16 - Vingt ans après

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On dirait qu'il fait exprès de se faire attendre. Il garde ses vêtements (pour une fois). Il veut que je le supplie ou quoi ? Non, je ne lui donnerai pas cette satisfaction.

J'attends bêtement. Il reste debout devant moi, hésitant. Où est passé sa confiance en lui qui frisait l'inconscience ? Il finit par s'assoir près de moi mais reste habillé. Il évite manifestement de me regarder.

- Qu'est-ce qui se passe ? Je te ne plais pas ? T'as rencontré mieux l'autre soir ?

Il tourne la tête carrément côté fenêtre. Ca devient vexant. Je me redresse et le saisis par le menton pour l'obliger à me faire face. Ce que je découvre me surprend : ses yeux sont embués de larmes. Il se ressaisit et pose une main affectueuse sur mon genou.

- Que tu sois prête à me donner une seconde chance après tout le mal que je t'ai fait, ça me touche.

Ah oui, quand même ! Décidément, il n'arrête pas de me surprendre. Bizarrement, je n'aime pas le voir flancher et je pense que demain, il regrettera aussi, alors je tente une diversion.

- Arrête de chouiner et baise-moi ! dis-je en retirant ma culotte.

Il soupire, l'air désabusé.

- T'es pas romantique, tu va me couper l'envie, a-t-il le culot de répondre.

Déjà, je le chevauche et l'embrasse pour le faire taire. Je ne me suis pas fait épiler pour rien.

Il défait son pantalon et se contorsionne pour retirer son pull, le tee-shirt vient avec. Cette fois, il se retrouve nu à vitesse grand V, à croire qu'il a peur que je ne change d'avis. Une main glissée dans le chevet de Fiona lui permet de récupérer un préservatif.

Heu... Il a l'habitude de ramener des filles ici ? Il doit-être télépathe ou est-ce mon expression interloquée qui parle à ma place ? Il se justifie d'emblée :

- Je me demandais au bout de combien de temps tu me supplierais de te faire l'amour...

- Et la fille du site de rencontres ?

- Y'a pas eu de fille l'autre soir, s'amuse-t-il. Je suis resté dans un bar jusqu'à la fermeture pour t'énerver un peu.

Je m'apprête à protester et lui jeter ... tiens ! Le poney à coiffer qui trône sur la commode, quand je sens son sexe me pénétrer. Fidel à mon souvenir, il occupe pleinement l'espace. Je reste figée le poney en main savourant le va-et-vient qu'il m'impose. La crinière arc-en-ciel de Rainbow Dash ondule en rythme.

- Qu'est-ce que tu fais avec ça ? Tu veux me le balancer ? devine-t-il.

- Non, grimacé-je.

Sorti de son contexte mon projectile semble bien ridicule. Gaétan m'attrape par la taille et me fait chavirer pour se retrouver sur moi. Il soulève mon tee-shirt.

- T'as toujours les seins qui pointent le matin ...

Il dévoile ma poitrine. L'exploration se poursuit plus au sud. Il prend le temps d'admirer le travail de l'esthéticienne, puis glisse la langue sur mon intimité. Je ne m'attendais pas à ce qu'il aille aussi loin pour notre première fois. Ce n'est bien sûr pas notre première fois mais à l'époque, on ne s'autorisait pas autant d'exotisme. Une sorte de boomerang épileptique fait des allers-retours entre mon bas-ventre et mes seins, je vais être trempée. Sa langue parcourt, explore, insiste. Une ascension à la fois douce et violente se profile.

Au lieu de me laisser atteindre l'orgasme, il me pénètre à nouveau. Sur les murs, les licornes dansent la samba. Je me demande s'il se souvient de ce que j'aimais avec lui.

Nul besoin de parler, il me tourne le bassin et me prend par derrière jusqu'à ce que j'atteigne la jouissance.

- Ah ! hurlé-je tout autant de plaisir que de ... surprise.

Kévin - encore lui ! - vient de faire irruption dans la pièce. Il est équipé d'un détecteur du coït ou quoi ? Mon ex-mari nous regarde sans bouger, livide. Je crois qu'un malaise se profile...

Qu'est-ce qui lui prend aussi d'intervenir toujours inopinément ? Il m'a déjà surprise tant de fois au mauvais moment que j'en perds le compte...

- Je venais débarrasser quelques cartons...J'ai vu hier soir que ça t'encombrait... Mais ce n'est pas grave, je repasserai...beaucoup plus tard, se justifie-t-il pitoyablement.

Il a du tomber nez à nez avec les fesses de Gaétan. Quelle surprise !

- Bordel ! Casse-toi, Mozza !

Gaétan lui referme la porte au nez d'un coup de pied rageur.

Après une bonne demi-heure de fou rire solitaire et de ronchonnement pour Gaétan suite au départ de Kévin, je lui fais comprendre mon envie de recommencer.

- Ca ne te gêne pas, toi, qu'il nous surprenne comme ça ?

- C'est lui qui m'a quittée, pas l'inverse. On s'en fout !

Je l'imagine après sa découverte remontant dans sa voiture encore tout tremblant du choc émotionnel. Je crois qu'il n'est pas prêt de rendre à nouveau visite à des connaissances sans sonner. Il est au courant pour Gaétan et moi, une chose de faite. Ca m'évitera d'avoir à le lui annoncer.

Il est huit heures trente, j'embauche à neuf heures. Voyons... On a large le temps de recommencer.

Faire l'amour avec Gaétan me réconcilie progressivement avec mon passé. J'en arrive presque à considérer que ce temps sans lui était du gâchis, ces années à s'envoyer des vacheries, à le critiquer et à le détester. Ce premier rapport a été à la hauteur des vingt ans de privations, le deuxième et le troisième sont encore mieux. Une matinée, c'est court, j'aurais du poser un RTT...

Je suis sensée prendre mon poste dans une minute. Je suis à poil, les cheveux en mode jungle et j'embaume le sexe. Curieusement, j'ai rarement été aussi détendue. Je serais presque capable de faire un grand sourire à Kévin au boulot, quand j'arriverai. Inutile de chercher un prétexte pour lui justifier mon retard, il sait déjà !

Finalement mon ex-conjoint m'a rendu service. Notre rupture m'a délivrée de ma culpabilité latente d'avoir séduit l'homme de Bénédicte et aussi de notre relation incestueuse. Mieux, elle nous permet à Gaétan et moi de réparer le passé.

Quand j'arrive enfin au travail, un très joli bouquet trône sur mon bureau. Je tire la carte, impatiente d'en connaitre le destinateur et surtout le message.

« Désolée de m'être aussi mal conduit avec toi mais il fallait qu'on arrête cette relation ».

Pour la première fois depuis des mois, je donne raison à Kévin.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant