I will not say the Day is done

Le survivant

Les jours qui suivirent à Creux-de-Crique passèrent comme dans un rêve. Sam emmenait Frodo en promenade presque tous les jours, et il s'émerveillait de le voir gagner de la force un peu plus chaque jour. Il mangeait aussi avec un appétit féroce, ce qui ne manquait pas de susciter la taquinerie de ses cousins. Sam, lui, était ravi de préparer les plats que Frodo préférait, et plus heureux encore de le voir finir son assiette avec plaisir, ne manquant jamais de remercier Sam avec un sourire irradiant d'amour. Et le soir, dans l'intimité de la chambre qu'il partageait avec Frodo, Sam s'endormait pressé contre son maître, dans une étreinte chaste qui le comblait de joie.

Un après-midi, alors que tous les Hobbits étaient réunis dans le salon pour prendre le thé, Frodo se leva pour s'adresser à tout le monde.

« Je crois que je suis prêt à vous raconter ce qu'il m'est arrivé, annonça-t-il d'une voix éteinte, comme surpris de sa propre réalisation. Voulez-vous entendre cette partie de l'histoire ?

— Je me suis tant demandé ce qui avait bien pu se passer après que Sam ait perdu ta trace, répondit Fredegar avec gentillesse, que connaître la vérité me soulagerait.

— Oui, Frodo, continua Pippin. Si tu es prêt à nous raconter, eh bien, nous sommes prêts à t'écouter. Je le suis en tout cas. »

Merry acquiesça pour signifier qu'il partageait ce sentiment. Seul Sam hésita avant de répondre.

« Si vous êtes bien sûr de vous, dit-il alors, vous savez que je suis là pour vous, que nous sommes tous là pour vous, ajouta-t-il en rougissant un peu.

— Merci mes amis » dit Frodo.

Puis, en se tournant vers Sam :

« Si cela ne te gênes pas, j'aimerais m'asseoir près de toi pendant que je raconte. Ainsi, avec tes bras autour de moi, je ne risque pas de basculer dans l'obscurité. »

Sam n'eut pas besoin de répondre, juste à ouvrir les bras. Frodo s'installa sur ses genoux et saisit la main que Pippin, assis sur le fauteuil le plus proche, lui tendit par sympathie. Il prit une profonde inspiration et débuta son récit :

« Je me souviens des derniers moments passés auprès de Sam très clairement. Presque plus clairement que le reste, à vrai dire. Nous avions traversé le tunnel de Shelob et je pensais pouvoir entrer en Mordor quand j'ai été piqué par le dard du monstre. Après cela, c'est un peu flou. Je me suis réveillé plusieurs fois, au milieu des cris des orcs et des bruits de métal. J'étais dans une pièce sombre, éclairée par une flamme rouge, il faisait très froid. Quand je suis vraiment revenu à moi, j'ai réalisé que j'étais nu.

« Je me souviens encore très nettement de ma panique : ils m'avaient tout pris, je n'avais plus l'Anneau ! J'ai pleuré, et ça les a fâché. Ils m'ont... ils m'ont battu pour me faire taire. »

Sam serra Frodo un peu plus fort contre lui et enfouit son visage dans sa nuque, retenant ses larmes avec force.

« Après cela, les orcs qui me surveillaient se sont disputés, et j'ai entendu les autres se battre en contrebas. Et puis l'un des deux orcs avec moi a tué l'autre. Il y avait encore du bruit, et puis le grand orc, celui qui avait tué son camarade, m'a attrapé, il a pris un sac qui contenait ce qu'ils m'avaient pris, et nous avons descendu la tour. Il y avait des corps partout, des orcs morts ou mourants. Ils avaient beau être mes ennemis, je me souviens avoir eu pitié pour eux. Et puis nous sommes sortis, j'étais toujours nu et porté comme un sac sur l'épaule de mon gardien. J'avais froid, tellement froid ! Et tout le temps je me disais « Voilà, c'est maintenant que tout va s'arrêter. Il va me tuer, et je n'ai même pas accompli ma mission. », mais la mort ne venait pas. Et toi, mon pauvre Sam, je me faisais du souci pour toi, je te croyais perdu. Mais tu as dû arriver dans la tour après qu'il m'ait emmené, sans quoi nous nous serions retrouvés.