22 - Le verdict

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Vendredi en fin d'après-midi, Maître Nicolas Guibert revient du tribunal avec une mine de déterré. Je le suis jusqu'à son bureau.

- Sofia... C'est pas le moment, marmonne-t-il.

- Ne me dites pas que... ?

- Si. Mon adversaire est très fort à ce jeu-là.

Je n'en crois pas mes oreilles pourtant, il joint le geste à la parole et sortant du bas de son placard des cartons vides, il commence à y vider la première étagère de livres de sa bibliothèque.

- Qu'est-ce que vous faites ?

- Une fois de plus Avicenne s'en sort. C'est à se demander où ils ont été chercher leurs témoins. Cette secrétaire qui dépeint un patron magnanime et altruiste. J'aurais éclaté de rire si l'avenir professionnel de mon client n'était pas en jeu.

- D'accord votre client ne touchera pas ses indemnités mais pourquoi j'ai la mauvaise impression que vous vous apprêtez à quitter le cabinet ? Vous n'allez pas agir sur un coup de tête. Ce connard de Maxime est imbuvable mais ce n'est pas une raison pour quitter la société, vous étiez là avant lui ! je le supplie presque.

Nicolas saisit un troisième carton mais cette fois, au lieu de le remplir, il en sort ... un magnum de Champagne ! J'avise la bouteille. C'est le meilleur contenant pour ce vin mais il ne me tente pas.

- Pour fêter votre départ ? Désolée mais je n'en n'ai aucune envie, dis-je amère.

- Je vous fais marcher ! Le cadre va toucher ses indemnités pour licenciement abusif et une procédure est ouverte contre Maxime !

Son corps reste statique mais ses minuscules yeux bleus pétillent derrière ses lunettes. Je lui saute au cou. Ce n'est bien sûr pas dans nos habitudes, surtout des siennes mais sa nouvelle me rend trop heureuse pour contenir ma joie.

- Vous devriez garder un peu de distances avec vos employeurs sinon, je fais finir comme ce pauvre Kévin à gémir dès dix heures le matin...

Non ! Il n'a pas dit cela !? ... Merci pour la référence aux premiers mois de vie de couple avec mon ex mari. J'emprunte un air furieux.

- Ne faites pas la tête. Bon, je conçois, c'est un peu trivial. Il observe toujours ma réaction. D'accord : de très mauvais gout. Je vous demande pardon.

- Moi aussi je fais vous faire marcher..., vous pouvez me dire ce que vous voulez à partir de maintenant, je suis sur un nuage !

Comble du sacrilège, nous buvons du champagne millésimé dans des tasses en faïence, à défaut d'avoir des flûtes. En fait, il y en a, mais dans le bureau de Maxime.

J'adore mon employeur : sa fausse façade distante, son humour piquant, il vient de se propulser à mes yeux au rang de héros : celui qui va nous débarrasser de Maxime !

Il observe le niveau de la bouteille qui a fortement baissé. L'alcool est un composé volatil qui s'évapore, non ? Un peu comme le flacon d'acétone ou le dissolvant...

- Vous savez que ce n'est pas conforme au règlement de consommer de l'alcool sur votre lieu de travail, me sermonne-t-il.

- J'ai l'approbation de mon patron.

- Bon et comment pensez-vous rentrer chez vous à présent ?

- A pied, je suis encore capable de me diriger. En revanche, Vous semblez beaucoup plus bourré que moi.

- En effet. Après tout ce que vous vous êtes enfilée, vous tenez drôlement bien. Je n'ai pas votre expérience... Dit-il d'un regard taquin.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant