Russie

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Se confier sur un ressenti est ... particulier. Daniil n'a jamais pu le faire avec beaucoup de gens mais, enfin, c'est Pierre, quoi. C'est Pierre et il ne peut pas ne pas lui en parler après tout ce que celui-ci lui a confié.

Il se promène dans les jardins, sent le vent frais lui caresser la peau. Un vent auquel il s'est habitué, familier. Il a marché aux côtés du français, ont fait un petit bout de chemin ensemble, n'arrivant toujours pas à croire la drôle de relation qu'ils ont formé.

Une certaine amitié, hissé au sommet d'une montagne de pique et d'une société d'hypocrites.

Mais les voilà à parler, face à face, il s'est toujours demandé ce que donnerait leur rencontre et elle a donné ça. Une sincérité qu'il n'avait jamais cru voir.

Il se demande à quoi ressemble la Finlande, en ce mois-ci, en cette période de l'année.

Il se laisse tomber toujours un peu plus profond, dans une spirale de pensées, de souvenirs. Comme du sel sur une plaie qui ne s'est jamais refermée. Donc ça fait mal mais il vit avec la douleur, il a presque appris à l'apprécier, comme une vieille compagne d'un voyage qui ne prend jamais fin.

— Cela s'est passé avant la guerre, avant presque tous les conflits. Mon père était encore au pouvoir.

C'est une soirée plus tranquille, une soirée qui semble inspirer la confidence à la lumière et à la chaleur des flammes de la cheminée à leurs côtés.

— Un homme est entré à notre service, pour faire partie de la garde personnelle. On avait cinq ans d'écart, il venait de la Finlande. Il avait toujours été soldat, de ci et de là, son palmarès était assez impressionnant et il avait une façon de se tenir et de parler qui a tout de suite plu à mon père.

Son regard dérive sur le feu et il l'observe danser. Dangereux mais toujours si proche. Cela le ramène des années en arrière et il s'y replonge avec un certain plaisir, en sachant bien comment tout se finit.

Il a été un peu naïf, dès le départ, ce n'est pas forcément de sa faute. Valtteri avait un certain charisme, savait toujours quand parler et quand ne pas le faire. Plaçait les bons mots au bon moment.

Son père l'a assigné à sa garde.

Il n'a pas compris pourquoi mais n'a pas protesté. Il avait déjà fait son entrée dans la politique à l'époque et avait passé l'âge de protester. Il faisait les choses qu'il fallait, c'est tout ce qui comptait.

Dès lors, Valtteri l'avait suivi soigneusement, comme son ombre. Ils s'étaient accommodés l'un à l'autre, partenaires de silence. Il est acharné, il ne veut pas manquer à ses tâches, même si cela lui nuit.

Il tombe malade un jour. Bien sûr que de jouer les justiciers en plein hiver est une mauvaise idée mais il n'a jamais vraiment été affecté par le climat. Il est coincé dans le palais secondaire, incapable de rejoindre son père pour la soirée qui se tient à leur résidence.

Il tente de se lever, déchante bien vite quand sa vue se trouble. Trois pas et il tombe au sol, essoufflé. Il a terriblement chaud.

— J'ai entendu du bruit. Qu'est-ce qui se passe, mon Prince, vous-

Son garde se coupe dans sa tirade en le découvrant à terre. Une main fraîche est appuyée sur son front et il a un soupir presque reconnaissant.

— Vous êtes brûlant.

— Arrête de me vouvoyer... tu sais bien que je n'aime pas ça ...

Le plus âgé a secoué vivement la tête avant de le remettre au lit, marmonnant quelque chose à propos de son entêtement et de la température extérieure.

Dead HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant