PARTIE 1

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Lauren s'était levée de bonne heure ce matin là,  comme tous les autres d'ailleurs,  car ses nuits étaient devenues ternes et déprimantes depuis que son mari était parti , l'obligeant à renoncer sur écrit à sept années de mariage , pour une petite inconsciente qu'il avait croisée par hasard dans une université.
On était Samedi , et il faisait beau dehors , le  soleil se dévoilait petit à petit , faisant danser ses rayons ici et là,  au gré des branches qu'il croisait , pendant sa montée.  Les oiseaux , impatients et bruyants , allaient d'un arbre à un autre , guidés sans doute par les fragments de lumière qui s'élevaient dans le ciel . Leur insouciance faisait sourire Lauren , car ils ne se préoccupaient pas de l'endroit où ils allaient,  ils volaient simplement aussi loin que le vent souhaitait les porter .
Comme eux , se souvenait-elle  , elle avait  été flegmatique dans sa jeunesse  , agissant par pur instinct , d'une spontanéité déroutante,   évitant de se préoccuper de demain , ou de l'instant d'après, non, elle n'y songeait guère,  car tout ce qui comptait c'était l'instant qu'elle vivait. Bien sûr à plusieurs reprises , cette attitude lui avait causé du tort , et l'avait d'ailleurs obligée parfois à se coltiner des gens et des choses dont la présence finissait par l'irriter. Mais  combien de fois en avait elle tiré profit? Combien de fois avait-elle été heureuse pour ses choix , et par eux ?  Un nombre incalculable heureusement .
Avec le temps pourtant , les responsabilités et les contraintes elle s'était assagie , jusqu'à devenir une parfaite épouse, dévouée,  et présente. Une maman disponible , aimante et à l'écoute. Ce rôle, elle l'avait joué à la perfection elle en était certaine. Elle avait tout bien fait, elle avait sacrifié ses rêves et ses loisirs , elle s'était donnée corps et âme,  et avait cédé au moindre caprice de son mari , jusqu'à réaliser ses fantasmes les plus sordides , mais que diable avait elle reçu en retour ? Une demande de divorce , envoyée depuis Hawaï,  où il passait du bon temps avec une petite traînée. Si elle avait cru un seul instant qu'il fallait être parfaite comme elle l'avait été pour retenir un homme , cet homme , la douche avait donc été froide . Très froide .
Le temps était passé,  bientôt cinq années,  longues et interminables,  pendant lesquelles elle avait fermé son coeur à toute sorte de propositions, ne se sentant plus capable de compromis ou de concessions,  refoulant au loin toute idée saugrenue de mariage , d'enfermememt ou encore d'engagement, elle avait dit non à tout et à tous , et avait choisi de se dévouer à ses ambitions , et au bien-être de son fils  . Ces cinq années avaient été les plus dures de sa vie , et encore , elle ressentait cette fichue douleur à chaque fois , elle revoyait son mari partir pour le boulot , pour ne plus jamais revenir . Si au moins il était mort , la douleur serait certainement passée au bout de quelques années,  mais il était vivant , et profitait de la vie , avec une petite étudiante à son bras. La réalité était cruelle , dure à vivre et surtout dure à comprendre. Que n'avait elle pas fait ? Que n'avait elle pas donné ? Où avait elle fauté? Elle se posait ces questions depuis bientôt cinq ans , mais qui pouvait bien lui répondre ? Certainement pas son fils dont la petite voix vint rompre le fil de ses pensées.

- Maman ... tu pleures encore ? Demanda son fils
- Teddy !!! Mais tu m'as fait peur ... viens là mon amour . Bien sûr que non je ne pleure pas ... j'ai juste baillé c'est tout .
- Mais pourquoi tu bailles chaque matin ?
- Je ne comprends pas chéri...
- Je t'entends tous les matins maman ... et je sais que tu ne fais pas que bailler .

Elle reçut cet aveu comme un poignard en plein coeur , car depuis le divorce,  elle s'était efforcée de tenir son fils éloigné de toute cette histoire.  Il n'avait que deux ans quand tout avait basculé ,  il ne pouvait pas comprendre , et c'était encore le cas aujourd'hui. Elle avait essayé plusieurs fois de lui raconter les faits tels qu'ils s'étaient produits,  mais elle craignait que son fils ne puisse pas accepter cette vérité et surtout redoutait qu'il finisse par haïr son père.  Alors elle avait menti , elle avait choisi la voie de la facilité , et avait préféré faire passer pour mort , cet homme qui les avait abandonnés. D'ailleurs elle n'avait pas eu besoin de se justifier depuis le temps,  car il se comportait effectivement comme le mort qu'il était désormais.

La Cible de Cupidon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant