I will not say the Day is done

Le fiancé

Il crut suffoquer. Sa gorge se serrait de plus en plus, son souffle était court. Ce n'est que quand les larmes vinrent que Sam comprit qu'il n'était pas en train de mourir. Il pleurait. Les sanglots violents lui secouaient le corps, son chagrin pareil à celui qu'il avait éprouvé à Minas Tirith quand il avait compris que Frodo ne reviendrait jamais. Non. C'était différent cette fois. Frodo était en vie, mais il était parti. Il avait préféré rester loin de lui. Sam ne pouvait craindre pire châtiment.
Il aurait dû lui refuser ce que Frodo avait demandé la veille, sûrement il n'était pas dans son état normal. Maintenant, Frodo devait regretter. Peut-être même était-il être horrifié de découvrir ce que Sam avait en tête depuis toutes ces années. Mais n'était-ce pas Frodo qui lui avait demandé ? Sam n'avait plus aucune certitude concernant la nuit passée. Il était presque certain de l'avoir rêvée. Et si son père n'avait pas mentionné Frodo le matin-même, Sam se demanderait s'il n'était pas simplement fou et avait tout imaginé depuis le début.

Lorsqu'il finit par reprendre son souffle, il se dirigea vers la cuisine de Cul-de-Sac pour se faire du thé. Il fallait qu'il réfléchisse, et rien ne servait de réfléchir le ventre vide. Sam devait manger et boire quelque chose. En s'attablant avec sa tasse de thé fumant, le Hobbit remarqua enfin le morceau de papier qui était posé au milieu de la table de la cuisine. Dans sa panique, ce détail lui avait échappé. Les doigts tremblants, il le déplia et lut les quelques mots griffonné à la hâte. Sam reconnut l'écriture de Merry.

Sam,

Frodo nous presse de l'emmener immédiatement à Creux-de-Crique. J'aurais aimé pouvoir t'en avertir de vive voix mais je n'en aurai pas le temps.

Tu sais où nous trouver.

Affectueusement,

Merry.

Sam relut plusieurs fois la note. Son cœur avait reprit sa course folle, mais il ne sut dire si c'était de soulagement ou de chagrin. Frodo n'était pas parti seul, il était en route pour Creux-de-Crique : Sam pourrait le rejoindre bientôt. Mais voulait-il seulement que Sam le retrouve ? Merry était peut-être allé contre la volonté de Frodo en indiquant leur destination à Sam.
Oubliant son thé et son premier petit-déjeuner, Sam s'empressa de redescendre jusque chez l'Ancien. Il entra dans la cuisine tout essoufflé et retrouva son père assis à la même place, toujours en train de fumer tranquillement sa pipe.

« Et que t'arrive-t-il mon garçon ? lui demanda l'Ancien tandis que Sam claquait la porte derrière lui d'un air paniqué. Quelque chose est arrivé à monsieur Frodo ? »

Bien sûr, c'était la seule chose qui pouvait mettre Sam dans un tel état, et Hamfast le savait pertinemment.

« Je voulais juste te prévenir. Je dois partir. Je dois le suivre.

— Partir ? Allons, reprends tes esprits : où ça ? Et pour combien de temps ?

— À Creux-de-Crique. Je ne sais pas exactement, Pa, je dois... »

Hamfast leva la main avec autorité pour le faire taire.

« Pas de ça, Samwise. Tu ne vas pas encore courir après lui sans réfléchir un peu d'abord. Il ne s'est pas fait enlever, que je sache ?

— Non...

— Alors c'est qu'il est parti de son plein gré, et s'il t'a tenu à l'écart, je sais que ça te brise le cœur, mais il a sûrement une bonne raison. Tu ne vas quand même pas aller contre sa volonté !

— Mais Pa...

— Je n'ai pas fini mon garçon. Eh quoi ? Il est avec messieurs Took et Brandybuck, n'est-ce pas ? Dans ce cas il ne court aucun danger. Pas question d'aller le sauver ou que sais-je. Il a sûrement envie d'être un peu tranquille. Et peut-être qu'il veut te laisser un peu de temps pour toi-même ? »