6 - Opération commando

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Il est presque dix-neuf heures, les pâtes terminent leur cuisson dans une casserole en ébullition. Mon cerveau est à peu près dans le même état. Louis bute sur un exercice de math et moi aussi. Ca sert à quoi les ratios dans la vraie vie ? On sonne. Si c'est Kévin qui vient chercher quelque chose, une partie de ses affaires occupe encore l'ancienne chambre de Fiona, il faut que je fasse preuve de self control pour ne pas m'en prendre à lui en présence de notre fils. J'inspire, j'expire et ouvre la porte.

La vision qui se détache dans l'encadrement de la porte est surprenante. Marine en mode agent de sécurité : rangers, treillis noir, blouson noir, les cheveux ramassés sous une casquette. Il ne lui manque plus que le rottweiler muselé en laisse.

- T'es prête pour une leçon ? me demande-t-elle en guise d'entrée en matière.

- Une leçon ?

Je ne pense pas qu'on s'habille ainsi pour donner des cours de math, quoi que cela m'arrangerait. Malheureusement, je vois très bien où elle veut en venir.

- Chut ! Louis est dans la cuisine, lui intimé-je.

- Il vient avec nous.

- Où on va ? demande Louis qui nous a rejointes.

Il semble aussi intrigué que ravi à l'idée d'échapper à ses devoirs.

- Comme tu veux, concédé-je totalement inconsciente. Mais on mange avant.

L'assiette de macaroni et le petit-suisse engloutis, on prend place tous les trois dans la voiture de Marine.

- T'as changé ta Clio ? demandé-je surprise.

- Non ! C'est une voiture de loc, pour éviter qu'il remonte notre piste.

Sa manière de parler n'inaugure rien de bon. Installé derrière moi, Louis, jubile à l'idée de cette expédition. Je n'ose demander le programme, encore moins quelle leçon elle envisage de donner. Occupant les deux-tiers de la banquette arrière, juste à côté de mon fils, se trouve un imposant carton, assez gros pour contenir un fusil. Ne m'a-t-elle pas dit qu'elle chassait avec son père sur leurs terres auvergnates ? J'espère qu'elle n'a quand même pas prévu de jouer de la carabine sur le père de mon fils. Mon appréhension grandit à mesure qu'on se rapproche de la villa car de toute évidence, c'est là qu'elle nous emmène.

Trois rues avant, elle coupe le moteur et se retourne vers Louis.

- Mon grand, maman et moi, on va faire une plaisanterie à papa. Mais comme il ne veut pas que tu fasses de bêtises, il faut que tu restes bien tranquillement dans la voiture.

Je suis sûre que c'est une mauvaise idée. Louis a déjà fugué et voilà qu'on l'embarque dans un plan foireux et certainement illégal. S'il s'enfuyait en notre absence ? Je regrette d'avoir eu ce moment de faiblesse et d'avoir confié mon désarroi à Marine. On dirait que mes révélations lui ont complètement fait péter les plombs. Je me retourne à mon tour.

- Surtout tu restes ici jusqu'à notre retour. Tu me le promets ?

Il se glisse sur le siège entre nous deux. Je le serre contre moi.

- Tu es ce que j'ai de plus précieux.

Pendant ce temps, Marine tourne la tête vers la vitre. Elle semble gênée devant notre effusion. Je sors de mon sac la console de jeux de Louis et la lui tend.

- C'est exceptionnel, hein ! je le préviens.

Je suis mère célibataire depuis à peine deux jours et je commence déjà à lâcher du lest sur son éducation. Si cela continue, il aura droit à du soda à table, les dessins animés avec le petit-déj et fast-food le week-end. Je me console en me disant qu'au moins, il ne verra pas le temps passer en notre absence. Je quitte à regret mon bonhomme. Cette fois, Marine nous observe. C'est de la tristesse que je vois dans ses yeux à la lueur du plafonnier ?

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 8 : comparution immédiateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant