France (1)

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— Tu te rends compte ? Je suis si heureux !

Charles parcoure la chambre en sautillant, trop enthousiaste, enfantin. Ce n'est même pas de l'amour, c'est juste qu'il adore recevoir de l'attention.

Pierre se pince l'arrête du nez. Il est prince régent de France, même si l'actuel roi est toujours au pouvoir. Il est amoureux depuis longtemps de son ami d'enfance mais a toujours réussi à taire ses sentiments. À les cacher et s'est lancé dans une correspondance avec le dirigeant russe, bon ami, bon confident.

— Ne te fais pas d'illusions, il ne quittera pas le précieux prince des Pays-Bas pour toi, déclare-t-il, moqueur.

La vérité semble frapper de plein fouet son interlocuteur qui s'assombrit un peu.

— Je sais bien. Pas la peine de me le rappeler.

Alors pourquoi diable s'enquérir des attentions d'un homme marié ? Il ne comprend pas et ça le tue. Peut-être qu'il a été naïf, peut-être qu'il a cru que le monégasque le choisirait toujours pour et contre tout. Il s'est trompé mais il commence à avoir l'habitude.

L'habitude d'être déçu, l'habitude de se méprendre, l'habitude d'avoir le cœur brisé par l'homme qui se tient à ses côtés. Presque constamment.

Il déteste l'aimer. Il déteste que leurs pays soient si proches l'un de l'autre et qu'ils puissent se voir en quelques temps. Cela incite toujours le plus jeune à venir geindre et se plaindre dans sa demeure ou au palais principal, annonçant le moindre événement se déroulant avec Daniel, ne lui laissant aucun répit.

L'instant présent. Une conversation avec le concurrent direct de celui qui possède son cœur. Enfin, "concurrent direct", pour lui, c'est un combat que Max gagne haut la main. Le roi italien le trompe mais l'aime plus que tout au monde. Il est presque sûr qu'il arrêterait de gouverner pour lui.

Mais le néerlandais ... lui fait peur. En fait, il lui fait peur parce qu'il a peur pour sa vie. Il a peur de ce qu'il va faire, il a peur de toutes les choses qu'il ignore et qui ont été passées sous secret. Il est un stratège mais ne peut composer avec les choses qu'il ignore.

— Est-ce que tu as déjà voulu mourir ?

Un écho. Une voix. Une porte qui s'ouvre au plus profond de lui et dans le sourire triste que lui offre son comparse, il s'y reconnaît sous tellement de formes. Il ne veut pas le dire, ne veut pas l'exprimer.

S'en rappelle encore trop bien. Cette ouverture à la dérobée qu'a été son enfance, un cauchemar éveillé, un enfer personnel. Quand il ferme les yeux, il frissonne en se rappelant du froid, de la solitude, d'avoir ses rêves et ses espoirs brisés.

Tomber amoureux de Charles a probablement été facile à la suite de cela. Trop facile. C'est un idiot. Charles a été la représentation de bien des choses ; d'arrogance, d'insolence, de douceur, de différence. Se sentir rassuré par sa présence.

Son ami d'enfance n'a pas toujours été comme ça, à chercher l'affection, la reconnaissance, à en être assoiffé, jusqu'à aller le trouver chez des gens, n'importe qui. Aujourd'hui Daniel.

Sentir le couteau effleurer sa gorge. Une lame allant jusqu'à faire saigner sa peau blême.

L'envie de s'évader. La falaise proche du domaine familiale, à la recherche d'une solitude ne pouvant plus être comblée. Plus jamais.

Pierre entend les bruits qui courent avant de savoir ce qui se passe. Il se tourne vers Lando d'abord, qui est resté figé de cette soudaine fuite.

— Le sceau ... c'était le sceau des Pays-bas non ?

— Je ... oui. De la famille royale. Qu'est-ce que ça veut dire, Pierre ? Je n'avais jamais vu Max dans un tel état.

Dead HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant