27 - Aaahhh!

96 13 0
                                    

D'un autre côté, elle porte ma nièce qui n'a rien demandé à personne. Le besoin de réfléchir à l'écart se fait sentir. Dans le couloir, perdue dans mes pensées, je heurte de plein fouet Benjamin qui sort des toilettes pour hommes.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu t'es battue ? plaisante-t-il en avisant mon nez sanguinolent.

Incapable d'articuler un mot, je lui saisis le poignet et l'entraine à ma suite vers les sanitaires voisins.

- Putain ! s'exclame-t-il en découvrant de Béné à présent affalée sur le côté dans une marre translucide.

Il appelle de suite les secours.

- Va prévenir son mec, je reste avec elle.

Son sang-froid me tire de la panique qui commençait à m'envahir. J'appelle Kévin mais évidemment, c'est son annonce de répondeur qui me répond. Ils ont déjà tous coupé leur portable pour profiter du spectacle.

Sur scène, un groupe de gamines en tutu effectue des entrechats pendant que d'autres sont déguisées en nuages en arrière-plan. Le reste de la salle est plongé dans le noir, c'est bien ma veine ! Elle était où notre rangée déjà ?

Dans la précipitation, le papier toilette a du tomber de mon nez, le sang me coule sur le bas du visage et un gout acre de pièce de monnaie remplit ma bouche. Je comprime ma narine incontinente d'une main tandis que de l'autre j'éclaire notre rangée au portable, à la recherche de mon demi-frère. Des gens râlent de se retrouver avec le faisceau braqué dans les yeux, d'autres, parce que je leur écrabouille les pieds en progressant entre les fauteuils. Ce qu'ils peuvent être égoïstes !

Me voyant arriver dans cet état pitoyable, Kévin écarquille des yeux grands comme des soucoupes. J'ai eu la mauvaise idée de réorienter le rayon lumineux en contre plongée, ainsi éclairé mon visage doit être carrément flippant !

- Où est Béné ? demande-t-il soudain anxieux.

Il croit que je l'ai trucidée ou quoi ?

Plus réactive, Marine installée à ses côtés devine qu'il se passe quelque chose d'urgent et l'incite à me suivre.

Sur place, nous constatons que le travail a déjà bien commencé.

Entre deux hurlements de douleur, Béné explique à Benjamin que non, elle ne souhaite pas aller à l'hôpital le plus proche car elle est suivie à la Clinique des Oliviers.

- Mais c'est à une heure d'ici !? objecte-t-il.

- Ils ont mon dossier, c'est une grossesse à risque. J'ai plus de quarante ans, je te signale et Fiona est née par ...

Dire autant de mots entre deux contractions, oblige à parler très vite. Trop tard, une autre la reprend avant la fin de la phrase :

- ... CÉSARIENNE ! hurle-t-elle.

Si après cela, Benjamin est encore chaud pour faire un enfant à Marine, c'est qu'il est costaud, le gars !

- Elle est dilatée à combien ? demande Kévin à son demi-frère de manière très rationnelle.

- J'en sais rien, moi ! Je suis infirmier par gynéco !

- Ben regarde !

Benjamin lui répond par une expression déconcertée. Béné, les cheveux collés au visage par la sueur lance autour d'elle des regards catastrophés. Et oui ! Elle redécouvre les joies d'avoir un mec très précautionneux et qui ne laisse rien au hasard. Devant l'insistance de Kévin, notre infirmier s'exécute. Il glisse deux doigts sous la robe de Béné en direction de son entrecuisse, ses yeux semblent dire « pardon belle-sœur, j'espère que tu ne m'en voudras pas ». Il ausculte, hésite un peu puis se retourne vers nous tentant de maitriser son inquiétude.

- Je sens déjà la tête !

Fiona entre précipitamment dans les sanitaires :

- Je vous cherche partout ! Ca va être notre tableau tout de suite ! Vous venez ?

Déguisée en libellule géante avec des ailes bleutées dans le dos, elle reste interdite devant le spectacle.

- Maman !?

Bloquée par une nouvelle contraction, Béné ne peut la rassurer, au lieu de quoi, elle pousse un hurlement à réveiller les morts.

Marine la raccompagne, lui demande de danser comme jamais en pensant à nous et lui promet qu'on gère sa mère. Ça, j'en suis moins sûre...

Ma belle optimiste revient vers sa cousine.

- Tu vas y arriver !

Pour toute réponse, Béné lui broie la main. Incapable de se retenir jusqu'à l'arrivée des ambulanciers, elle commence à pousser. Marine enlève alors son tee-shirt et le pose sur le sol pour protéger des microbes ce futur bébé très pressé.

- Tu peux me trouver un tuto sur comment accoucher ailleurs qu'à l'hôpital ou accoucher pour les nuls, ce genre de truc ? me demande Benjamin.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant