4 - Bonne année

108 12 1
                                    

Au moins pour ne pas gâcher la soirée de nos invités et épargner nos enfants, on a fait comme si de rien jusqu'au décompte de minuit. Gaétan était en face de moi, on se jetait des signaux de temps à autre. Béné et Kévin faisaient comme d'habitude. Au point que je me suis demandée depuis combien de mois, ces deux là nous jouaient la comédie. Retrouver mon mari le pantalon sur les genoux, les hanches enlacées par les cuisses de son ex-femme m'a provoqué une sorte de déclic. Après ce stupide décompte, j'ai prétexté une migraine pour qu'on rentre à l'appart. Impossible d'embrasser et de souhaiter la bonne année à ces traitres. Ce soir, un pan de ma vie vient de s'écrouler, aucune envie de partager leurs réjouissances. Je n'ai pas réussi à parler à Kévin pendant le retour. Il a compris que quelque chose n'allait pas mais s'est gardé d'investiguer.

J'ignore si Gaétan a abordé le sujet de son côté. Je le consulte par SMS pendant le petit-déjeuner.

- A qui tu souhaites la bonne année ? me demande Kévin.

Louis récupère encore de sa nuit au fond de son lit. Je ne peux plus me taire.

- A celui dont tu baises la femme, lui balancé-je.

Il reste silencieux, rassemblant ses mains jointes devant sa bouche. Quand il fait cela avec un client, c'est quand ce dernier lui révèle des éléments compliquant sa défense.

Il ne cherche même pas à nier, ni à minimiser, du genre « on a fait une bêtise hier soir ».

- Autant que tu l'apprennes maintenant : Béné est enceinte. On souhaite tous les deux garder l'enfant.

Ses paroles me laissent sans voix. A quoi m'attendais-je ? Des excuses de sa part ? Qu'il me supplie de lui pardonner ? Que j'aurais pu lui déverser ce que j'avais sur le cœur ? Au lieu de quoi il me déclame une information qui me glace sur place. Gaétan avait vu juste, cela dure depuis un moment entre eux. Je n'ai rien vu jusqu'à hier soir. J'ai continué à lui faire confiance aveuglément.

- Tu veux faire quoi ? demandé-je posément.

La seule personne qui m'importe c'est Louis. Il a vécu les dix premières années de sa vie entouré par un couple parental qui semblait solide, je n'ai pas envie que son univers sécurisant se brise.

- Je vais déménager. On fera une demande de garde partagée. Pour le divorce, rien ne presse encore. Elle n'est qu'à trois mois de grossesse, m'apprend t-il.

Qu'il ait déjà tout anticipé me fait froid dans le dos. Il comptait me l'annoncer quand si je ne l'avais pas découvert moi-même ? En quelque sorte, je lui rends service...

- Ca compte pour toi ce qu'on a vécu ensemble, quand même ?

D'un coup tous les souvenirs remontent comme un flot de bile. Son comportement des dernières heures vient de polluer tout ce qu'on a partagé ensemble jusqu'ici.

- ... Non parce que tu juges les autres, Gaétan en premier, mais t'es bien pire. A l'époque, il ne m'avait rien promis. On avait vingt ans. Toi tu m'as épousée, tu joues le père et le mari modèle. T'as commencé à me tromper quand exactement ?

- Si t'y tiens tant que ça, va le retrouver Gaétan. T'as toujours dit que c'était un beauf et là tu lui trouves toutes les excuses.

- T'es jaloux et infidèle. T'as toutes les qualités, toi !

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant