Chapitre 6

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- Woah, mais c'est ça que tu appelles un petit chalet ?

Ahriman se tourne vers moi et rigole en voyant nos têtes ébahies. On est clairement dans le même manoir qu'en Amérique mais dans un style un peu plus rustique et campagnard. On pose nos valises dans l'entrée avant de nous asseoir, moi et Devil dans l'immense canapé près de la cheminée. Le voyage m'a absolument épuisée, Devil, quant à lui, a pas arrêté de paniquer. Je pense que c'est la première et la dernière fois qu'il fait un voyage en avion. Il passe sa main sur mon cou et commence à le masser doucement en voyant que je suis de plus en plus tendue par la situation.

- Tu es prête ?

- A revoir mon père ? Je sais pas.

Je sais que j'ai fait tout ce chemin pour le rencontrer mais il y a quelque chose au fond de moi qui me dit que ça ne va pas se passer comme on l'espère. Ahriman nous rejoint depuis la salle à manger, un verre de vin rouge à la main. C'était trop dur de tenir une journée sans alcool à ce que je vois. Je vois ses pupilles blanches me fixer et il rit en s'approchant de nous.

- J'ai toujours voulu goûter le vin français, il se justifie.

- Mais je ne te jugeais pas Ahriman.

Menthaïs s'approche et nous demande quel est le plan à présent. Maintenant que la chose se concrétise, je suis de moins en moins sûre de moi. Et j'avoue que je n'ai aucune idée d'où est le passage ni comment y rentrer. Ahriman sort un flyer de sa poche et me le met dans la main. « La cité céleste » ; si ça ce n'est pas un nom explicite je ne vois pas ce que c'est. Je regarde la brochure et vois une taverne digne du moyen-âge mais qui m'a l'air assez douillette pour passer des vacances à la montage.

- Tu ne peux entrer au jardin d'Eden qu'en présence d'une invitation comme celle-ci, nous explique Ahriman. Quand vous arriverez à l'auberge, vous commanderez deux boissons « élixir des anges » au barman et il vous emmènera au passage. C'est un code qui a été créé avant la guerre pour que les humains ne nous suspectent pas.

J'hoche la tête et dis que je suis prête à y aller quand je sens une main se glisser dans la mienne ; jamais l'un sans l'autre à partir de maintenant.

***

Après une commande plutôt rapide auprès du barman, qui ne s'est pas gêné pour me regarder de haut en bas, car en France j'ai de nouveau ma forme normale ; nous arrivons devant la fameuse porte. Je pousse celle-ci, pour éviter de me poser mille et une questions sur la suite des événements et une lumière arrive d'un coup, comme si elle avait attendu des années pour sortir. Une fois mes yeux habitués à celle-ci, je vois un escalier en verre transparent devant nous. Sans lâcher la main de Devil qui se place derrière moi pour pouvoir avancer, on monte les marches une à une avant d'atterrir sur de l'herbe vert fluo.

Je suis d'abord ébahie par cette dernière avant que Devil ne place un doigt sous mon menton pour me faire lever le regard. Des arches de lierres et des fleurs à perte de vue se dessinent devant nous. Tout le monde à l'air tellement... Heureux dans cette endroit que ça me donne la nausée : ils ne sont donc pas au courant de ce qui se passe sur Terre ou en enfer ? Ou alors ils sont trop occupés à se voiler la face en batifolant dans les fleurs multicolores plutôt que d'affronter leur problème ? Nous sommes coupés de notre contemplation par un homme en costume militaire – je présume.

- Est-ce que je peux vous aider ?

De grandes ailes blanches surplombent son dos et lui donne un charisme assez conséquent. Je regarde Devil qui se fait tout petit depuis qu'on est entrés ici et décide donc de prendre la parole.

- Nous cherchons Kallias.

Le jeune homme en face de nous se tend, il se redresse comme s'il voulait nous montrer sa musculature et que cela allait nous dissuader de rentrer avant de nous envoyer une réponse assez cinglante.

- Vous ne pouvez pas le voir, si vous n'avez rien d'autre à faire ici vous pouvez partir.

- Du calme, Caleb.

Une voix grave et assez usée par le temps retentit derrière le dénommé Caleb. Un homme au cheveux grisonnant et aux habits religieux apparait devant nous. Il est suivi par un homme assez classieux, en tenue militaire toujours qui me fixe d'un air que je dirais confus.

- Mais Vénérable Loïd, ce sont des démons. Hormis situation exceptionnelle nous...

- Nous nous sommes dit de ne plus les accueillir ici ; je connais la loi, merci Caleb. Mais les temps ont changé depuis la guerre, les gens ont évolué. Et puis cette jeune fille n'est pas que démon, si je me trompe.

Il m'affiche un sourire qui se veut rassurant mais je ne réponds rien. Alors je serais reconnue même ici, dans le lieu où règne la paix et le bonheur exacerbé. Je réitère ma demande et le vénérable fait une grimace à son tour.

- Malheureusement, les visites sont interdites pour lui, mademoiselle Smith.

- Les visites ?

Je me replace ce que Gabriel a pu me dire sur lui mais rien ne peut m'aider sur le moment. Je fronce les sourcils en me tournant vers Devil qui est aussi confus que moi.

- Kallias a dû être enfermé pour haute trahison il y a de cela vingt ans.

- Haute trahison ? Mais il n'a commis aucun crime !

Je sens Devil me tirer légèrement en arrière pour m'indiquer que je perds mon sang-froid et le fil de mes émotions. Je reprends mon souffle et regarde le vénérable dans les yeux pour lui montrer que je ne partirai pas d'ici avant l'avoir vu.

- Et quel crime il a commis pour recevoir une telle sanction ? je demande en essayant de poser chacun de mes mots de façon neutre.

Il soupire en voyant ma détermination et vient joindre ses mains devant son ventre. Je vois le militaire qui se tient toujours aussi droit qu'un pique de moins en moins perdu comme s'il a l'air de comprendre la situation.

- Vous êtes le crime qu'il a commis, mademoiselle Smith. 

Angélique (en réecriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant