. Trop sans doute, mal certainement. J'ai fait des erreurs avec toi...

Ses paroles finissent par me sortir du rapport d'expertise de l'état des lieux.

- J'avais promis à mon père de veiller sur toi. Il hésite un peu puis poursuit sa confession : à l'époque, j'ai pensé que Gaétan n'était pas le petit ami qu'il te fallait, c'était un bad boy. J'avais peur qu'il te fasse souffrir. Un jour, je suis allée chez lui, je lui ai dit qu'il ne méritait pas une fille comme toi, que tu étais trop bien et trop naïve pour lui. Un avenir prometteur s'offrait à toi. Qu'est-ce que ce type t'aurait apporté ? Le plus grand service qu'il pouvait te rendre s'il tenait à toi, c'était de te quitter.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant